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Can tah, can tak… Il existe d’autres dieux que les vôtres.
Jeu 22 Juin - 21:57
Can tah, can tak… Il existe d’autres dieux que les vôtres.
Mais aucun d’entre eux ne pourra m’aider cette fois-ci. Voilà qui permettra sans doute à Olikotora de poursuivre la mission qu’il s’est donné sans craindre de sabotage de ma part. Mais pourquoi m’abaisserais-je à de si viles actions ? Pour me venger ? Non… il me reste encore quelques miettes d’honneur : ce qui m’importe au fond, ce n’est pas de mettre Watson hors d’état de nuire, c’est de parvenir à obtenir des résultats avant lui, à ma manière.
Je l’ai croisé récemment près de chez-moi, rôdant à proximité de mon sanctuaire. Je n’aurai jamais pensé qu’il oserait y remettre les pieds mais je m’étais visiblement trompée sur son compte. L’âme d’Oliko est sans doute devenue plus noire elle aussi, puisqu’il n’a pas hésité à faire main basse sur deux de mes caisses isolantes. A sa décharge, il me l’a avoué quelques temps après m’avoir interceptée. Je puis l’accuser de bien des maux mais le docteur Watson n’est pas un voleur : j’ai pris soin de transformer ce larcin en échange. Un peu de son sang en paiement de mon matériel : c’est à mon sens une transaction acceptable pour les deux parties. C’est un accord que nous avons passé dans les règles et je compte sur lui pour le respecter… Olikotora n’est pas conscient du poison qui circule - je le crains - dans mes veines. Mais il est prévenu : si je le surprends à nouveau près de Frontière d’Acier sans avoir eu vent de sa visite, je jure que je prendrai les dispositions nécessaires pour le briser. Œil pour œil, dent pour dent. Il existe d’autres blessures que celles du corps.
Je comprends la délicate position de Waam dans cette histoire : la mystérieuse survivante à la voix aussi étrange que le fil de ses pensées doit se sentir oppressée en notre présence, comme prise entre deux feux. Elle s’efforce de nous aider l’un comme l’autre, tout en se tenant éloignée de nos divergences. Je ne lui en veux pas ; en d’autres temps, Waam aurait pu devenir une amie, une personne sur qui j’aurai compté. Mais c’est impossible en ces circonstances. Au moins a-t-elle été honnête avec moi : elle retournera d’où elle vient une fois sa mission terminée. Une partie de moi l’apprécie tandis que l’autre n’éprouve que du ressentiment à son égard. Waam n’est pas très différente de nous tous en fin de compte : elle éprouve des émotions et sa logique est pareille à la nôtre. Elle est en tout point notre semblable, seules sa sagesse, ses connaissances et ses capacités en font un être à part.
Pourtant, malgré son art, elle ne nous abandonnera pas moins ici et seul le souvenir de l’avoir rencontré perdurera. Chacun d’entre nous - Watson, Falcon, Ozone, Gitanos, Ded… ne sera finalement rien de plus qu’une série de données, de dossiers qu’elle pourra fournir à ses supérieurs. En cela, son essence est indubitablement humaine : c’est dans notre nature d’être égoïste. Visiblement, Waam et les siens partagent ce trait de personnalité avec nous.
Ne me juge pas Voyageur, Voyageuse. Si tu disposes de l’ensemble de mes écrits et que tu les as lus depuis que je me suis décidée à sortir de cette cave à l’odeur douceâtre remplie de pommes de terre, tu as bien compris que j’étais la championne toutes catégories lorsqu’il s’agissait de manier les mots sur le papier. Cette encre cristallise mes sentiments, mon ressenti et porte en elle l’essence même de ce que je suis et de ce que je ressens. Ce n’est pas un dialogue entre nous, pas même un débat entre les différentes parties concernées : c’est mon journal, ma réalité mise à nue, exposée à ton regard inquisiteur. Alors je t’en prie, ne te hâte point dans ton jugement… Parce que c’est mon cœur que tu tiens entre tes mains.
Dis-moi, Voyageur, Voyageuse. Si j’arrachais son reflet de ma poitrine pour le jeter dans la Brume avant que le froid voile de la mort ne m’enveloppe, quelle voie suivrait mon journal et qu’adviendrait-il de moi ? Serais-je réveillée par le bruit des vagues et l’odeur de l’iode marin ? Serais-condamnée à errer sans fin dans le Brouillard Affamé tout comme Wouff et Realder ? Ou bien serais-je réduite à moins qu’un fantôme, coincée entre les Membranes des Plans ?
Les loups ne m’ont apporté aucune réponse jusqu’à présent. Je n’ai aucun moyen de les marquer, ils succombent à leurs blessures avant que j’ai le temps d’en tirer quoi que ce soit. Seuls leur sang et leur cœur sont susceptibles de servir à quelque chose. Mais pour l’instant, je n’ai aucun résultat exploitable. Il ne me reste plus beaucoup de choix. Si je poursuis sur cette voie, je sais où tout cela va me mener et je n’ai pas spécialement envie de me salir les mains de cette manière. Je ne suis pas biologiste et même si je parvenais à obliger Olikotora à travailler pour moi, il préfèrerait sans doute tout perdre que de renier ses principes. Pauvre âme perdue, emprisonnée dans son carcan de chimères…
La solution de l’ogive est la plus prometteuse mais à supposer qu’il y en ait bien là-bas, il me faudrait encore m’aventurer dans le panache toxique, traverser les vingt centimètres d’acier blindé de la porte (au bas mot), et disposer d’un corps en parfait état, ce qui n’est plus le cas du mien si je ne m’abuse. Je pourrai bien sûr choisir de mettre fin à mes jours ici-même mais j’ai peur que tôt ou tard, cette combine ne fonctionne plus.
Il me reste Waam et ses secrets. D’une manière ou d’une autre, je veux sortir d’ici. Et elle en connait le moyen.
Je l’ai croisé récemment près de chez-moi, rôdant à proximité de mon sanctuaire. Je n’aurai jamais pensé qu’il oserait y remettre les pieds mais je m’étais visiblement trompée sur son compte. L’âme d’Oliko est sans doute devenue plus noire elle aussi, puisqu’il n’a pas hésité à faire main basse sur deux de mes caisses isolantes. A sa décharge, il me l’a avoué quelques temps après m’avoir interceptée. Je puis l’accuser de bien des maux mais le docteur Watson n’est pas un voleur : j’ai pris soin de transformer ce larcin en échange. Un peu de son sang en paiement de mon matériel : c’est à mon sens une transaction acceptable pour les deux parties. C’est un accord que nous avons passé dans les règles et je compte sur lui pour le respecter… Olikotora n’est pas conscient du poison qui circule - je le crains - dans mes veines. Mais il est prévenu : si je le surprends à nouveau près de Frontière d’Acier sans avoir eu vent de sa visite, je jure que je prendrai les dispositions nécessaires pour le briser. Œil pour œil, dent pour dent. Il existe d’autres blessures que celles du corps.
Je comprends la délicate position de Waam dans cette histoire : la mystérieuse survivante à la voix aussi étrange que le fil de ses pensées doit se sentir oppressée en notre présence, comme prise entre deux feux. Elle s’efforce de nous aider l’un comme l’autre, tout en se tenant éloignée de nos divergences. Je ne lui en veux pas ; en d’autres temps, Waam aurait pu devenir une amie, une personne sur qui j’aurai compté. Mais c’est impossible en ces circonstances. Au moins a-t-elle été honnête avec moi : elle retournera d’où elle vient une fois sa mission terminée. Une partie de moi l’apprécie tandis que l’autre n’éprouve que du ressentiment à son égard. Waam n’est pas très différente de nous tous en fin de compte : elle éprouve des émotions et sa logique est pareille à la nôtre. Elle est en tout point notre semblable, seules sa sagesse, ses connaissances et ses capacités en font un être à part.
Pourtant, malgré son art, elle ne nous abandonnera pas moins ici et seul le souvenir de l’avoir rencontré perdurera. Chacun d’entre nous - Watson, Falcon, Ozone, Gitanos, Ded… ne sera finalement rien de plus qu’une série de données, de dossiers qu’elle pourra fournir à ses supérieurs. En cela, son essence est indubitablement humaine : c’est dans notre nature d’être égoïste. Visiblement, Waam et les siens partagent ce trait de personnalité avec nous.
Ne me juge pas Voyageur, Voyageuse. Si tu disposes de l’ensemble de mes écrits et que tu les as lus depuis que je me suis décidée à sortir de cette cave à l’odeur douceâtre remplie de pommes de terre, tu as bien compris que j’étais la championne toutes catégories lorsqu’il s’agissait de manier les mots sur le papier. Cette encre cristallise mes sentiments, mon ressenti et porte en elle l’essence même de ce que je suis et de ce que je ressens. Ce n’est pas un dialogue entre nous, pas même un débat entre les différentes parties concernées : c’est mon journal, ma réalité mise à nue, exposée à ton regard inquisiteur. Alors je t’en prie, ne te hâte point dans ton jugement… Parce que c’est mon cœur que tu tiens entre tes mains.
Dis-moi, Voyageur, Voyageuse. Si j’arrachais son reflet de ma poitrine pour le jeter dans la Brume avant que le froid voile de la mort ne m’enveloppe, quelle voie suivrait mon journal et qu’adviendrait-il de moi ? Serais-je réveillée par le bruit des vagues et l’odeur de l’iode marin ? Serais-condamnée à errer sans fin dans le Brouillard Affamé tout comme Wouff et Realder ? Ou bien serais-je réduite à moins qu’un fantôme, coincée entre les Membranes des Plans ?
Les loups ne m’ont apporté aucune réponse jusqu’à présent. Je n’ai aucun moyen de les marquer, ils succombent à leurs blessures avant que j’ai le temps d’en tirer quoi que ce soit. Seuls leur sang et leur cœur sont susceptibles de servir à quelque chose. Mais pour l’instant, je n’ai aucun résultat exploitable. Il ne me reste plus beaucoup de choix. Si je poursuis sur cette voie, je sais où tout cela va me mener et je n’ai pas spécialement envie de me salir les mains de cette manière. Je ne suis pas biologiste et même si je parvenais à obliger Olikotora à travailler pour moi, il préfèrerait sans doute tout perdre que de renier ses principes. Pauvre âme perdue, emprisonnée dans son carcan de chimères…
La solution de l’ogive est la plus prometteuse mais à supposer qu’il y en ait bien là-bas, il me faudrait encore m’aventurer dans le panache toxique, traverser les vingt centimètres d’acier blindé de la porte (au bas mot), et disposer d’un corps en parfait état, ce qui n’est plus le cas du mien si je ne m’abuse. Je pourrai bien sûr choisir de mettre fin à mes jours ici-même mais j’ai peur que tôt ou tard, cette combine ne fonctionne plus.
Il me reste Waam et ses secrets. D’une manière ou d’une autre, je veux sortir d’ici. Et elle en connait le moyen.
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Mi him, ah lah, him en tow. Viens à moi et écoute.
Mar 27 Juin - 22:27
Mi him, ah lah, him en tow. Viens à moi et écoute.
Mi him, en tow, Dorro, mi him. Ou qui que tu sois. Frisca implore ta présence car elle a besoin de ton aide. Si em, tow en can de lach. Pour toi, je parlerai le langage des Morts. Tak ah lah ! Waam en tow. Tak ah wan !
Une fois de plus, ces terres ont été balayées par un nouvel Ouragan de Portails et le compte à rebours a été remis à zéro. J’ai tout perdu et je me sens pourtant étrangement calme. Sans doute n’ai-je plus grand-chose à espérer de mes recherches. Les longues heures passées à parler avec Waam, à essayer de la comprendre, ont finalement porté leurs fruits. En partie du moins car je dispose d’un début de piste : si je parviens à suivre ce chemin, tout ce sur quoi j’ai travaillé depuis mon arrivée à Frontière d’Acier deviendra caduque. Je me doutais qu’elle en savait bien plus que ce qu’elle voulait bien me dire. C’est chose faite à présent.
Je suis satisfaite mais je ne m’en sens pas heureuse pour autant, bien au contraire. Et à dire vrai, une partie de moi regrette même cette conversation que nous avons eue. Je ne suis pas stupide : je pourrai immortaliser ici ce dont je me souviens, solidifier ma mémoire pour que quelqu’un d’autre reprenne le flambeau s’il devait m’arriver quelque chose. Mais ce serait trahir Waam en quelque sorte. Parce qu’elle ne peut tout simplement pas imaginer que je choisisse une voie qui n’aille pas dans son sens. Cette discussion doit donc rester secrète mais je me dois tout de même d’en garder une trace. En cela, je fais confiance à ma prose tortueuse semée de métaphores et de comparaisons : c’est un champ de mines pour l’esprit qui n’a pas l’habitude de s’y aventurer.
Ma jolie camarade aux cheveux blonds-argentés est persuadée de servir une cause louable, de faire partie d’un Grand Tout et surtout de contribuer à l’équilibre ultime du Macronivers. Le sort de notre espèce lui est bien égal mais c’est compréhensible : s’il convenait de sacrifier une planète pour en sauver des centaines, que feriez-vous ? Voici l’ironie de toute l’histoire : je pense que Waam n’a rien à voir avec ce qui s’est passé ici. La chute de la comète Runkha EC564, l’apparition du virus EXO, le déploiement des Team Alpha… Tout ce qui a eu lieu depuis qu’on nous a privés de nos paisibles existences lui est totalement égal. Elle a été envoyée ici-bas au sein d’un corps qui n’est pas le sien, comme nous tous, mais c’est un esprit dix fois, cent fois, mille fois plus évolué que le notre qui l’habite. Sa mission est la seule raison de sa présence comme je l’ai déjà écrit il y a quelques soirs de ça. Pour elle, nous ne sommes que des singes, de vulgaires macaques. Pour ceux qu’elle sert, nous sommes encore moins que ça : des puces.
Si Waam daigne dialoguer avec moi et me faire part de ses confidences, ce n’est peut-être que parce qu’elle me considère comme un bon animal de compagnie : je lui ramène ce qu’elle recherche et en échange, elle me fournit des informations au compte-goutte, un peu comme un chien qui rapporterait le bâton et à qui on donnerait un sucre en échange.
Elle m’a fait remarquer plusieurs fois que je voyais tout en négatif, que je devrais essayer d’être heureuse. Je l’étais, mais plus maintenant ; telle est ma nature. On m’a privée de ma liberté, mon bien le plus précieux, puis j’ai échoué dans cette cage pour être jugée par une âme en tout point supérieure à la mienne. Waam est ma tourmenteuse, et pourtant j’aime palabrer avec elle. Sans doute est-ce là un paradoxe de mon esprit corrompu : quelle délicieuse douleur que de confronter mes pensées plates et grossières à celles de cette créature raffinée et si sage…
Et pourtant, je ne partage pas l’avis de cette guerrière venue d’ailleurs. Sans doute ma nature humaine m’empêche-t-elle de saisir la vérité ? Quel mal y a-t-il à vouloir retrouver ce qui nous revient de droit ? Je parle au nom de tous ceux qui ont perdu des êtres chers, de tous ceux qui ont du abandonner leurs rêves - ou les deux ! Et pour quoi ? Pour contribuer à l’équilibre cosmique ?
Avant que le Cataclysme ne survienne, je marchais dans les pas des Arpenteurs en catimini, veillant à ne pas abimer la fine trame du Multivers. Je pinçais les cordes des Réalités avec des gants de velours, prenant garde à ce que leur musique ne soit pas altérée. Et lorsque je ne cartographiais pas les Plans que nous traversions, je menais une vie paisible sur cette planète bleue chère à mon cœur.
Grâce à Waam, j’ai appris qu’une nouvelle voie pouvait m’être proposée, une voie qui pourrait me permettre de retrouver cette existence chérie.
Je ne veux pas la trahir. Mais je n’en attends pas moins un signe. Et si des lames doivent être tirées de leur fourreau, alors qu’il en soit ainsi. Tuz Kren Lein. La Lame du Vide.
Une fois de plus, ces terres ont été balayées par un nouvel Ouragan de Portails et le compte à rebours a été remis à zéro. J’ai tout perdu et je me sens pourtant étrangement calme. Sans doute n’ai-je plus grand-chose à espérer de mes recherches. Les longues heures passées à parler avec Waam, à essayer de la comprendre, ont finalement porté leurs fruits. En partie du moins car je dispose d’un début de piste : si je parviens à suivre ce chemin, tout ce sur quoi j’ai travaillé depuis mon arrivée à Frontière d’Acier deviendra caduque. Je me doutais qu’elle en savait bien plus que ce qu’elle voulait bien me dire. C’est chose faite à présent.
Je suis satisfaite mais je ne m’en sens pas heureuse pour autant, bien au contraire. Et à dire vrai, une partie de moi regrette même cette conversation que nous avons eue. Je ne suis pas stupide : je pourrai immortaliser ici ce dont je me souviens, solidifier ma mémoire pour que quelqu’un d’autre reprenne le flambeau s’il devait m’arriver quelque chose. Mais ce serait trahir Waam en quelque sorte. Parce qu’elle ne peut tout simplement pas imaginer que je choisisse une voie qui n’aille pas dans son sens. Cette discussion doit donc rester secrète mais je me dois tout de même d’en garder une trace. En cela, je fais confiance à ma prose tortueuse semée de métaphores et de comparaisons : c’est un champ de mines pour l’esprit qui n’a pas l’habitude de s’y aventurer.
Ma jolie camarade aux cheveux blonds-argentés est persuadée de servir une cause louable, de faire partie d’un Grand Tout et surtout de contribuer à l’équilibre ultime du Macronivers. Le sort de notre espèce lui est bien égal mais c’est compréhensible : s’il convenait de sacrifier une planète pour en sauver des centaines, que feriez-vous ? Voici l’ironie de toute l’histoire : je pense que Waam n’a rien à voir avec ce qui s’est passé ici. La chute de la comète Runkha EC564, l’apparition du virus EXO, le déploiement des Team Alpha… Tout ce qui a eu lieu depuis qu’on nous a privés de nos paisibles existences lui est totalement égal. Elle a été envoyée ici-bas au sein d’un corps qui n’est pas le sien, comme nous tous, mais c’est un esprit dix fois, cent fois, mille fois plus évolué que le notre qui l’habite. Sa mission est la seule raison de sa présence comme je l’ai déjà écrit il y a quelques soirs de ça. Pour elle, nous ne sommes que des singes, de vulgaires macaques. Pour ceux qu’elle sert, nous sommes encore moins que ça : des puces.
Si Waam daigne dialoguer avec moi et me faire part de ses confidences, ce n’est peut-être que parce qu’elle me considère comme un bon animal de compagnie : je lui ramène ce qu’elle recherche et en échange, elle me fournit des informations au compte-goutte, un peu comme un chien qui rapporterait le bâton et à qui on donnerait un sucre en échange.
Elle m’a fait remarquer plusieurs fois que je voyais tout en négatif, que je devrais essayer d’être heureuse. Je l’étais, mais plus maintenant ; telle est ma nature. On m’a privée de ma liberté, mon bien le plus précieux, puis j’ai échoué dans cette cage pour être jugée par une âme en tout point supérieure à la mienne. Waam est ma tourmenteuse, et pourtant j’aime palabrer avec elle. Sans doute est-ce là un paradoxe de mon esprit corrompu : quelle délicieuse douleur que de confronter mes pensées plates et grossières à celles de cette créature raffinée et si sage…
Et pourtant, je ne partage pas l’avis de cette guerrière venue d’ailleurs. Sans doute ma nature humaine m’empêche-t-elle de saisir la vérité ? Quel mal y a-t-il à vouloir retrouver ce qui nous revient de droit ? Je parle au nom de tous ceux qui ont perdu des êtres chers, de tous ceux qui ont du abandonner leurs rêves - ou les deux ! Et pour quoi ? Pour contribuer à l’équilibre cosmique ?
Avant que le Cataclysme ne survienne, je marchais dans les pas des Arpenteurs en catimini, veillant à ne pas abimer la fine trame du Multivers. Je pinçais les cordes des Réalités avec des gants de velours, prenant garde à ce que leur musique ne soit pas altérée. Et lorsque je ne cartographiais pas les Plans que nous traversions, je menais une vie paisible sur cette planète bleue chère à mon cœur.
Grâce à Waam, j’ai appris qu’une nouvelle voie pouvait m’être proposée, une voie qui pourrait me permettre de retrouver cette existence chérie.
Je ne veux pas la trahir. Mais je n’en attends pas moins un signe. Et si des lames doivent être tirées de leur fourreau, alors qu’il en soit ainsi. Tuz Kren Lein. La Lame du Vide.
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The Longer Road: Départ de Toril.
Mer 5 Juil - 9:52
The Longer Road: Départ de Toril.
Un soupir. Je puis enfin retirer ce lourd masque à gaz de mon visage, respirer l'air frais du Nord de Chernarus plutôt que l'immonde atmosphère viciée de mes propres poumons. Ce soir, je troque enfin mon fusil à répétition contre une autre arme, bien plus meurtrière. Un petit stylo, pour souiller les pages encore immaculées de mon journal.
Les loups sont là, eux aussi. A quelques pas de moi, pourtant je n'ai pas peur d'eux. Et ils ne me craignent pas non plus. Nous partageons au moins cela: ils n'aiment pas la Brume derrière moi. Cette limite derrière laquelle je me trouve, ces quelques mètres de terre entre Chernarus et le Brouillard Maudit représentent une zone de cessez-le-feu. Que l'un de nous s'avance d'un mètre ou deux et le carnage commencera. Mais pas aujourd'hui; demain peut-être, s'ils sont encore là.
Ils jouent ensemble pour le moment, tout en me jaugeant de leur regard froid. Ils savent ce que je suis, ce que j'ai fait. Deux loups blancs, trois jeunes loups gris et le chef de la meute - me semble-t-il : plus gros que ses congénères, couturé de cicatrices et une longue estafilade sur le flanc droit, guérie depuis longtemps. Peut-être m'a-t-il déjà fait sombrer par le passé. Il mérite sans doute un nom mais à quoi bon puisqu'il ne sera bientôt plus qu'un tas de viande sanguinolente? Il gronde en m'observant. Sans doute veut-il que je continue à écrire pour me remémorer ces souvenirs douloureux. Qu'il en soit ainsi.
Que décrire de plus que ce que j'ai sous les yeux? Je reconstruis Frontière d'Acier peu à peu, par habitude plus que par besoin. Mon entêtement n'a pas de limite et mon chez-moi disparaitra peut-être dans quelques jours suite à une nouvelle Tempête d'Ether. Mais je continue, envers et contre tout. Je mène quelques travaux par-ci par-là, étudiant les effets de la Brume sur les organismes vivants, analysant du mieux possible les roches de la carrière de Severograd et de la mine de Kamensk, peut-être dans l'idée très floue de construire moi-même un jour, ce que je n'ai pu obtenir à Tisy. Je décode également les transmissions que Waam m'a fourni et je parle parfois aux Dorros et Ulodos, espérant sans y croire obtenir une réponse, un signe...une impulsion.
Je n'obtiens aucun résultat. Je sais en revanche qu'ils cherchent à m'entendre et à me voir. La vitesse à laquelle je les retrouve est une preuve suffisante de leur intérêt, pour le meilleur ou pour le pire. Sans doute le pire. Fidèle à ma promesse, je sers Waam en l'assistant dans sa mission, sachant très bien que je ne fais que précipiter l'inéluctable.
Waam. J'ai bien failli la perdre, par bêtise, ingratitude...abandon! Pourtant, c'est ce que je voulais et c'est toujours ce que je veux au fond de moi. C'est que j'ai fini par l'aimer cette petite étincelle vibrante de vie... Sa nature même et sa méconnaissance de la nôtre nous emmène parfois dans des conversations sans queue ni tête et dans des situations plutôt cocasses. J'ai souhaité m'en écarter, parce que je n'ai pas envie d'en souffrir lorsqu'elle retournera chez elle. C'est ainsi, tel est le fardeau de ma nature: je suis humaine et pour préparer le présent, il me faut analyser le passé et envisager l'avenir.
J'ai su que j'étais allée trop loin lorsque je suis retournée à Frontière, il y a plusieurs jours de ça: mon campement était toujours là, mais pas celui de Waam. Elle était partie. Mais elle est finalement revenue - avec ce pauvre homme, Hal. Je ne sait que penser de lui, mais je m'en occuperai plus tard. Il m'a l'air bien trop honnête pour me porter préjudice, à moi ou à mes installations. Je le surveillerai néanmoins.
J'ai longtemps dialogué avec la belle guerrière, en évitant d'éclater en sanglots devant elle. Je lui ai expliqué le pourquoi du comment... et elle a accepté mes excuses. Ce n'est pas un souvenir agréable mais c'est un soulagement bienvenu. J'essaierai de faire comme si je ne pensais pas au futur: je suis bien consciente que notre temps côte à côte est compté - et j'en suis responsable en grande partie - mais Waam à raison; je ne peux pas vivre focalisée sur le présent mais je peux essayer de profiter des bons moments, même en sentant l'ombre de l'avenir planer au-dessus de moi. Et peut m'importe qu'elle me considère comme son égal ou comme son animal de compagnie. Au moins y a-t-il un semblant de lien entre nous.
Tant que je n'ai pas plus d'informations, mes autres objectifs sont mis en pause, en stand-by. Je ne vois pas ce que je peux faire de plus, à moins de reprendre contact avec Olikotora contre mon gré pour procéder à un échange de matériel ou plus vraisemblablement de connaissances. J'ai donc un peu de temps devant moi. Et entre mes livres, mes crayons, mes recherches... et l'éradication de la malédiction des loups blancs en Chernarus, j'ai de quoi faire.
"Un point de chute, Toril, pour rayonner au-delà des Membranes du Macronivers. Des Relais pour étendre nos racines au travers des Réalités. Et cet autre, un plus grand mystère: le Purgatoire, le Bagne de l'Esprit où ton Dieu travaillera avec celui qui travaille, où de chaque épine doit sortir une rose. C'est là-bas que nous étions sensés échouer si la Mort devait nous surprendre. Une Solution Alternative, le pied-de-nez des Arpenteurs à la face de ce Multivers soi-disant Inaltérable.
Nous avons fait erreur en pensant que nous étions les seuls à nous jouer des Règles de la Matière. Nous sommes au cœur d'un conflit qui n'est pas le nôtre dans la Réalité que nous avions choisi mais au sein duquel nous avons peut-être pris parti Ailleurs. Ou que vous soyez, Veilleurs, Arpenteurs, faites profil bas."
Les loups sont là, eux aussi. A quelques pas de moi, pourtant je n'ai pas peur d'eux. Et ils ne me craignent pas non plus. Nous partageons au moins cela: ils n'aiment pas la Brume derrière moi. Cette limite derrière laquelle je me trouve, ces quelques mètres de terre entre Chernarus et le Brouillard Maudit représentent une zone de cessez-le-feu. Que l'un de nous s'avance d'un mètre ou deux et le carnage commencera. Mais pas aujourd'hui; demain peut-être, s'ils sont encore là.
Ils jouent ensemble pour le moment, tout en me jaugeant de leur regard froid. Ils savent ce que je suis, ce que j'ai fait. Deux loups blancs, trois jeunes loups gris et le chef de la meute - me semble-t-il : plus gros que ses congénères, couturé de cicatrices et une longue estafilade sur le flanc droit, guérie depuis longtemps. Peut-être m'a-t-il déjà fait sombrer par le passé. Il mérite sans doute un nom mais à quoi bon puisqu'il ne sera bientôt plus qu'un tas de viande sanguinolente? Il gronde en m'observant. Sans doute veut-il que je continue à écrire pour me remémorer ces souvenirs douloureux. Qu'il en soit ainsi.
Que décrire de plus que ce que j'ai sous les yeux? Je reconstruis Frontière d'Acier peu à peu, par habitude plus que par besoin. Mon entêtement n'a pas de limite et mon chez-moi disparaitra peut-être dans quelques jours suite à une nouvelle Tempête d'Ether. Mais je continue, envers et contre tout. Je mène quelques travaux par-ci par-là, étudiant les effets de la Brume sur les organismes vivants, analysant du mieux possible les roches de la carrière de Severograd et de la mine de Kamensk, peut-être dans l'idée très floue de construire moi-même un jour, ce que je n'ai pu obtenir à Tisy. Je décode également les transmissions que Waam m'a fourni et je parle parfois aux Dorros et Ulodos, espérant sans y croire obtenir une réponse, un signe...une impulsion.
Je n'obtiens aucun résultat. Je sais en revanche qu'ils cherchent à m'entendre et à me voir. La vitesse à laquelle je les retrouve est une preuve suffisante de leur intérêt, pour le meilleur ou pour le pire. Sans doute le pire. Fidèle à ma promesse, je sers Waam en l'assistant dans sa mission, sachant très bien que je ne fais que précipiter l'inéluctable.
Waam. J'ai bien failli la perdre, par bêtise, ingratitude...abandon! Pourtant, c'est ce que je voulais et c'est toujours ce que je veux au fond de moi. C'est que j'ai fini par l'aimer cette petite étincelle vibrante de vie... Sa nature même et sa méconnaissance de la nôtre nous emmène parfois dans des conversations sans queue ni tête et dans des situations plutôt cocasses. J'ai souhaité m'en écarter, parce que je n'ai pas envie d'en souffrir lorsqu'elle retournera chez elle. C'est ainsi, tel est le fardeau de ma nature: je suis humaine et pour préparer le présent, il me faut analyser le passé et envisager l'avenir.
J'ai su que j'étais allée trop loin lorsque je suis retournée à Frontière, il y a plusieurs jours de ça: mon campement était toujours là, mais pas celui de Waam. Elle était partie. Mais elle est finalement revenue - avec ce pauvre homme, Hal. Je ne sait que penser de lui, mais je m'en occuperai plus tard. Il m'a l'air bien trop honnête pour me porter préjudice, à moi ou à mes installations. Je le surveillerai néanmoins.
J'ai longtemps dialogué avec la belle guerrière, en évitant d'éclater en sanglots devant elle. Je lui ai expliqué le pourquoi du comment... et elle a accepté mes excuses. Ce n'est pas un souvenir agréable mais c'est un soulagement bienvenu. J'essaierai de faire comme si je ne pensais pas au futur: je suis bien consciente que notre temps côte à côte est compté - et j'en suis responsable en grande partie - mais Waam à raison; je ne peux pas vivre focalisée sur le présent mais je peux essayer de profiter des bons moments, même en sentant l'ombre de l'avenir planer au-dessus de moi. Et peut m'importe qu'elle me considère comme son égal ou comme son animal de compagnie. Au moins y a-t-il un semblant de lien entre nous.
Tant que je n'ai pas plus d'informations, mes autres objectifs sont mis en pause, en stand-by. Je ne vois pas ce que je peux faire de plus, à moins de reprendre contact avec Olikotora contre mon gré pour procéder à un échange de matériel ou plus vraisemblablement de connaissances. J'ai donc un peu de temps devant moi. Et entre mes livres, mes crayons, mes recherches... et l'éradication de la malédiction des loups blancs en Chernarus, j'ai de quoi faire.
"Un point de chute, Toril, pour rayonner au-delà des Membranes du Macronivers. Des Relais pour étendre nos racines au travers des Réalités. Et cet autre, un plus grand mystère: le Purgatoire, le Bagne de l'Esprit où ton Dieu travaillera avec celui qui travaille, où de chaque épine doit sortir une rose. C'est là-bas que nous étions sensés échouer si la Mort devait nous surprendre. Une Solution Alternative, le pied-de-nez des Arpenteurs à la face de ce Multivers soi-disant Inaltérable.
Nous avons fait erreur en pensant que nous étions les seuls à nous jouer des Règles de la Matière. Nous sommes au cœur d'un conflit qui n'est pas le nôtre dans la Réalité que nous avions choisi mais au sein duquel nous avons peut-être pris parti Ailleurs. Ou que vous soyez, Veilleurs, Arpenteurs, faites profil bas."
- Realder
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The Longer Road: Blackmesa; Sector F, Lambda Reactor Complex
Jeu 13 Juil - 10:15
The Longer Road: Blackmesa; Sector F, Lambda Reactor Complex
En théorie, nous n'avions plus besoin de cette vieille casserole rouillée. Pas dans cette partie du Multivers du moins. Je ne m'y suis pas aventurée très souvent et pour cause; il est de ces lieux non seulement dangereux mais également chargés de sens et de souvenirs, angoissants, odieux et dérangeants. A l'image de la base militaire de Tisy et de son bunker condamné, du périmètre bouclé autour du réacteur de Tchernobyl, de la Zone 51 en Amérique - chez moi - et de bien d'autres endroits, rien que sur notre bonne vieille planète Terre.
Le Complexe Lambda est l'un de ces lieux et ce qui est arrivé - ou ce qui n'est pas arrivé - a sans aucun doute eu des répercussions majeures au sein de plusieurs réalités. Je pars du postulat suivant, mis en relation avec ce que Waam m'a raconté: ces songes qui perturbent sans arrêt mon sommeil et qui m'empêchent de fermer l'œil plus de quatre heures d'affilée ne doivent être que des échos en provenance d'autres Réalités Alternatives - ou quelque chose du même acabit. Dans ce cas, c'est bien mon histoire que je raconte au sein de ce journal: la mienne et celles de plusieurs "moi", perdus quelque part de l'autre coté des Membranes, au sein d'autres bulles dimensionnelles. Je suis tourmentée, pour la simple et bonne raison que je suis peut-être on ne peut plus proche de la vérité. Je suis également susceptible de me trouver complètement "à côté de la plaque".
Soit. Certains des secrets que j'ai gardé en tête sont peut-être inexacts, voire complètement faux. D'autres sont parcellaires mais dans les grandes lignes, il est possible d'apercevoir un ou plusieurs fils rouges à travers cette pelote hérissée d'épingles; Waam nous considère comme des êtres primitifs et elle n'a pas tort. Néanmoins, je pense qu'elle nous sous-estime.
A la base, le Réacteur Lambda avait été construit dans un tout autre but que celui qu'il sert actuellement - du moins qu'il servait avant que la comète ne s'écrase sur Terre. Realder en savait bien plus long que moi, j'ai pu le constater en disséquant chaque ligne de son journal. En ce qui me concerne, je ne me rappelle de rien, ou presque. Quand bien même ce serait le cas, je n'aurais pas grand chose de plus à dire. Ce que je sais, c'est que les installations du Complexe Lambda et l'histoire des Arpenteurs sont étroitement liées, peut-être pas au sein de cette réalité, mais probablement dans d'autres. Pas étonnant lorsqu'on sait ce qui se tramait là-bas. Téléportation, recherches sur la mécanique quantique, la génétique et l'existence de vies extra-terrestres... Olikotora aurait eu sa place à Blackmesa. Mais le destin en a semble-t-il décidé autrement.
Veux-tu savoir ce que je pense, Voyageur, Voyageuse? Oui? Tant mieux. Non? Tant pis. Il existe plusieurs moyens pour qui désire briser les barrières qui relient les univers entre eux, pour qui souhaite emprunter les ponts construits au-dessus des tumultes de l'Ether. L'un d'entre eux porte son nom, affiché en grandes lettres orange sur ses murs de béton de trois mètres d'épaisseur, sur ses multiples panneaux d'acier et de plomb. De ses blessures s'écoule la lumière qui tue l'Homme et il vomit sans cesse un flot de particules délétères - les mêmes qui hantent désormais l'atmosphère empoisonnée au Nord-ouest de notre enclave.
Le Café de Realder est une autre clé, destinée à ouvrir d'autres portes. Les Réalités fonctionnent différemment de par leur nature, ce qui implique d'adopter d'autre méthodes toutes plus invraisemblables les unes que les autres pour parvenir à s'y infiltrer.
C'est l'histoire des Arpenteurs, un combat de tous les instants pour cartographier le Macronivers. Ne cherche aucun sens à cela, Voyageur, Voyageuse. C'était ma vie et je l'aimais. Les plaisantins diront que je ne suis rien de plus qu'une Touriste de l'Hyperespace, une Visiteuse du Cosmos; et ils auront raison. Parmi nous, certains n'aspiraient qu'à ce but et d'autres nourrissaient sans doute de plus sombres desseins. Je veux retrouver mon passé: est-ce trop demander?
C'est l'histoire des Arpenteurs, et elle n'a rien à voir avec ce présent au sein duquel nous sommes coincés: nos "bienfaiteurs" ont envoyé des âmes en Chernarus, intégrées dans des corps qui ne sont pas les nôtres pour mener à bien une mission que nous avons oublié. Il y a pire: nos pensées elles-mêmes ne sont peut-être que des constructions de notre esprit pour faire face à une réalité qui nous échappe ou des éclats de conscience assemblés par ceux qui nous ont fait échouer dans ce Purgatoire. Et si mes passés n'étaient que pure invention? Nous sommes au moins deux à les partager: mon cher écrivain, Realder Descendres; et moi-même. S'il s'avère en fin de compte que ma vie n'est qu'une supercherie, je ferai tout pour la rendre réelle, quitte à repartir de zéro avec ou sans Realder. Je suis immortelle: l'éternité travaille à mes cotés.
Je lève mes yeux de mon journal et de sa couverture au titre bien choisi: The War of the Worlds. Ils sont rougis par le manque de sommeil et de lumière, pourtant je dois continuer d'écrire. Ce n'était que la première partie de mon texte: des éclats de mon passé ou des pensées crées de toutes pièces, remontés des profondeurs de ma mémoire à l'aide du doux Café des Arpenteurs. Je me sens mal à l'aise, malgré le cadre idyllique qui m'entoure: Narod Lessa, une petite communauté de survivants qui s'est récemment implantée au Sud de Grishino, près d'un petit lac. Je devrai m'y plaire, m'y sentir en sécurité, tout comme les poissons que nous avons pêché hier soir et qui tournent désormais dans leur tonneau, en attendant de manger - ou d'être mangés. Sam Détemps, le gestionnaire de ce petit village, se repose près d'un feu à quelques pas de là. Il pourrait venir me parler mais je pense qu'il a compris que je préférais rester seule ce soir.
Je reprends lentement contact avec Watson - Olikotora pour les intimes. Nous ne parlons pas beaucoup de notre longue dispute: si c'était le cas, l'un d'entre nous pourrait se retrouver victime d'un regrettable accident. Nous avons tous deux nos méthodes, notre mode de fonctionnement et notre regard sur le monde n'est pas le même. C'est pourquoi nous avons convenu d'en rester là. J'aiderai Oliko autant que je le puis dans ses recherches et en échange, il me fournira ce dont j'ai besoin. Notre amitié s'est étiolée, peut-être fleurira-t-elle à nouveau ou peut-être est-elle fanée à jamais. Ce n'est pas très important.
J'ai perdu un ami et je n'aimerais pas perdre la dernière qu'il me reste: je parle de Waam. Petite Citrouille m'en veut parce que je lui ai promis de m'installer avec elle dans un petit coin de paradis, or je n'ai pas encore eu le temps d'y emmener quoique ce soit. J'aurais pu, c'est vrai, mais il m'aurait alors fallu abandonner ma bibliothèque à Frontière d'Acier, mon petit trafic d'armes à Narod Lessa, et parcourir Chernarus du Nord au Sud avec une ou deux tentes attachées à mon sac à dos. Non, je refuse de presser les choses. Pour passer plus de temps avec elle, j'ai déjà abandonné l'ensemble de mes recherches mineures - mes travaux concernant les effets de la Brume, la dissection des loups, la création d'explosifs... J'ai jeté quelques tentes à travers le Brouillard, du matériel, des ressources rares, tout ça pour les beaux yeux de cette gamine boudeuse et quelque peu ingrate sur les bords. Nous avons tant fait l'une pour l'autre! Est-ce vraiment le moment de tout gâcher? Pour une race plus évoluée que la notre, je trouve que la sagesse de Waam n'est pas si développée qu'elle le laisse entendre. Le temps qu'elle passe à me culpabiliser, c'est du temps perdu que nous ne passons pas ensemble. Je pourrai décider d'en gagner en me bridant: après tout, c'est moi qui lui ai rapporté l'immense majorité de sa collection de Dorros et d'Ulodos! Finalement, ce n'est pas pour elle que je travaille, mais pour ses supérieurs! Me voient-ils en ce moment? Observent-ils la petite humaine qui se démène à accomplir la mission que leur guerrière n'a pas le courage de respecter? J'en viens à penser que ce n'est pas Waam qui devrait revêtir sa combinaison avant de quitter ce trou à rats. Laissez-là ici, vous m'entendez? A quoi bon vous encombrer d'une guerrière incapable d'accomplir votre objectif? Qu'elle demeure ici avec nous! Prenez vos saletés de Dorros et d'Ulodos avec vous et fichez le camp. Ce n'est pas votre monde, ce n'est pas votre univers, ce n'est pas votre histoire. Enlevez vos sales pattes de Waam et disparaissez de Ma Réalité!
"Car on dit qu'ils sont devenus pareil à ces étranges démons qui habitent la matière, mais n'abritent aucune lumière."
Le Complexe Lambda est l'un de ces lieux et ce qui est arrivé - ou ce qui n'est pas arrivé - a sans aucun doute eu des répercussions majeures au sein de plusieurs réalités. Je pars du postulat suivant, mis en relation avec ce que Waam m'a raconté: ces songes qui perturbent sans arrêt mon sommeil et qui m'empêchent de fermer l'œil plus de quatre heures d'affilée ne doivent être que des échos en provenance d'autres Réalités Alternatives - ou quelque chose du même acabit. Dans ce cas, c'est bien mon histoire que je raconte au sein de ce journal: la mienne et celles de plusieurs "moi", perdus quelque part de l'autre coté des Membranes, au sein d'autres bulles dimensionnelles. Je suis tourmentée, pour la simple et bonne raison que je suis peut-être on ne peut plus proche de la vérité. Je suis également susceptible de me trouver complètement "à côté de la plaque".
Soit. Certains des secrets que j'ai gardé en tête sont peut-être inexacts, voire complètement faux. D'autres sont parcellaires mais dans les grandes lignes, il est possible d'apercevoir un ou plusieurs fils rouges à travers cette pelote hérissée d'épingles; Waam nous considère comme des êtres primitifs et elle n'a pas tort. Néanmoins, je pense qu'elle nous sous-estime.
A la base, le Réacteur Lambda avait été construit dans un tout autre but que celui qu'il sert actuellement - du moins qu'il servait avant que la comète ne s'écrase sur Terre. Realder en savait bien plus long que moi, j'ai pu le constater en disséquant chaque ligne de son journal. En ce qui me concerne, je ne me rappelle de rien, ou presque. Quand bien même ce serait le cas, je n'aurais pas grand chose de plus à dire. Ce que je sais, c'est que les installations du Complexe Lambda et l'histoire des Arpenteurs sont étroitement liées, peut-être pas au sein de cette réalité, mais probablement dans d'autres. Pas étonnant lorsqu'on sait ce qui se tramait là-bas. Téléportation, recherches sur la mécanique quantique, la génétique et l'existence de vies extra-terrestres... Olikotora aurait eu sa place à Blackmesa. Mais le destin en a semble-t-il décidé autrement.
Veux-tu savoir ce que je pense, Voyageur, Voyageuse? Oui? Tant mieux. Non? Tant pis. Il existe plusieurs moyens pour qui désire briser les barrières qui relient les univers entre eux, pour qui souhaite emprunter les ponts construits au-dessus des tumultes de l'Ether. L'un d'entre eux porte son nom, affiché en grandes lettres orange sur ses murs de béton de trois mètres d'épaisseur, sur ses multiples panneaux d'acier et de plomb. De ses blessures s'écoule la lumière qui tue l'Homme et il vomit sans cesse un flot de particules délétères - les mêmes qui hantent désormais l'atmosphère empoisonnée au Nord-ouest de notre enclave.
Le Café de Realder est une autre clé, destinée à ouvrir d'autres portes. Les Réalités fonctionnent différemment de par leur nature, ce qui implique d'adopter d'autre méthodes toutes plus invraisemblables les unes que les autres pour parvenir à s'y infiltrer.
C'est l'histoire des Arpenteurs, un combat de tous les instants pour cartographier le Macronivers. Ne cherche aucun sens à cela, Voyageur, Voyageuse. C'était ma vie et je l'aimais. Les plaisantins diront que je ne suis rien de plus qu'une Touriste de l'Hyperespace, une Visiteuse du Cosmos; et ils auront raison. Parmi nous, certains n'aspiraient qu'à ce but et d'autres nourrissaient sans doute de plus sombres desseins. Je veux retrouver mon passé: est-ce trop demander?
C'est l'histoire des Arpenteurs, et elle n'a rien à voir avec ce présent au sein duquel nous sommes coincés: nos "bienfaiteurs" ont envoyé des âmes en Chernarus, intégrées dans des corps qui ne sont pas les nôtres pour mener à bien une mission que nous avons oublié. Il y a pire: nos pensées elles-mêmes ne sont peut-être que des constructions de notre esprit pour faire face à une réalité qui nous échappe ou des éclats de conscience assemblés par ceux qui nous ont fait échouer dans ce Purgatoire. Et si mes passés n'étaient que pure invention? Nous sommes au moins deux à les partager: mon cher écrivain, Realder Descendres; et moi-même. S'il s'avère en fin de compte que ma vie n'est qu'une supercherie, je ferai tout pour la rendre réelle, quitte à repartir de zéro avec ou sans Realder. Je suis immortelle: l'éternité travaille à mes cotés.
Je lève mes yeux de mon journal et de sa couverture au titre bien choisi: The War of the Worlds. Ils sont rougis par le manque de sommeil et de lumière, pourtant je dois continuer d'écrire. Ce n'était que la première partie de mon texte: des éclats de mon passé ou des pensées crées de toutes pièces, remontés des profondeurs de ma mémoire à l'aide du doux Café des Arpenteurs. Je me sens mal à l'aise, malgré le cadre idyllique qui m'entoure: Narod Lessa, une petite communauté de survivants qui s'est récemment implantée au Sud de Grishino, près d'un petit lac. Je devrai m'y plaire, m'y sentir en sécurité, tout comme les poissons que nous avons pêché hier soir et qui tournent désormais dans leur tonneau, en attendant de manger - ou d'être mangés. Sam Détemps, le gestionnaire de ce petit village, se repose près d'un feu à quelques pas de là. Il pourrait venir me parler mais je pense qu'il a compris que je préférais rester seule ce soir.
Je reprends lentement contact avec Watson - Olikotora pour les intimes. Nous ne parlons pas beaucoup de notre longue dispute: si c'était le cas, l'un d'entre nous pourrait se retrouver victime d'un regrettable accident. Nous avons tous deux nos méthodes, notre mode de fonctionnement et notre regard sur le monde n'est pas le même. C'est pourquoi nous avons convenu d'en rester là. J'aiderai Oliko autant que je le puis dans ses recherches et en échange, il me fournira ce dont j'ai besoin. Notre amitié s'est étiolée, peut-être fleurira-t-elle à nouveau ou peut-être est-elle fanée à jamais. Ce n'est pas très important.
J'ai perdu un ami et je n'aimerais pas perdre la dernière qu'il me reste: je parle de Waam. Petite Citrouille m'en veut parce que je lui ai promis de m'installer avec elle dans un petit coin de paradis, or je n'ai pas encore eu le temps d'y emmener quoique ce soit. J'aurais pu, c'est vrai, mais il m'aurait alors fallu abandonner ma bibliothèque à Frontière d'Acier, mon petit trafic d'armes à Narod Lessa, et parcourir Chernarus du Nord au Sud avec une ou deux tentes attachées à mon sac à dos. Non, je refuse de presser les choses. Pour passer plus de temps avec elle, j'ai déjà abandonné l'ensemble de mes recherches mineures - mes travaux concernant les effets de la Brume, la dissection des loups, la création d'explosifs... J'ai jeté quelques tentes à travers le Brouillard, du matériel, des ressources rares, tout ça pour les beaux yeux de cette gamine boudeuse et quelque peu ingrate sur les bords. Nous avons tant fait l'une pour l'autre! Est-ce vraiment le moment de tout gâcher? Pour une race plus évoluée que la notre, je trouve que la sagesse de Waam n'est pas si développée qu'elle le laisse entendre. Le temps qu'elle passe à me culpabiliser, c'est du temps perdu que nous ne passons pas ensemble. Je pourrai décider d'en gagner en me bridant: après tout, c'est moi qui lui ai rapporté l'immense majorité de sa collection de Dorros et d'Ulodos! Finalement, ce n'est pas pour elle que je travaille, mais pour ses supérieurs! Me voient-ils en ce moment? Observent-ils la petite humaine qui se démène à accomplir la mission que leur guerrière n'a pas le courage de respecter? J'en viens à penser que ce n'est pas Waam qui devrait revêtir sa combinaison avant de quitter ce trou à rats. Laissez-là ici, vous m'entendez? A quoi bon vous encombrer d'une guerrière incapable d'accomplir votre objectif? Qu'elle demeure ici avec nous! Prenez vos saletés de Dorros et d'Ulodos avec vous et fichez le camp. Ce n'est pas votre monde, ce n'est pas votre univers, ce n'est pas votre histoire. Enlevez vos sales pattes de Waam et disparaissez de Ma Réalité!
"Car on dit qu'ils sont devenus pareil à ces étranges démons qui habitent la matière, mais n'abritent aucune lumière."
- deekgeek
- Messages : 16
Re: Disruption: Les Noirs Ecrits de Fran Icesinger alias Frisca
Ven 14 Juil - 15:22
salut,
Un plaisir de te lire.
Un plaisir de te lire.
- Realder
- Messages : 182
Merci!
Ven 14 Juil - 20:58
Salut DeekGeek,
Merci beaucoup pour ces paroles, ça motive!
A très bientôt je l'espère.
Cordialement,
Realder
Merci beaucoup pour ces paroles, ça motive!
A très bientôt je l'espère.
Cordialement,
Realder
- Realder
- Messages : 182
The Longer Road: Xen, Monde-Frontière
Mar 18 Juil - 12:22
The Longer Road: Xen, Monde-Frontière
De l'eau. Des grains de Café. De la Poussière d'Ether. Ce soir, sous un ciel plombé cachant les étoiles, j'ai empoisonné mon corps et mon esprit avec une casserole entière remplie de cette mixture aux délicieux arômes. Sans nul doute me permet-elle de veiller au-delà de mes limites: je pourrai tenir des jours et des jours sans fermer l'œil. Le Café des Arpenteurs exacerbe mes sens; le chant des oiseaux devient plus audible, la caresse du vent sur ma peau est une langoureuse étreinte. Des parfums boisés près de Frontière d'Acier jusqu'aux vapeurs d'essence du garage de Grishino, c'est une explosion de senteurs, un véritable déluge de fragrances qui m'enveloppe. Les nécroïdes -tel est le terme employé par Olikotora pour parler des Grisâtres - me semblent bien lents avec ce flux qui parcoure mes veines. Même les blessures qu'ils m'infligent me paraissent insignifiantes en comparaison de ce brasier qui consume mon âme.
J'ai pu constater de mes yeux l'effet de ce divin nectar sur Watson. Sans doute est-il plus réceptif que Waam aux murmures du Grand Vide. Pourtant, aussi puissant soit-il, ce Café n'est qu'un pâle reflet de celui de Realder: un ingrédient manque - de la roche lunaire broyée - mais ce n'est pas tout: je n'ai tout simplement pas les compétences nécessaires à sa préparation, et c'est tant mieux. Il est des secrets qu'il vaut mieux ne jamais déterrer. Ma préparation fait néanmoins son travail: le rythme de la Chanson s'en trouve modifié et j'entends de nouveaux échos en provenance des tréfonds de la Matière. Ils brouillent mes pensées les plus noires - en tout cas, ils en altèrent l'éclat. C'est une bénédiction pour mon âme meurtrie. Des souvenirs émergent comme de vieux navires remis à flots: ont-ils pour origine l'une de mes incarnations passées? Sont-ils la résultante de mon esprit fatigué de se poser toutes ces questions sans jamais obtenir de réponses? Ou sont-ce des graines implantées au cœur de mon inconscient, pour que je mène à bien une mission qui n'est finalement pas la mienne? Encore une fois, le silence est le seul à me répondre.
Si j'apprends un jour que ces pensées, ces souvenirs, ces mémoires ne sont que des mensonges, mon principal regret sera de ne pas avoir posé le pied sur le seuil de mondes tels que Xen.
Je vois dans les vapeurs de mon Café, l'immensité vide d'une nébuleuse, les fragments d'une planète depuis longtemps détruite. C'est un océan de quiétude maintenant que Nihilant n'est plus. Un homme libre dont nous ne nous soucions plus depuis longtemps a accompli un superbe travail là-bas, il y a de cela bien des lunes, libérant la voie pour les Arpenteurs, se frayant un chemin à travers les îlots lithiques à grand coups de pied-de-biche. Le premier Relais a été construit là-bas. Le premier d'une longue série, bien avant que Realder n'en ai connaissance, bien avant qu'il n'apprenne l'existence du Réacteur Lambda et des secrets du Multivers.
Je pourrai presque sourire en me remémorant les moments passés aux cotés des Arpenteurs - ceux dont je parviens encore à me rappeler. Pourtant, ce soir, mon esprit immergé dans la tempête, je m'autorise une réflexion qui me rend tout sauf heureuse. Je ne changerai pas, c'est un fait: ce que je veux retrouver, je le retrouverai, et si ce n'est pas le cas, je préfère encore m'abandonner au Néant. Quand bien même ça n'aurait jamais existé, je ferai tout pour mener tôt ou tard mes objectifs à leur terme. Et si je n'y parviens pas, retour à la case départ. Néanmoins, je m'interroge: la voici la petite piqure qui nous démange mais qu'on ne parvient pas à atteindre, celle qui nous empêche de profiter de quelque chose alors qu'on avait justement tout prévu...
Qu'avons-nous fait au Macronivers? J'aime à penser que les Relais Lambda n'étaient que des sortes de générateurs de distorsions locales et pas de dangereuses bombes capables de briser l'entièreté d'un Plan. Même plus tard, lorsque Realder traçait lui-même sa propre voie, quel impact pouvait-il avoir sur la Réalité? Il y a déjà quelques semaines de ça, Waam m'a expliqué que c'était aller contre le fonctionnement de toutes choses que de modifier le continuum à des fins strictement personnelles. Car c'est bien le cas au final et d'autant que je me souvienne de mon passé, aucun Arpenteur n'a jamais prétendu le contraire. Je n'ai jamais rien compris à la technologie employée à Blackmesa - je suis géologue à la base, pas experte en fission de l'atome, en mécanique quantique ou en modification de l'espace temps. Même Realder devait probablement se contenter d'utiliser l'existant sans remettre en cause son fonctionnement. Mais... si une étoile devait s'éteindre dans le ciel pour chaque balle tirée, continuerions-nous à nous faire la guerre?
J'ai perdu mon épée, celle à laquelle j'avais donné le nom de Tuz Kren Lein, La Lame du Vide. Un nouveau réveil sur la plage, encore une fois. Je ne compte plus le nombre de mes morts... Cette fois-ci, c'est ma maladresse qui en est la cause et je couche dans ce journal ces quelques mots, qui pourraient paraître honteux de prime abord: je suis passée sous les roues de mon propre bus tout à l'heure, celui que je comptais justement ramener au garage de Grishino. Une mort stupide que j'attribue à mon épuisement - épuisement que je ne ressens plus avec le Café qui coule dans mes veines. C'est une situation risible, une mort absurde pour qui pourrait lire ces lignes. Pas plus absurde que nos vies ici-bas. Avant de t'esclaffer, Survivant, Survivante, peux-tu prétendre t'être avancé(e) aussi loin que moi sur les chemins de la connaissance? Non, tu ne peux pas. Alors si tu lis ces lignes, ne me juge pas, parce que j'œuvre à comprendre la raison de notre présence ici - la mienne comme la tienne. Peux-tu en dire autant?
D'autant que je puis le constater, nous ne somme que trois de ce coté du miroir. Olikotora, Waam et moi-même. D'autres peut-être mais soit ils ne sont plus là, soit ils se terrent quelque part en attendant leur heure. L'hommage ne sera pas long: Le Docteur et Igor, deux esprits dans un même corps; Fyfoo et ses Lost Riders, paix à vos âmes mes amis. Et même Irwin Kelor, Mira Noskov et Yinho. Où êtes-vous à présent, misérables tas de viandes? Vous m'avez trahie, abandonnée... exécutée. Et vous brillez maintenant par votre absence, peut-être morts et bien morts ou perdus comme mon Realder dans le Grand Vide. Je suis toujours là, je me tiens bien droite face à votre tombe. Je vous ai survécu et le Macronivers continue peut-être de tourner sans vous.
Ce soir, je suis retournée sur Dragonia pour terminer d'écrire ces lignes, après avoir croisé Watson à Svetlojarsk - près du poste de secours d'un certain Ecureuil. Un drôle de surnom pour un survivant que je n'avais jamais rencontré jusqu'alors. Très gentil, peut-être un peu débridé sur les bords. Après tout, tant mieux: il m'a invité à venir visiter son campement et m'a expliqué qu'il comptait aider ceux qui étaient dans le besoin - autrement dit, ceux qui se réveillent parfois sur la plage. Non sans m'avoir fait quelques plaisanteries grivoises, nous avons pris congé. Je retournerai sans doute le voir un de ces jours, ne serait-ce que pour le remercier de son accueil et pour lui présenter Olikotora: le biologiste et le secouriste au grand cœur pourraient peut-être travailler de concert dans le futur.
Quand à moi, ma route à court terme est toute tracée: je vais retourner à Frontière d'Acier avant de m'aventurer une nouvelle fois au sein des Malterres, dans l'atmosphère délétère de Tisy. Cela ne m'enchante guère mais j'y vais plutôt avec le sourire. Le souvenir d'une Waam heureuse de me voir à Dragonia m'aidera à arpenter ce lieu maudit, repère de crocs et de griffes.
J'ai pu constater de mes yeux l'effet de ce divin nectar sur Watson. Sans doute est-il plus réceptif que Waam aux murmures du Grand Vide. Pourtant, aussi puissant soit-il, ce Café n'est qu'un pâle reflet de celui de Realder: un ingrédient manque - de la roche lunaire broyée - mais ce n'est pas tout: je n'ai tout simplement pas les compétences nécessaires à sa préparation, et c'est tant mieux. Il est des secrets qu'il vaut mieux ne jamais déterrer. Ma préparation fait néanmoins son travail: le rythme de la Chanson s'en trouve modifié et j'entends de nouveaux échos en provenance des tréfonds de la Matière. Ils brouillent mes pensées les plus noires - en tout cas, ils en altèrent l'éclat. C'est une bénédiction pour mon âme meurtrie. Des souvenirs émergent comme de vieux navires remis à flots: ont-ils pour origine l'une de mes incarnations passées? Sont-ils la résultante de mon esprit fatigué de se poser toutes ces questions sans jamais obtenir de réponses? Ou sont-ce des graines implantées au cœur de mon inconscient, pour que je mène à bien une mission qui n'est finalement pas la mienne? Encore une fois, le silence est le seul à me répondre.
Si j'apprends un jour que ces pensées, ces souvenirs, ces mémoires ne sont que des mensonges, mon principal regret sera de ne pas avoir posé le pied sur le seuil de mondes tels que Xen.
Je vois dans les vapeurs de mon Café, l'immensité vide d'une nébuleuse, les fragments d'une planète depuis longtemps détruite. C'est un océan de quiétude maintenant que Nihilant n'est plus. Un homme libre dont nous ne nous soucions plus depuis longtemps a accompli un superbe travail là-bas, il y a de cela bien des lunes, libérant la voie pour les Arpenteurs, se frayant un chemin à travers les îlots lithiques à grand coups de pied-de-biche. Le premier Relais a été construit là-bas. Le premier d'une longue série, bien avant que Realder n'en ai connaissance, bien avant qu'il n'apprenne l'existence du Réacteur Lambda et des secrets du Multivers.
Je pourrai presque sourire en me remémorant les moments passés aux cotés des Arpenteurs - ceux dont je parviens encore à me rappeler. Pourtant, ce soir, mon esprit immergé dans la tempête, je m'autorise une réflexion qui me rend tout sauf heureuse. Je ne changerai pas, c'est un fait: ce que je veux retrouver, je le retrouverai, et si ce n'est pas le cas, je préfère encore m'abandonner au Néant. Quand bien même ça n'aurait jamais existé, je ferai tout pour mener tôt ou tard mes objectifs à leur terme. Et si je n'y parviens pas, retour à la case départ. Néanmoins, je m'interroge: la voici la petite piqure qui nous démange mais qu'on ne parvient pas à atteindre, celle qui nous empêche de profiter de quelque chose alors qu'on avait justement tout prévu...
Qu'avons-nous fait au Macronivers? J'aime à penser que les Relais Lambda n'étaient que des sortes de générateurs de distorsions locales et pas de dangereuses bombes capables de briser l'entièreté d'un Plan. Même plus tard, lorsque Realder traçait lui-même sa propre voie, quel impact pouvait-il avoir sur la Réalité? Il y a déjà quelques semaines de ça, Waam m'a expliqué que c'était aller contre le fonctionnement de toutes choses que de modifier le continuum à des fins strictement personnelles. Car c'est bien le cas au final et d'autant que je me souvienne de mon passé, aucun Arpenteur n'a jamais prétendu le contraire. Je n'ai jamais rien compris à la technologie employée à Blackmesa - je suis géologue à la base, pas experte en fission de l'atome, en mécanique quantique ou en modification de l'espace temps. Même Realder devait probablement se contenter d'utiliser l'existant sans remettre en cause son fonctionnement. Mais... si une étoile devait s'éteindre dans le ciel pour chaque balle tirée, continuerions-nous à nous faire la guerre?
J'ai perdu mon épée, celle à laquelle j'avais donné le nom de Tuz Kren Lein, La Lame du Vide. Un nouveau réveil sur la plage, encore une fois. Je ne compte plus le nombre de mes morts... Cette fois-ci, c'est ma maladresse qui en est la cause et je couche dans ce journal ces quelques mots, qui pourraient paraître honteux de prime abord: je suis passée sous les roues de mon propre bus tout à l'heure, celui que je comptais justement ramener au garage de Grishino. Une mort stupide que j'attribue à mon épuisement - épuisement que je ne ressens plus avec le Café qui coule dans mes veines. C'est une situation risible, une mort absurde pour qui pourrait lire ces lignes. Pas plus absurde que nos vies ici-bas. Avant de t'esclaffer, Survivant, Survivante, peux-tu prétendre t'être avancé(e) aussi loin que moi sur les chemins de la connaissance? Non, tu ne peux pas. Alors si tu lis ces lignes, ne me juge pas, parce que j'œuvre à comprendre la raison de notre présence ici - la mienne comme la tienne. Peux-tu en dire autant?
D'autant que je puis le constater, nous ne somme que trois de ce coté du miroir. Olikotora, Waam et moi-même. D'autres peut-être mais soit ils ne sont plus là, soit ils se terrent quelque part en attendant leur heure. L'hommage ne sera pas long: Le Docteur et Igor, deux esprits dans un même corps; Fyfoo et ses Lost Riders, paix à vos âmes mes amis. Et même Irwin Kelor, Mira Noskov et Yinho. Où êtes-vous à présent, misérables tas de viandes? Vous m'avez trahie, abandonnée... exécutée. Et vous brillez maintenant par votre absence, peut-être morts et bien morts ou perdus comme mon Realder dans le Grand Vide. Je suis toujours là, je me tiens bien droite face à votre tombe. Je vous ai survécu et le Macronivers continue peut-être de tourner sans vous.
Ce soir, je suis retournée sur Dragonia pour terminer d'écrire ces lignes, après avoir croisé Watson à Svetlojarsk - près du poste de secours d'un certain Ecureuil. Un drôle de surnom pour un survivant que je n'avais jamais rencontré jusqu'alors. Très gentil, peut-être un peu débridé sur les bords. Après tout, tant mieux: il m'a invité à venir visiter son campement et m'a expliqué qu'il comptait aider ceux qui étaient dans le besoin - autrement dit, ceux qui se réveillent parfois sur la plage. Non sans m'avoir fait quelques plaisanteries grivoises, nous avons pris congé. Je retournerai sans doute le voir un de ces jours, ne serait-ce que pour le remercier de son accueil et pour lui présenter Olikotora: le biologiste et le secouriste au grand cœur pourraient peut-être travailler de concert dans le futur.
Quand à moi, ma route à court terme est toute tracée: je vais retourner à Frontière d'Acier avant de m'aventurer une nouvelle fois au sein des Malterres, dans l'atmosphère délétère de Tisy. Cela ne m'enchante guère mais j'y vais plutôt avec le sourire. Le souvenir d'une Waam heureuse de me voir à Dragonia m'aidera à arpenter ce lieu maudit, repère de crocs et de griffes.
- Olikotora
- Messages : 46
Re: Disruption: Les Noirs Ecrits de Fran Icesinger alias Frisca
Mar 18 Juil - 14:26
Encore un texte riche, agréable a lire et bien écrit !
- Realder
- Messages : 182
The Longer Road: Un Purgatoire d'Ossements; les Huit Cercles de Larmes sont le Ventre de Pluton
Ven 21 Juil - 14:01
The Longer Road: Un Purgatoire d'Ossements; les Huit Cercles de Larmes sont le Ventre de Pluton
Je n'ai pas pour habitude de tenir mon journal aux petites lueurs de l'aube. Pourtant, c'est ce que je fais en ce moment et je n'ai pas besoin de raisons. Il est étrange de constater à quel point ce monde peut nous faire oublier les petits détails de notre réalité, celle d'avant la Catastrophe - si c'est bien d'une catastrophe qu'il s'agit et pas d'une supercherie savamment orchestrée pour nous faire croire que tout est parti à vau-l'eau. Par exemple, j'avais presque oublié cette salamandre sur mon épaule: elle cherche à rejoindre ma nuque mais ne pourra jamais l'atteindre. Aussi réussie soit-elle, il ne s'agit que de quelques gouttes d'encre sous ma peau. D'après ce que je sais, je ne devrais pas la voir puisque je ne suis que la locataire d'un corps qui ne m'appartient pas. Un corps qui, a priori, ne dispose certainement pas des mêmes attributs que celui que j'habitais par le passé. Je regrette presque d'avoir jeté mon matériel à travers la Muraille d'Ether et de ne pas disposer d'Olikotora sous la main: sans doute aurait-il pu étudier ces tissus et m'annoncer s'il y voyait la même chose que moi.
Et voici que j'éclate d'un rire nerveux alors que je rédige les présentes lignes: ce petit paragraphe, juste au dessus, je l'ai écrit hier, avant de partir pour Dragonia avec Waam. Si j'avais su, je serais restée cloîtrée à Frontière d'Acier comme Le Gonarch dans son antre. Il est arrivé tant de choses... Je vais devoir trouver un moyen de les organiser au mieux dans un coin de mon cerveau avant de les coucher sur les pages de mon journal.
Tout a commencé lorsque nous sommes retournées sur la côte: avant cela, nous coulions des heures paisibles à Dragonia, si l'on excepte quelques bris de verre et quelques flèches plantées un peu partout - troncs, barils, nécroïdes, poulets... rien ni personne n'échappe à l'œil avisé de Waam et à l'œil un peu moins exercé de Fran Icesinger. Quoiqu'il en soit, je ne crois pas me tromper lorsque j'affirme que la tension a commencé à monter une fois parvenues à Kamenka, tout en restant néanmoins dans un ton calme et bon enfant. C'est d'ailleurs là-bas que nous avons fait la connaissance de Grygor Krasky: pas un mythe à mes yeux comme je l'ai laissé entendre mais bel et bien une légende urbaine personnifiée. Cela faisait des mois que j'avais entendu parler de lui - guère plus qu'un nom - et quelques semaines que j'avais remarqué ses affiches, décrivant son installation sur l'île que nous nommons parfois Alcatraz. Visiblement, l'ancien lieutenant de police a préféré établir sa petite retraite à Kamenka; sans doute n'a-t-il pas eu le courage de transporter son matériel de l'autre coté du rivage. Grygor semble être un survivant à l'écoute, réfléchi et peut-être quelque peu morose - tout comme moi. Ce n'est pas l'un de ces agités de la gâchette que l'on rencontre parfois au détour d'un chemin. Du peu que j'en ai vu, c'est un homme droit, bienveillant qui s'est apparemment donné comme objectif d'enquêter, voire de traquer un soi-disant groupe de cannibales déguisé en cirque. J'ai également la nette impression que l'ancien policier a vu des choses - autres que les simples résultats d'une apocalypse engendrée par un horrible virus - et c'est pour cela qu'il est désormais sur ma liste. Je vais garder un œil braqué sur lui et une oreille tendue dans sa direction, quitte à donner une double ration de graines à certains moineaux...
La nuit commençait à poindre lorsque nous avons pris congé de Grygor Krasky: il avait apparemment une transaction à effectuer avec Gitanos et son homme de main, Maxence. C'est Waam qui m'a proposé de patienter près de son campement jusqu'à son retour mais comme je pouvais m'en douter, il n'est pas revenu et nous sommes donc reparties en direction du Nord, en passant par le nouveau Narod Lessa, près de Vybor cette-fois-ci. A vrai dire, il s'agit toujours d'un camping aux allures de camp fortifié à mes yeux, et pas d'un village. Mais peu m'importe: c'est exactement ce dont j'ai besoin et il convient de saluer la patience du maître des lieux pour l'organisation de sa communauté. Tout y était bien rangé, à sa place... Sauf ma tente et les armes que je destinais à de fructueuses transactions. C'était un véritable pandémonium là-dedans, comme si on avait jeté mes possessions en vrac plutôt que de les disposer soigneusement. Le cran de sécurité de mon AKM n'était même pas enclenché et des boites entières de balles trainaient ça et là. Ce qui n'a pas arrangé mon humeur déjà passablement entamée par les piques de Waam concernant le nombre de pommes que je suis capable d'ingurgiter et par notre longue attente à Kamenka. Le matériel que je réserve à l'échange n'est peut-être pas neuf, mais j'ai pris le temps de le customiser, de l'équiper de ce que l'humanité a fait de meilleur - en terme de technologie, pas en terme d'éthique. Et voilà comment on traite mon équipement! Je toucherai deux mots à Sam Détemps et son comparse: j'espère qu'il auront d'autres arguments que le plomb pour m'expliquer la raison de ce foutoir!
J'aurai aimé que la journée se termine autrement. Jusqu'à maintenant, je n'ai fait que noter les diverses péripéties de ce voyage mouvementé. Je n'aurais jamais pensé que nous en arriverions là: encore une fois, c'est à Frontière d'Acier que nous nous sommes violemment disputées avec Waam. A croire que ce lieu ne l'aime pas et cherche à m'isoler du reste du monde.
Il n'y a jamais qu'un seul fautif dans ce genre de cas, en l'occurrence il s'agit ici de deux fautives: Waam et sa nouvelle personnalité... moi et mon caractère irascible. Cela pourrait paraitre risible mais c'est bien plus que ça en vérité. C'est un combat entre ce qu'elle est, la nature humaine qui commence visiblement à la corrompre et la mienne. Et c'est aussi parce que j'estime être la seule à pouvoir émettre un jugement sur la question "Realder Descendres". D'après Olikotora, qui m'a tendu plus tard dans la soirée sa main secourable - encore une fois - notre altercation est peut-être due à un quiproquo. Cela ne changera rien au fait que j'ai frappé Waam, et pas d'une petite claque mais bel et bien d'un poing ganté sans retenir mon coup. Et je m'en veux bien entendu. Mais ce qui est arrivé ce soir-là se serait de toute manière probablement déroulé dans les prochains jours. La Waam qui parcoure Chernarus à mes cotés n'a plus rien à voir avec celle que j'ai rencontré un jour au Marché de la Sobor, vêtue de peaux de bêtes tannées et de fourrure et armée de son épée d'acier. Lorsqu'elle ne pense pas à sa mission et qu'elle parvient à se défaire de sa véritable nature, elle est pareille à une enfant qui commencerait tout juste à découvrir notre monde. Une enfant à qui on aurait donné d'effroyables pouvoirs et des idées préconçues.
Waam ne sait rien de Realder, de Watson, de moi - de personne. L'absence de lien psychique entre les humains ne veut pas dire qu'il n'existe rien entre nous: que sont les sentiments et les émotions? Voici nos liens à nous: infiniment plus riches et complexe qu'un esprit commun. Nous ne pouvons comprendre entièrement Waam et elle ne peut nous comprendre. Mais je n'ai pas envie de m'attarder sur ces questions maintenant. Olikotora m'a appris quelque chose sur moi-même, quelque chose qui pourrait être une réalité comme le pire mensonge qu'on n'ait jamais osé proférer à mon égard - ou encore une illusion collective, ce syndrome dont parlait parfois le Docteur, Relic. Je vais l'écrire ici, pour en garder une trace moi-même, mais pas au sein de ce chapitre.
C'est une ligne parallèle à notre histoire: une quête que j'aurai peut-être suivi un jour ou l'autre, même si je n'avais pas été coincée en Chernarus. Olikotora aurait pu choisir de ne pas m'en faire part, mais il a finalement plongé avec moi dans l'abîme. Je t'aiderai donc, Oliko, je m'efforcerai de retrouver Anna si je le puis et si elle existe bel et bien.
En contrepartie, aide-moi à comprendre qui je suis, ce que je suis. Humaine? Pantin de chair, de sang et d'os? Ou encore autre chose? Fournis-moi la réponse cette question qui n'a jamais véritablement franchi mes lèvres et reprenons la route. Il nous reste beaucoup de choses à accomplir.
"Dans sa demeure de R'lyeh la morte, Cthulhu rêve et attend."
Et voici que j'éclate d'un rire nerveux alors que je rédige les présentes lignes: ce petit paragraphe, juste au dessus, je l'ai écrit hier, avant de partir pour Dragonia avec Waam. Si j'avais su, je serais restée cloîtrée à Frontière d'Acier comme Le Gonarch dans son antre. Il est arrivé tant de choses... Je vais devoir trouver un moyen de les organiser au mieux dans un coin de mon cerveau avant de les coucher sur les pages de mon journal.
Tout a commencé lorsque nous sommes retournées sur la côte: avant cela, nous coulions des heures paisibles à Dragonia, si l'on excepte quelques bris de verre et quelques flèches plantées un peu partout - troncs, barils, nécroïdes, poulets... rien ni personne n'échappe à l'œil avisé de Waam et à l'œil un peu moins exercé de Fran Icesinger. Quoiqu'il en soit, je ne crois pas me tromper lorsque j'affirme que la tension a commencé à monter une fois parvenues à Kamenka, tout en restant néanmoins dans un ton calme et bon enfant. C'est d'ailleurs là-bas que nous avons fait la connaissance de Grygor Krasky: pas un mythe à mes yeux comme je l'ai laissé entendre mais bel et bien une légende urbaine personnifiée. Cela faisait des mois que j'avais entendu parler de lui - guère plus qu'un nom - et quelques semaines que j'avais remarqué ses affiches, décrivant son installation sur l'île que nous nommons parfois Alcatraz. Visiblement, l'ancien lieutenant de police a préféré établir sa petite retraite à Kamenka; sans doute n'a-t-il pas eu le courage de transporter son matériel de l'autre coté du rivage. Grygor semble être un survivant à l'écoute, réfléchi et peut-être quelque peu morose - tout comme moi. Ce n'est pas l'un de ces agités de la gâchette que l'on rencontre parfois au détour d'un chemin. Du peu que j'en ai vu, c'est un homme droit, bienveillant qui s'est apparemment donné comme objectif d'enquêter, voire de traquer un soi-disant groupe de cannibales déguisé en cirque. J'ai également la nette impression que l'ancien policier a vu des choses - autres que les simples résultats d'une apocalypse engendrée par un horrible virus - et c'est pour cela qu'il est désormais sur ma liste. Je vais garder un œil braqué sur lui et une oreille tendue dans sa direction, quitte à donner une double ration de graines à certains moineaux...
La nuit commençait à poindre lorsque nous avons pris congé de Grygor Krasky: il avait apparemment une transaction à effectuer avec Gitanos et son homme de main, Maxence. C'est Waam qui m'a proposé de patienter près de son campement jusqu'à son retour mais comme je pouvais m'en douter, il n'est pas revenu et nous sommes donc reparties en direction du Nord, en passant par le nouveau Narod Lessa, près de Vybor cette-fois-ci. A vrai dire, il s'agit toujours d'un camping aux allures de camp fortifié à mes yeux, et pas d'un village. Mais peu m'importe: c'est exactement ce dont j'ai besoin et il convient de saluer la patience du maître des lieux pour l'organisation de sa communauté. Tout y était bien rangé, à sa place... Sauf ma tente et les armes que je destinais à de fructueuses transactions. C'était un véritable pandémonium là-dedans, comme si on avait jeté mes possessions en vrac plutôt que de les disposer soigneusement. Le cran de sécurité de mon AKM n'était même pas enclenché et des boites entières de balles trainaient ça et là. Ce qui n'a pas arrangé mon humeur déjà passablement entamée par les piques de Waam concernant le nombre de pommes que je suis capable d'ingurgiter et par notre longue attente à Kamenka. Le matériel que je réserve à l'échange n'est peut-être pas neuf, mais j'ai pris le temps de le customiser, de l'équiper de ce que l'humanité a fait de meilleur - en terme de technologie, pas en terme d'éthique. Et voilà comment on traite mon équipement! Je toucherai deux mots à Sam Détemps et son comparse: j'espère qu'il auront d'autres arguments que le plomb pour m'expliquer la raison de ce foutoir!
J'aurai aimé que la journée se termine autrement. Jusqu'à maintenant, je n'ai fait que noter les diverses péripéties de ce voyage mouvementé. Je n'aurais jamais pensé que nous en arriverions là: encore une fois, c'est à Frontière d'Acier que nous nous sommes violemment disputées avec Waam. A croire que ce lieu ne l'aime pas et cherche à m'isoler du reste du monde.
Il n'y a jamais qu'un seul fautif dans ce genre de cas, en l'occurrence il s'agit ici de deux fautives: Waam et sa nouvelle personnalité... moi et mon caractère irascible. Cela pourrait paraitre risible mais c'est bien plus que ça en vérité. C'est un combat entre ce qu'elle est, la nature humaine qui commence visiblement à la corrompre et la mienne. Et c'est aussi parce que j'estime être la seule à pouvoir émettre un jugement sur la question "Realder Descendres". D'après Olikotora, qui m'a tendu plus tard dans la soirée sa main secourable - encore une fois - notre altercation est peut-être due à un quiproquo. Cela ne changera rien au fait que j'ai frappé Waam, et pas d'une petite claque mais bel et bien d'un poing ganté sans retenir mon coup. Et je m'en veux bien entendu. Mais ce qui est arrivé ce soir-là se serait de toute manière probablement déroulé dans les prochains jours. La Waam qui parcoure Chernarus à mes cotés n'a plus rien à voir avec celle que j'ai rencontré un jour au Marché de la Sobor, vêtue de peaux de bêtes tannées et de fourrure et armée de son épée d'acier. Lorsqu'elle ne pense pas à sa mission et qu'elle parvient à se défaire de sa véritable nature, elle est pareille à une enfant qui commencerait tout juste à découvrir notre monde. Une enfant à qui on aurait donné d'effroyables pouvoirs et des idées préconçues.
Waam ne sait rien de Realder, de Watson, de moi - de personne. L'absence de lien psychique entre les humains ne veut pas dire qu'il n'existe rien entre nous: que sont les sentiments et les émotions? Voici nos liens à nous: infiniment plus riches et complexe qu'un esprit commun. Nous ne pouvons comprendre entièrement Waam et elle ne peut nous comprendre. Mais je n'ai pas envie de m'attarder sur ces questions maintenant. Olikotora m'a appris quelque chose sur moi-même, quelque chose qui pourrait être une réalité comme le pire mensonge qu'on n'ait jamais osé proférer à mon égard - ou encore une illusion collective, ce syndrome dont parlait parfois le Docteur, Relic. Je vais l'écrire ici, pour en garder une trace moi-même, mais pas au sein de ce chapitre.
C'est une ligne parallèle à notre histoire: une quête que j'aurai peut-être suivi un jour ou l'autre, même si je n'avais pas été coincée en Chernarus. Olikotora aurait pu choisir de ne pas m'en faire part, mais il a finalement plongé avec moi dans l'abîme. Je t'aiderai donc, Oliko, je m'efforcerai de retrouver Anna si je le puis et si elle existe bel et bien.
En contrepartie, aide-moi à comprendre qui je suis, ce que je suis. Humaine? Pantin de chair, de sang et d'os? Ou encore autre chose? Fournis-moi la réponse cette question qui n'a jamais véritablement franchi mes lèvres et reprenons la route. Il nous reste beaucoup de choses à accomplir.
"Dans sa demeure de R'lyeh la morte, Cthulhu rêve et attend."
- Realder
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The Longer Road: Dans l'Ombre de la Tour Sombre; Can'-Ka No Rey, The Red Fields of None
Sam 22 Juil - 12:18
The Longer Road: Dans l'Ombre de la Tour Sombre; Can'-Ka No Rey, The Red Fields of None
Bienvenue dans Ma Réalité. Ces feuilles sur lesquelles je distille mon essence ne sont pas celles de mon journal, et peut-être n'y prendront-elles jamais place. Waam m'a dérobé ce qui comptait le plus à mes yeux: mes écrits et - maudite soit-elle - les journaux de Realder. Sans oublier le carnet de Norman Ross. Ce n'est rien de moins que mon cœur et que mon âme qu'elle a volé, et elle le sait. Peu importe ce qui s'est passé entre nous, peu importe ce qu'elle a pu conclure de mes paroles, ce qu'elle a entendu de ma conversation avec Olikotora. Elle n'avait pas le droit de faire ça, elle n'aurait même pas dû en avoir la possibilité. Ces écrits sont des artefacts, des anomalies bénies par le Grand Vide et gorgées d'Ether. Sans eux, je ne suis rien, je perds ma cohésion, mon intégrité, ma raison d'être.
Je ne toucherai pas aux Dorros et aux Ulodos, non seulement parce qu'elle tient bien plus que ma vie entre ses mains mais aussi parce que lorsque je fais une promesse, j'essaie toujours de m'y tenir. Allez... sans rancune: je puis rédiger ces lignes à présent, puisque je n'ai plus à la ménager. Depuis le départ, j'œuvre a achever sa mission, sans forcément la comprendre. Je comptais agir une fois que les Dorros et les Ulodos auraient été réunis: trois choix auraient pu s'offrir à moi. Elle ne sait rien de mon vrai visage: trois facettes de moi-même pour au moins trois réalités. Je n'aurai peut-être pas réussi à mettre mon plan à exécution mais j'aurai au moins essayé. C'est fini maintenant. Il n'y a pas de combat. Il n'y a pas de vengeance. Il n'y a que le sommeil.
J'ai perdu Waam parce que je l'ai trompée, tout comme d'autres m'ont trahie par le passé. C'est donc cela que l'on ressent dans ce genre de situation? Quel gâchis... Elle s'est tirée une balle dans la tête devant moi; je devrai être prostrée dans un coin à pleurer sa mort, à me lamenter sur mon sort... à me détester pour ce que j'ai fait. Mais non. Ce n'est qu'une farce, rien qu'une farce, un dommage collatéral, rien de plus. A l'heure qu'il est, Waam doit être en route pour un autre horizon, toujours en Chernarus cela dit. Je vois d'ici ses petits pieds martelant le bitume près de Berezino. J'entends son souffle, je vois la colère et la déception dans ses yeux. A moins qu'elle n'ait déjà compris qu'elle me tenait à sa merci. Que peut-elle m'infliger de pire que ce qu'elle a déjà fait? Raser Frontière d'Acier? Nos amis communs s'en occuperont très bien tous seuls. Je verrai bien si la petite lame tombée des Etoiles cherche la vengeance. Je lui aurais néanmoins donné ce conseil si elle n'était pas partie si vite: l'Oubli est le Suprême Refuge.
Dans cette prison, il ne me reste désormais plus que Watson, celui-là même qui m'a finalement en partie pardonnée mes actes odieux. J'en viendrais presque à espérer qu'il se venge de ce que je lui ai fait subir. Ce ne serait que justice et peut-être cela arrivera-t-il un jour. Mais pour le moment, je vais reprendre mes recherches - à ses côtés.
Je ne les mènerai pas à Frontière d'Acier - trop dangereux et surtout trop loin du dispensaire. De nouvelles questions frappent aux portes de mon esprit: Olikotora a disséqué mon corps - celui qui était passé sous les roues d'un bus il y a quelques jours de ça. Ce qu'il prétend y avoir trouvé, j'aurai préféré ne jamais l'entendre. Privée des connaissances de Waam, je reprends mon tâtonnement. Nous ne serons pas trop de deux, aussi aiderais-je Watson autant que je le puis.
Je dois retrouver ce qui m'appartient. Mon passé, mon présent. Mon avenir.
Je ne toucherai pas aux Dorros et aux Ulodos, non seulement parce qu'elle tient bien plus que ma vie entre ses mains mais aussi parce que lorsque je fais une promesse, j'essaie toujours de m'y tenir. Allez... sans rancune: je puis rédiger ces lignes à présent, puisque je n'ai plus à la ménager. Depuis le départ, j'œuvre a achever sa mission, sans forcément la comprendre. Je comptais agir une fois que les Dorros et les Ulodos auraient été réunis: trois choix auraient pu s'offrir à moi. Elle ne sait rien de mon vrai visage: trois facettes de moi-même pour au moins trois réalités. Je n'aurai peut-être pas réussi à mettre mon plan à exécution mais j'aurai au moins essayé. C'est fini maintenant. Il n'y a pas de combat. Il n'y a pas de vengeance. Il n'y a que le sommeil.
J'ai perdu Waam parce que je l'ai trompée, tout comme d'autres m'ont trahie par le passé. C'est donc cela que l'on ressent dans ce genre de situation? Quel gâchis... Elle s'est tirée une balle dans la tête devant moi; je devrai être prostrée dans un coin à pleurer sa mort, à me lamenter sur mon sort... à me détester pour ce que j'ai fait. Mais non. Ce n'est qu'une farce, rien qu'une farce, un dommage collatéral, rien de plus. A l'heure qu'il est, Waam doit être en route pour un autre horizon, toujours en Chernarus cela dit. Je vois d'ici ses petits pieds martelant le bitume près de Berezino. J'entends son souffle, je vois la colère et la déception dans ses yeux. A moins qu'elle n'ait déjà compris qu'elle me tenait à sa merci. Que peut-elle m'infliger de pire que ce qu'elle a déjà fait? Raser Frontière d'Acier? Nos amis communs s'en occuperont très bien tous seuls. Je verrai bien si la petite lame tombée des Etoiles cherche la vengeance. Je lui aurais néanmoins donné ce conseil si elle n'était pas partie si vite: l'Oubli est le Suprême Refuge.
Dans cette prison, il ne me reste désormais plus que Watson, celui-là même qui m'a finalement en partie pardonnée mes actes odieux. J'en viendrais presque à espérer qu'il se venge de ce que je lui ai fait subir. Ce ne serait que justice et peut-être cela arrivera-t-il un jour. Mais pour le moment, je vais reprendre mes recherches - à ses côtés.
Je ne les mènerai pas à Frontière d'Acier - trop dangereux et surtout trop loin du dispensaire. De nouvelles questions frappent aux portes de mon esprit: Olikotora a disséqué mon corps - celui qui était passé sous les roues d'un bus il y a quelques jours de ça. Ce qu'il prétend y avoir trouvé, j'aurai préféré ne jamais l'entendre. Privée des connaissances de Waam, je reprends mon tâtonnement. Nous ne serons pas trop de deux, aussi aiderais-je Watson autant que je le puis.
Je dois retrouver ce qui m'appartient. Mon passé, mon présent. Mon avenir.
- Realder
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The Longer Road: Le Repos d’Evangelyne ; Sur l’Arche, la Rôdeuse observe le Ciel.
Mer 26 Juil - 22:35
The Longer Road: Le Repos d’Evangelyne ; Sur l’Arche, la Rôdeuse observe le Ciel.
C’est un bien triste fardeau que tu souhaites me faire porter, Fragment d’Etoile. Si tes paroles sont vraies, alors j’accepte mon sort… et celui que tu réserves à l’humanité. Je ne doute pas que les tiens ont les moyens de mettre tes paroles à exécution et peut-être le feront-ils. Mais laisse-moi te poser encore quelques questions cette-fois-ci. Obéis-tu vraiment à ce soi-disant esprit collectif dont tu te targuais d’être un maillon… ou écoutes-tu les paroles de ton cœur meurtri, prête à tout pour assouvir ta vengeance ? Quoiqu’il en soit, tu devais t’en douter, jolie Waam : tu t’es trompée d’interlocutrice lorsque tu es parvenue au Dispensaire d’Olikotora. C’est un message que je t’adresse mais tu ne pourras sans doute jamais le lire - puisque selon toute vraisemblance, je serai probablement réduite en nuage de particules éphémère d’ici peu. Tu es venue à moi le corps en lambeaux, à peine capable de tenir debout. Sans doute désirais-tu que je te donne la mort moi-même cette-fois-ci. Encore une fois, tu t’es fourvoyée : je ne suis pas une meurtrière, pas encore, et bien que tu m’ais promis l’Enfer, je te remercie de m’avoir rendu ce qui fait de moi ce que je suis. Mes journaux et ceux de mon très cher écrivain : j’avoue ne pas comprendre ta logique. Peut-être les as-tu piégés ou peut-être sais-tu que mes heures sont comptées. Dans ce cas, ça n’a plus vraiment d’importance effectivement. Mais tu mérites tout de même mes remerciements sincères, aussi futiles et fugaces soient-ils à tes yeux.
Qu’à cela ne tienne, sache-le Waam, je me fiche de ce qui pourrait arriver à l’humanité moribonde. Depuis longtemps, j’estime qu’elle est déjà condamnée. Je regrette néanmoins que tu ne réfléchisses pas plus que ça aux conséquences des actes que tu prévois. Il y a des Hommes qui méritent d’être sauvés ici : Oliko, Hal, Gitanos pour ne citer qu’eux. D’autres se doivent en effet de retourner au Néant - Nova Astroska, Ozone… et la dernière encore debout : moi-même. Malgré tout, je ne me sens pas réellement concernée par tes caprices : Si le docteur Watson a dit vrai, ce n’est pas en brulant ce qui reste de notre monde que tu te vengeras de moi. Réfléchis quelques instants. Supposons ne serait-ce qu’une fraction de seconde qu’Olikotora ne m’ait pas menti ou que son esprit n’ait pas été trompé alors qu’il disséquait mon corps. Si tu lis ces mots, un jour, peut-être feront-ils résonner une funeste mélopée à travers ta mémoire. Ou peut-être pas. Aucune certitude n’est permise en cette Enclave. Mais toutes les Réalités sont possibles sur l’Île des Morts.
C’est un homme au cœur d’or et à l’esprit aiguisé qui a choisi d’ignorer les tourments que je lui ai infligé par le passé. Oliko est l’un des seuls qui semble être parvenu à cerner mon esprit névrosé, chose que je n’ai pas réussi à réaliser moi-même. Outre ses compétences techniques, à qui d’autre que lui aurais-je pu donner l’autorisation de fouiller mes entrailles, d’en extirper os et tendons, de jouer avec mes nerfs - au sens littéral du terme - et d’étudier mon cerveau et mon cœur sans aucun respect pour ma dignité ? Il n’y avait que lui qui était en mesure d’accomplir ce travail et c’est avec brio qu’il l’a mené à son terme.
Ce soir, enfermée à double tour dans le petit chalet dont j’ai fait ma résidence secondaire, me voici à nouveau voguant sur un océan de questions, avec pour seules rames, ma mélancolie et mon regret. Cela fait plusieurs jours que je ne suis pas sortie hors du Dispensaire, que je n’ai pas enfoncé ma lame dans le crâne d’un nécroïde… et que je n’ai pas posé mon regard sur la Brume Blanche à quelques kilomètres au Nord. J’ose difficilement écrire sur ces pages encore vierges, l’objet de mon désarroi. Le doute m’envahit et encore une fois, les Réalités me rattrapent pour me broyer au sein de leur étau. Qui suis-je et que suis-je ? Je reprends mon stylo pour garder en mémoire ce que le docteur Watson a été le premier à découvrir. Mensonge éhonté, tromperie collective ou vérité absolue... Peut-être les trois à la fois. Voici finalement ce que j’ai trop tardé à rédiger ces derniers jours. Mais maintenant que Waam œuvre contre moi et que le temps nous est compté… A quoi bon choisir le silence ?
Mon corps - celui que je parasitais avant de finir écrasée sous trente-trois tonnes d’acier - ne dispose pas exactement des mêmes attributs que ce qu’à découvert Olikotora sur celui des nécroïdes ou sur celui d’autres survivants. Pourtant, je suis faite de chair, de sang et d’os, sans aucun doute, tout comme eux. Assez en tout cas pour que seul l’un des plus grands scientifiques dans son domaine y découvre la raison de mon tourment. En cela, et si nous ne sommes pas victimes d’une farce en provenance de nos bourreaux, je ne suis pas plus humaine que Waam et pas plus vivante que morte. Là où aurait dû se trouver la mécanique parfaitement huilée et organique d’un corps en parfait état, ce n’est qu’un entrelacs de câbles, d’engrenages et de rouages que mon dernier allié a découvert. Mon cœur n’a pas échappé à l’inspection - si l’on peut encore comparer cette sculpture de chair hérissée de pistons à ce qui est sensé caractériser l’Homme. Je n’ai pas cherché à comprendre plus loin ce que m’annonçait Olikotora ; d’ailleurs nous n’en avons pas reparlé depuis ce jour. Mais le mal est fait. Je me sens sale, trompée, souillée. Pourtant, pourquoi devrais-je ressentir du dégoût ? Ce corps n’est pas le mien, ce n’est qu’une enveloppe sans importance, qu’on m’a soi-disant fournie pour accomplir une mission dont je ne connais pas la finalité. Un écho résonne cependant : voici la sombre prose qui se dérobe à mon regard mais que j’entends résonner dans un coin de mon esprit, même lorsque je lui supplie de me laisser en paix. Toujours la même voix, toujours le même auteur… toujours les mêmes paroles.
« Tourmente ceux qui se dressent devant toi, Frisca, mon pantin aux yeux rouges, protège-moi de cette lie par ton corps car telle est ma volonté. Tu es la première des trois, mon chef-d’œuvre et la clé de ma survie… N’oublie jamais cependant que ma nature est de pouvoir puiser dans ton essence sans jamais craindre de m’y noyer. »
Qu’à cela ne tienne, sache-le Waam, je me fiche de ce qui pourrait arriver à l’humanité moribonde. Depuis longtemps, j’estime qu’elle est déjà condamnée. Je regrette néanmoins que tu ne réfléchisses pas plus que ça aux conséquences des actes que tu prévois. Il y a des Hommes qui méritent d’être sauvés ici : Oliko, Hal, Gitanos pour ne citer qu’eux. D’autres se doivent en effet de retourner au Néant - Nova Astroska, Ozone… et la dernière encore debout : moi-même. Malgré tout, je ne me sens pas réellement concernée par tes caprices : Si le docteur Watson a dit vrai, ce n’est pas en brulant ce qui reste de notre monde que tu te vengeras de moi. Réfléchis quelques instants. Supposons ne serait-ce qu’une fraction de seconde qu’Olikotora ne m’ait pas menti ou que son esprit n’ait pas été trompé alors qu’il disséquait mon corps. Si tu lis ces mots, un jour, peut-être feront-ils résonner une funeste mélopée à travers ta mémoire. Ou peut-être pas. Aucune certitude n’est permise en cette Enclave. Mais toutes les Réalités sont possibles sur l’Île des Morts.
C’est un homme au cœur d’or et à l’esprit aiguisé qui a choisi d’ignorer les tourments que je lui ai infligé par le passé. Oliko est l’un des seuls qui semble être parvenu à cerner mon esprit névrosé, chose que je n’ai pas réussi à réaliser moi-même. Outre ses compétences techniques, à qui d’autre que lui aurais-je pu donner l’autorisation de fouiller mes entrailles, d’en extirper os et tendons, de jouer avec mes nerfs - au sens littéral du terme - et d’étudier mon cerveau et mon cœur sans aucun respect pour ma dignité ? Il n’y avait que lui qui était en mesure d’accomplir ce travail et c’est avec brio qu’il l’a mené à son terme.
Ce soir, enfermée à double tour dans le petit chalet dont j’ai fait ma résidence secondaire, me voici à nouveau voguant sur un océan de questions, avec pour seules rames, ma mélancolie et mon regret. Cela fait plusieurs jours que je ne suis pas sortie hors du Dispensaire, que je n’ai pas enfoncé ma lame dans le crâne d’un nécroïde… et que je n’ai pas posé mon regard sur la Brume Blanche à quelques kilomètres au Nord. J’ose difficilement écrire sur ces pages encore vierges, l’objet de mon désarroi. Le doute m’envahit et encore une fois, les Réalités me rattrapent pour me broyer au sein de leur étau. Qui suis-je et que suis-je ? Je reprends mon stylo pour garder en mémoire ce que le docteur Watson a été le premier à découvrir. Mensonge éhonté, tromperie collective ou vérité absolue... Peut-être les trois à la fois. Voici finalement ce que j’ai trop tardé à rédiger ces derniers jours. Mais maintenant que Waam œuvre contre moi et que le temps nous est compté… A quoi bon choisir le silence ?
Mon corps - celui que je parasitais avant de finir écrasée sous trente-trois tonnes d’acier - ne dispose pas exactement des mêmes attributs que ce qu’à découvert Olikotora sur celui des nécroïdes ou sur celui d’autres survivants. Pourtant, je suis faite de chair, de sang et d’os, sans aucun doute, tout comme eux. Assez en tout cas pour que seul l’un des plus grands scientifiques dans son domaine y découvre la raison de mon tourment. En cela, et si nous ne sommes pas victimes d’une farce en provenance de nos bourreaux, je ne suis pas plus humaine que Waam et pas plus vivante que morte. Là où aurait dû se trouver la mécanique parfaitement huilée et organique d’un corps en parfait état, ce n’est qu’un entrelacs de câbles, d’engrenages et de rouages que mon dernier allié a découvert. Mon cœur n’a pas échappé à l’inspection - si l’on peut encore comparer cette sculpture de chair hérissée de pistons à ce qui est sensé caractériser l’Homme. Je n’ai pas cherché à comprendre plus loin ce que m’annonçait Olikotora ; d’ailleurs nous n’en avons pas reparlé depuis ce jour. Mais le mal est fait. Je me sens sale, trompée, souillée. Pourtant, pourquoi devrais-je ressentir du dégoût ? Ce corps n’est pas le mien, ce n’est qu’une enveloppe sans importance, qu’on m’a soi-disant fournie pour accomplir une mission dont je ne connais pas la finalité. Un écho résonne cependant : voici la sombre prose qui se dérobe à mon regard mais que j’entends résonner dans un coin de mon esprit, même lorsque je lui supplie de me laisser en paix. Toujours la même voix, toujours le même auteur… toujours les mêmes paroles.
« Tourmente ceux qui se dressent devant toi, Frisca, mon pantin aux yeux rouges, protège-moi de cette lie par ton corps car telle est ma volonté. Tu es la première des trois, mon chef-d’œuvre et la clé de ma survie… N’oublie jamais cependant que ma nature est de pouvoir puiser dans ton essence sans jamais craindre de m’y noyer. »
- Olikotora
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Re: Disruption: Les Noirs Ecrits de Fran Icesinger alias Frisca
Jeu 27 Juil - 11:01
j'aime ^^ !
- Realder
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The Longer Road: La Prison d’Aubépine ; Dans la Carrière de Pierre Noire veinée d’Argent, la Derviche s’est immergée dans ses Souvenirs
Mer 2 Aoû - 23:45
The Longer Road: La Prison d’Aubépine ; Dans la Carrière de Pierre Noire veinée d’Argent, la Derviche s’est immergée dans ses Souvenirs
J’ai besoin d’un souffle d’air, besoin de respirer, mais c’est dans cet Enfer que l’on m’a enfermée.
Waam l’a très bien compris, et sa vengeance ne pourrait être plus parfaite que celle qu’elle m’inflige : Elle est partout autour de moi et ne me laisse pas en paix avec moi-même. Cette dernière soirée a sans doute été la pire. Elle m’attendait là où mes pas me portaient et même lorsqu’elle n’était pas physiquement là, les traces de sa présence étaient palpables. Si Oliko avait été à mes côtés, peut-être que les choses se seraient déroulées différemment. Je pourrai me débarrasser de Waam, temporairement du moins. L’arsenal dont je dispose me permettrait de la faire taire des centaines, voire des milliers de fois. Mais il n’y a qu’à voir comment elle a réagi lorsque je l’ai menotté pour comprendre que cela ne servirait à rien. Waam se complait dans le courroux que les autres lui portent, dans le désespoir et dans la folie qu’elle engendre. Ce ne sont pas des balles qui l’arrêteront - et au risque de me répéter, je ne suis pas une meurtrière. Etrangement d’ailleurs, j’éprouve une certaine réticence à tirer sur un survivant alors que j’étais prête - et je le suis toujours - à faire détonner une ogive atomique en Chernarus.
Je ne suis pas dupe : tôt ou tard, il faudra bien que j’agisse de la sorte, ne serait-ce que pour gagner quelques instants de répit. Jusqu’à maintenant, je suis parvenue à ignorer mes opposants systématiques, à un tel point qu’ils ont finalement sombré dans l’oubli. Ça ne fonctionnera pas avec la guerrière venue d’ailleurs. Aucun survivant actuellement présent en Chernarus ne peut prétendre pouvoir rivaliser avec Fragment d’Etoile. Waam... j’aurais mieux fait de lui tourner le dos lorsque je l’ai rencontré pour la première fois, à l’ancien marché de la Sobor. Ce qui se déroule entre elle et moi n’est pas un conflit, ça n’en a jamais été et ne le sera jamais : dans cette histoire, je ne suis qu’une fourmi qui s’apprête à se faire écraser sous le pied de l’Homme.
Je n’ai jamais souhaité la guerre : mes ardeurs ont été définitivement refroidies lorsque la balle de Yinho Mokoto a traversé mon crâne il y a déjà quelques mois de ça. Aujourd’hui pourtant, mon avenir en Chernarus apparait encore plus flou que mon passé. Pour un cœur brisé, c’est tout mon futur qui risque de s’effondrer. Et que devrais-je dire du mien ? J’ai été trahie, trompée, ignorée par ceux en qui j’avais confiance. Mais finalement, ce n’est pas le pire n’est-ce-pas ?
Car mon existence elle-même n’est peut-être qu’un mensonge. La pire trahison dont je suis la victime n’est pas celle d’Alex Walker, pas celle d’Irwin Kelor, encore moins celle de Nova Astroska ou de Mira Noskov. Non. A l’origine, il n’y a que Realder Descendres, mon poète, mon cher écrivain comme j’ai pris l’habitude de l’appeler. Je ne connaitrai probablement jamais le fin mot de ce récit puisque Waam se trouvera forcément en travers de ma route aux instants cruciaux de mes projets – je n’en doute pas une seconde. J’éprouve un étrange sentiment, un horrible méli-mélo d’émotions contradictoires qui a le goût et l’odeur d’un plat très certainement raté, négligé et abandonné pendant bien trop longtemps au fond du réfrigérateur. De la culpabilité pour ce que j’ai fait à Waam - et à Watson par le passé -, de l’orgueil lorsque j’observe mes possessions matérielles et l’étendue des connaissances accumulées… mais surtout une profonde tristesse lorsque je scrute le regard que me renvoient les éclats de miroir du Dispensaire.
Olikotora n’a pas tort en un sens : la vie vaut la peine qu’on se batte pour elle. Même cloisonnés en Chernarus, coincés dans cette cage froide et austère, poursuivis par des lames venues d’autres planètes, observés et placés ici-bas comme sur un échiquier par des êtres ou des choses dont nous ne savons rien, la vie reste un cadeau qu’il serait sage de ne pas négliger.
Mais il faut parfois lâcher prise et savoir se dérober à cet appel. Ici plus qu’ailleurs, la vie a pris une tournure malsaine. Elle n’est que fange et poussière, de la boue que des hommes comme Watson ont cependant transmuté en or. Pour que cette réaction ait lieu cependant, une étincelle est nécessaire. Sans elle, la chair froide se décompose, l’esprit s’envole pour hanter un nouveau corps et le cycle recommence. Mais c’est toujours la vie : la boucle est bouclée, le point de départ est le point d’arrivée, le train repart pour un nouveau voyage. Qu’en est-il de ce qui n’a jamais vécu cependant ? Une âme peut-elle être fragmentée, modifiée, modelée dans un but précis ? Une conscience peut-elle être crée de toute pièce, placée dans un corps pour lui permettre de se tenir debout et d’agir ? La mort est belle aussi, et sans elle, la vie n’existe pas. Qu’en serait-il si les deux plongeaient ensemble dans l’inconnu, se laissaient glisser dans les bras l’une de l’autre comme deux amantes enfin réunies ?
Waam l’a très bien compris, et sa vengeance ne pourrait être plus parfaite que celle qu’elle m’inflige : Elle est partout autour de moi et ne me laisse pas en paix avec moi-même. Cette dernière soirée a sans doute été la pire. Elle m’attendait là où mes pas me portaient et même lorsqu’elle n’était pas physiquement là, les traces de sa présence étaient palpables. Si Oliko avait été à mes côtés, peut-être que les choses se seraient déroulées différemment. Je pourrai me débarrasser de Waam, temporairement du moins. L’arsenal dont je dispose me permettrait de la faire taire des centaines, voire des milliers de fois. Mais il n’y a qu’à voir comment elle a réagi lorsque je l’ai menotté pour comprendre que cela ne servirait à rien. Waam se complait dans le courroux que les autres lui portent, dans le désespoir et dans la folie qu’elle engendre. Ce ne sont pas des balles qui l’arrêteront - et au risque de me répéter, je ne suis pas une meurtrière. Etrangement d’ailleurs, j’éprouve une certaine réticence à tirer sur un survivant alors que j’étais prête - et je le suis toujours - à faire détonner une ogive atomique en Chernarus.
Je ne suis pas dupe : tôt ou tard, il faudra bien que j’agisse de la sorte, ne serait-ce que pour gagner quelques instants de répit. Jusqu’à maintenant, je suis parvenue à ignorer mes opposants systématiques, à un tel point qu’ils ont finalement sombré dans l’oubli. Ça ne fonctionnera pas avec la guerrière venue d’ailleurs. Aucun survivant actuellement présent en Chernarus ne peut prétendre pouvoir rivaliser avec Fragment d’Etoile. Waam... j’aurais mieux fait de lui tourner le dos lorsque je l’ai rencontré pour la première fois, à l’ancien marché de la Sobor. Ce qui se déroule entre elle et moi n’est pas un conflit, ça n’en a jamais été et ne le sera jamais : dans cette histoire, je ne suis qu’une fourmi qui s’apprête à se faire écraser sous le pied de l’Homme.
Je n’ai jamais souhaité la guerre : mes ardeurs ont été définitivement refroidies lorsque la balle de Yinho Mokoto a traversé mon crâne il y a déjà quelques mois de ça. Aujourd’hui pourtant, mon avenir en Chernarus apparait encore plus flou que mon passé. Pour un cœur brisé, c’est tout mon futur qui risque de s’effondrer. Et que devrais-je dire du mien ? J’ai été trahie, trompée, ignorée par ceux en qui j’avais confiance. Mais finalement, ce n’est pas le pire n’est-ce-pas ?
Car mon existence elle-même n’est peut-être qu’un mensonge. La pire trahison dont je suis la victime n’est pas celle d’Alex Walker, pas celle d’Irwin Kelor, encore moins celle de Nova Astroska ou de Mira Noskov. Non. A l’origine, il n’y a que Realder Descendres, mon poète, mon cher écrivain comme j’ai pris l’habitude de l’appeler. Je ne connaitrai probablement jamais le fin mot de ce récit puisque Waam se trouvera forcément en travers de ma route aux instants cruciaux de mes projets – je n’en doute pas une seconde. J’éprouve un étrange sentiment, un horrible méli-mélo d’émotions contradictoires qui a le goût et l’odeur d’un plat très certainement raté, négligé et abandonné pendant bien trop longtemps au fond du réfrigérateur. De la culpabilité pour ce que j’ai fait à Waam - et à Watson par le passé -, de l’orgueil lorsque j’observe mes possessions matérielles et l’étendue des connaissances accumulées… mais surtout une profonde tristesse lorsque je scrute le regard que me renvoient les éclats de miroir du Dispensaire.
Olikotora n’a pas tort en un sens : la vie vaut la peine qu’on se batte pour elle. Même cloisonnés en Chernarus, coincés dans cette cage froide et austère, poursuivis par des lames venues d’autres planètes, observés et placés ici-bas comme sur un échiquier par des êtres ou des choses dont nous ne savons rien, la vie reste un cadeau qu’il serait sage de ne pas négliger.
Mais il faut parfois lâcher prise et savoir se dérober à cet appel. Ici plus qu’ailleurs, la vie a pris une tournure malsaine. Elle n’est que fange et poussière, de la boue que des hommes comme Watson ont cependant transmuté en or. Pour que cette réaction ait lieu cependant, une étincelle est nécessaire. Sans elle, la chair froide se décompose, l’esprit s’envole pour hanter un nouveau corps et le cycle recommence. Mais c’est toujours la vie : la boucle est bouclée, le point de départ est le point d’arrivée, le train repart pour un nouveau voyage. Qu’en est-il de ce qui n’a jamais vécu cependant ? Une âme peut-elle être fragmentée, modifiée, modelée dans un but précis ? Une conscience peut-elle être crée de toute pièce, placée dans un corps pour lui permettre de se tenir debout et d’agir ? La mort est belle aussi, et sans elle, la vie n’existe pas. Qu’en serait-il si les deux plongeaient ensemble dans l’inconnu, se laissaient glisser dans les bras l’une de l’autre comme deux amantes enfin réunies ?
- Realder
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The Longer Road: Dans les Sables de l’Anauroch, Nemesis veille sur les Mémoires d’un Héros Disparu.
Dim 13 Aoû - 14:36
The Longer Road: Dans les Sables de l’Anauroch, Nemesis veille sur les Mémoires d’un Héros Disparu.
Encore une fois, je profite de la quiétude de ces bois austères pour disséminer mes pensées dans ce clair-obscur, les immerger dans cette onde silencieuse que seul le bruit du vent et le mouvement des branches vient troubler. Le crépuscule : ce moment où tout s’arrête, comme si la matière gorgée de lumière retenait son souffle dans l’attente de la Longue Nuit, la dernière, celle dont personne ne se réveille jamais.
Ce sont ces instants que je préfère, les seuls qui me permettent d’oublier mes préoccupations lorsque je suis seule, en tête-à-tête avec moi-même. Ici-même, en cet instant précis, je pourrais choisir de tout effacer, de tout abandonner. D’un côté, la Brume, la Plaine Infinie, La Rouille dévoreuse d’âmes m’appelle, et ses volutes m’enveloppent comme une couverture de soie – douce étreinte à laquelle je succomberais volontiers. De l’autre, Chernarus, une contrée verdoyante dont la plupart des terres sont encore vierges de pas humains, une région qui a encore tant à offrir pour celui qui souhaite disposer d’une seconde chance, pour celui qui désire changer de vie. Dans un cas comme dans l’autre, j’y trouverai le repos que je recherche tant. Fran Icesinger est fatiguée de lutter contre des ennemis invisibles, épuisée de se battre contre le vent, exténuée de chasser des chimères. Son passé lui a été volé, son présent n’est qu’une boucle, un circuit sans fin hérissé d’épines. Quant à son avenir, il n’existe plus – plus depuis qu’elle a foulé pour la première fois le sol de l’Île des Morts.
Mais ça n’a plus d’importance désormais. Parce que Frannie est morte il y a longtemps déjà. C’est au sommet de ces marches de béton froid qu’elle a véritablement choisi de s’abandonner dans mon essence, d’embrasser le rôle d’une Arpenteuse plutôt que la vie qu’elle pensait avoir mené. Ce n’est qu’en doutant de tout, même de sa propre réalité qu’elle est devenue ce que je suis, ce que nous étions depuis le départ – et même auparavant.
Je suis Fran Icesinger, je suis Frisca. Voici mon identité, celle que je me suis donnée du moins, et c’est bien là ma seule certitude. La voie que suit mon âme va peut-être à l’encontre du Bien Commun, de la Nature et des Règles du Multivers. Je n’en ai cure. Parce que telle est ma volonté, parce que c’est ce que je suis, ce que je décide d’être. Peu importe les détours que je prendrai, peu importe ce qu’il en adviendra, je n’envisage cette-fois-ci que deux possibilités : mon anéantissement, plus que probable, ou l’atteinte de mes objectifs, bons ou mauvais. Mon échec ou ma réussite. Mes buts ne sont pas louables comme pourraient l’être ceux de Waam ou d’Oliko. Je ne recherche finalement qu’une sorte de satisfaction personnelle, j’en suis bien consciente. Je grimperai sur une montagne de cadavres, je précipiterai un Plan tout entier dans la Masse Vitreuse des Origines s'il le fallait. Le Chaos n'existe pas pour celui qui parvient à le dompter. Et si je réussis à reconstruire la Réalité que je vois au plus profond de mes rêves, tout ça n'aura plus d'importance: les Arpenteurs, j'ose l'espérer, feront en sorte de réparer les dégâts, d'effacer toute trace de ce cauchemar au sein duquel nous sommes coincés. Rohiro retrouvera la personne qu'il cherche, Watson sera de nouveau réuni avec Ana. Gitanos récupèrera son frère disparu. Chacun d'entre nous retrouvera son passé ou sera libre de choisir une nouvelle voie. Les barrières qui nous retiennent ici seront brisées.
Si vive! Je pourrai presque entendre la voix de Waam tenter de m'expliquer encore une fois mon erreur. Aux termes d'une longue et âpre discussion avec elle, il y a environ deux jours, elle m'a annoncé avoir finalement choisi de me laisser en paix dans le Nord. A l'en croire, je ne dois plus craindre de trouver des traces de son passage là-bas. Sans doute a-t-elle finalement jeté l'éponge, accepté le fait que je n'étais pas celle qu'elle croyait. Je suis sincèrement désolée de lui avoir laissé miroiter le contraire. Ce n'est pas grave: si tout se passe comme elle l'avait indiqué par le passé, son temps en Chernarus est compté, non pas en mois, non pas en semaines, mais en jours - voire en heures. J'aurais tenu ma promesse: à l'heure où j'écris ces lignes, il ne me reste plus qu'un seul Dorro ou un seul Ulodo à récupérer. Je suis une bien piètre amie mais je ne crois pas me tromper en affirmant que je suis loyale et efficace dans mes réalisations. Une fois que j'aurai récupéré le dernier, je n'aurai plus à me soucier de Fragment d'Etoile. A moins qu'elle choisisse de demeurer ici ou de me permettre de parlementer avec les siens, elle fait déjà partie de mon passé. Mon regard est déjà braqué vers d'autres horizons.
Rohiro Takesha. Un homme mystérieux, rongé par le doute - tout comme moi - qui aurait peut-être un plan, un début de solution concret pour nous faire sortir d'ici. Il s'agit à n'en pas douter d'un génie dans son domaine, au même titre qu'Olikotora. Là où le docteur Watson a choisi d'étudier la chaude et vibrante essence du vivant, Maître Takesha a préféré s'immerger au sein de la froide logique de l'informatique, dans les méandres des appareils interconnectés et de la communication. Le doute n'est plus possible à ce niveau: ces deux avatars du savoir sont destinés à se rencontrer. L'avenir seul me dira s'ils sont capables de travailler ensemble et de parvenir à une solution. Ils n'ont pas la condescendance de Waam, aussi ai-je bon espoir. J'aimerais les aider et faire autre chose que simplement les surveiller, mais j'ai moi-même choisi de me plier à certaines... restrictions... et je doute d'avoir les connaissances nécessaires à la réalisation de ces potentiels travaux.
Je n'entrerai pas dans les détails, de peur d'en dire trop. Ce que m'a appris Rohiro est enregistré dans un coin de mon cerveau, enterré sous les strates de mes pensées tumultueuses. Je sais ce dont il a besoin et j'ai déjà commencé à œuvrer dans son sens, tout comme je l'ai fait pour Waam. Cette fois-ci cependant, je n'ai pas à faire à un Gardien Cosmique, à un protecteur du Multivers ou que sais-je encore. Je ne suis donc muselée par aucune règle, aucun avis. Un rayon d'espoir ne serait-il pas en train de percer ces nuages noirs ?
Je m'autorise pour cette fois à imaginer autre chose que des Cendres. Sentez-vous cette odeur? C'est la Liberté.
Encore une fois, je profite de la quiétude de ces bois austères pour disséminer mes pensées dans ce clair-obscur, les immerger dans cette onde silencieuse que seul le bruit du vent et le mouvement des branches vient troubler. Le crépuscule : ce moment où tout s’arrête, comme si la matière gorgée de lumière retenait son souffle dans l’attente de la Longue Nuit, la dernière, celle dont personne ne se réveille jamais.
Ce sont ces instants que je préfère, les seuls qui me permettent d’oublier mes préoccupations lorsque je suis seule, en tête-à-tête avec moi-même. Ici-même, en cet instant précis, je pourrais choisir de tout effacer, de tout abandonner. D’un côté, la Brume, la Plaine Infinie, La Rouille dévoreuse d’âmes m’appelle, et ses volutes m’enveloppent comme une couverture de soie – douce étreinte à laquelle je succomberais volontiers. De l’autre, Chernarus, une contrée verdoyante dont la plupart des terres sont encore vierges de pas humains, une région qui a encore tant à offrir pour celui qui souhaite disposer d’une seconde chance, pour celui qui désire changer de vie. Dans un cas comme dans l’autre, j’y trouverai le repos que je recherche tant. Fran Icesinger est fatiguée de lutter contre des ennemis invisibles, épuisée de se battre contre le vent, exténuée de chasser des chimères. Son passé lui a été volé, son présent n’est qu’une boucle, un circuit sans fin hérissé d’épines. Quant à son avenir, il n’existe plus – plus depuis qu’elle a foulé pour la première fois le sol de l’Île des Morts.
Mais ça n’a plus d’importance désormais. Parce que Frannie est morte il y a longtemps déjà. C’est au sommet de ces marches de béton froid qu’elle a véritablement choisi de s’abandonner dans mon essence, d’embrasser le rôle d’une Arpenteuse plutôt que la vie qu’elle pensait avoir mené. Ce n’est qu’en doutant de tout, même de sa propre réalité qu’elle est devenue ce que je suis, ce que nous étions depuis le départ – et même auparavant.
Je suis Fran Icesinger, je suis Frisca. Voici mon identité, celle que je me suis donnée du moins, et c’est bien là ma seule certitude. La voie que suit mon âme va peut-être à l’encontre du Bien Commun, de la Nature et des Règles du Multivers. Je n’en ai cure. Parce que telle est ma volonté, parce que c’est ce que je suis, ce que je décide d’être. Peu importe les détours que je prendrai, peu importe ce qu’il en adviendra, je n’envisage cette-fois-ci que deux possibilités : mon anéantissement, plus que probable, ou l’atteinte de mes objectifs, bons ou mauvais. Mon échec ou ma réussite. Mes buts ne sont pas louables comme pourraient l’être ceux de Waam ou d’Oliko. Je ne recherche finalement qu’une sorte de satisfaction personnelle, j’en suis bien consciente. Je grimperai sur une montagne de cadavres, je précipiterai un Plan tout entier dans la Masse Vitreuse des Origines s'il le fallait. Le Chaos n'existe pas pour celui qui parvient à le dompter. Et si je réussis à reconstruire la Réalité que je vois au plus profond de mes rêves, tout ça n'aura plus d'importance: les Arpenteurs, j'ose l'espérer, feront en sorte de réparer les dégâts, d'effacer toute trace de ce cauchemar au sein duquel nous sommes coincés. Rohiro retrouvera la personne qu'il cherche, Watson sera de nouveau réuni avec Ana. Gitanos récupèrera son frère disparu. Chacun d'entre nous retrouvera son passé ou sera libre de choisir une nouvelle voie. Les barrières qui nous retiennent ici seront brisées.
Si vive! Je pourrai presque entendre la voix de Waam tenter de m'expliquer encore une fois mon erreur. Aux termes d'une longue et âpre discussion avec elle, il y a environ deux jours, elle m'a annoncé avoir finalement choisi de me laisser en paix dans le Nord. A l'en croire, je ne dois plus craindre de trouver des traces de son passage là-bas. Sans doute a-t-elle finalement jeté l'éponge, accepté le fait que je n'étais pas celle qu'elle croyait. Je suis sincèrement désolée de lui avoir laissé miroiter le contraire. Ce n'est pas grave: si tout se passe comme elle l'avait indiqué par le passé, son temps en Chernarus est compté, non pas en mois, non pas en semaines, mais en jours - voire en heures. J'aurais tenu ma promesse: à l'heure où j'écris ces lignes, il ne me reste plus qu'un seul Dorro ou un seul Ulodo à récupérer. Je suis une bien piètre amie mais je ne crois pas me tromper en affirmant que je suis loyale et efficace dans mes réalisations. Une fois que j'aurai récupéré le dernier, je n'aurai plus à me soucier de Fragment d'Etoile. A moins qu'elle choisisse de demeurer ici ou de me permettre de parlementer avec les siens, elle fait déjà partie de mon passé. Mon regard est déjà braqué vers d'autres horizons.
Rohiro Takesha. Un homme mystérieux, rongé par le doute - tout comme moi - qui aurait peut-être un plan, un début de solution concret pour nous faire sortir d'ici. Il s'agit à n'en pas douter d'un génie dans son domaine, au même titre qu'Olikotora. Là où le docteur Watson a choisi d'étudier la chaude et vibrante essence du vivant, Maître Takesha a préféré s'immerger au sein de la froide logique de l'informatique, dans les méandres des appareils interconnectés et de la communication. Le doute n'est plus possible à ce niveau: ces deux avatars du savoir sont destinés à se rencontrer. L'avenir seul me dira s'ils sont capables de travailler ensemble et de parvenir à une solution. Ils n'ont pas la condescendance de Waam, aussi ai-je bon espoir. J'aimerais les aider et faire autre chose que simplement les surveiller, mais j'ai moi-même choisi de me plier à certaines... restrictions... et je doute d'avoir les connaissances nécessaires à la réalisation de ces potentiels travaux.
Je n'entrerai pas dans les détails, de peur d'en dire trop. Ce que m'a appris Rohiro est enregistré dans un coin de mon cerveau, enterré sous les strates de mes pensées tumultueuses. Je sais ce dont il a besoin et j'ai déjà commencé à œuvrer dans son sens, tout comme je l'ai fait pour Waam. Cette fois-ci cependant, je n'ai pas à faire à un Gardien Cosmique, à un protecteur du Multivers ou que sais-je encore. Je ne suis donc muselée par aucune règle, aucun avis. Un rayon d'espoir ne serait-il pas en train de percer ces nuages noirs ?
Je m'autorise pour cette fois à imaginer autre chose que des Cendres. Sentez-vous cette odeur? C'est la Liberté.
- Jameson Arkeley
- Messages : 10
Re: Disruption: Les Noirs Ecrits de Fran Icesinger alias Frisca
Lun 21 Aoû - 13:44
- Spoiler:
- Eh bien j'en ai mis du temps. Mais j'aime beaucoup ! Il serait vraiment intéréssant, si tu as lu mes rp, que Jameson et Frisca se rencontre.
L'une, consciente d'être sous l'influence de force qui nous dépasse, cet univers presque lovecraftiens qui me plait énormément, et l'autre, ancré dans une réalité où le rêve et le surnaturel n'a pas sa place, désabusé et prêt à perdre un bras pour survivre (en même temps il n'a pas encore subit ce fameux phénomène de la plage)
- Realder
- Messages : 182
The Longer Road: Des Ruines de son Paradis Brisé, le Regard de Kamoran s’est perdu une Dernière fois dans les Etoiles.
Mer 23 Aoû - 23:31
The Longer Road: Des Ruines de son Paradis Brisé, le Regard de Kamoran s’est perdu une Dernière fois dans les Etoiles.
Je n’ai pas repris ma plume depuis quelques temps. Trop de choses à faire sans doute, bien que je sache déjà qu’il ne s’agit que d’excuses, des mensonges que je me raconte à moi-même pour ne pas accepter la réalité. L’installation de mon troisième point de chute - à Vybor cette fois-ci - m’a néanmoins pris plus de temps que prévu, et pour cause : c’est l’ensemble de ma bibliothèque que j’ai dû déplacer de Frontière d’Acier jusqu’à là-bas et tout un dépôt d’armes en tout genre que j’ai érigé à partir de rien. Mais je ne crois pas me tromper en affirmant que ça en valait la peine : peu à peu, que ce soit en vendant la mort à ceux qui acceptent de l’acheter ou en m’immergeant au sein de mes lectures, je fais mon nid au sein de cette petite communauté qui se construit en douceur. Cela me rappelle quelque peu Rive-bois, à l’époque où les survivants étaient encore nombreux à parcourir la campagne de Chernarus. C’est à croire qu’ils se sont tous échappés avant moi. Mais je ne suis pas dupe : personne n’est sorti d’ici de son propre fait. Certains se terrent peut-être quelque part, loin de tout, au fond des bois ou dans une cave à l’abri des regards. Les autres font probablement partie du Néant désormais, et d’une certaine manière, ce sont eux les plus malins. Ce que je ne parviens pas à expliquer, c’est qu’il en apparait toujours de nouveaux et que certains que l’on pensait perdus depuis longtemps finissent par revenir comme si de rien n’était. Et pour une fois, je ne m’en plaindrai pas.
Parce que l’un de ces revenants n’est autre que Yungvarr Ironbear, l’homme qui a choisi de redonner à Vybor sa gloire d’antan, l’homme qui m’a tendu la main par le passé, l’un des seuls à m’avoir connue sans me trahir, un être solide, droit et dont j’ai beaucoup appris. Je dois bien l’avouer, je me suis surprise à penser à autre chose qu’à mes soucis lorsque je l’ai croisé, dialoguant avec l’un de ces nouveaux-venus, un ancien major de l’armée française, Stiven Downie. Yungvarr était là, exposant ses réflexions à ce dernier, discutant de l’avenir de la ville de sa voix flegmatique et posée. Tout comme Oliko, mais pour de toutes autres raisons, je le considère probablement comme un ami, si c’est bien là le qualificatif qu’on donne à ceux auprès de qui la joie n’est pas seulement une illusion.
Je suis bien placée pour savoir que le bonheur est éphémère cela dit. C’est dans notre nature, celle de l’Homme, de penser que des concepts peuvent perdurer à travers le temps. Pour ma part, je suis déjà heureuse d’apprendre qu’il reste bien quelque chose de nous après notre mort. Et je ne parle pas de cette forme d’immortalité propre à Chernarus mais plutôt de la survie de l’âme, de l’esprit qui subsiste au-delà de son enveloppe de chair et d’os. Malgré ce que j’ai vu, malgré les images qui hantent mes rêves et les bribes de mes souvenirs, j’ai toujours un peu de mal à accepter le fait que nous ne soyons pas seulement un tas de matière organique pourrissante, destinée à nourrir une petite planète bleue perdue dans le Macronivers pour donner forme à d’autres corps voués au trépas.
Aussi inaltérable soit notre essence cependant, nous n’en sommes pas moins condamnés à commettre sans cesse les mêmes erreurs. Autant choisir de plonger dans la Brume, tout comme Real’, de se dissoudre dans l’Ether pour en terminer une bonne fois pour toute. Néanmoins, je reste persuadée que cela ne règlerait pas le problème. Il doit exister dans cette Infinité de Possibles, une Réalité au sein de laquelle Chernarus n’est plus qu’un désert dévoré par les rayons, purifié par le Feu Nucléaire - l’œuvre d’une Frisca un peu plus téméraire que celle qui écrit ces lignes actuellement. Mieux encore, il doit en exister une Autre au sein de laquelle Realder n’est jamais parti et travaille de concert avec Watson, Rohiro et… moi-même. Peut-être aurait-il même déjà trouvé une solution et dans ce cas, ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’il ne décide de disloquer un Plan ou deux, simplement pour montrer à des êtres comme Waam que les humains non plus ne doivent pas être pris à la légère, spécialement les plus rancuniers d’entre eux.
Mais je me trompe d’ennemi. Fragment d’Etoile n’y est pour rien et n’est d’ailleurs pas concernée par notre malheur. La seule chose que je pourrai lui reprocher, c’est d’avoir les moyens de jouer en notre faveur et de ne pas les utiliser. Pourquoi le ferait-elle d’ailleurs, puisqu’elle est persuadée que l’Homme ne vaut rien. Même si ce n’était pas le cas, elle refuserait de m’aider, maintenant qu’elle prétend connaitre ma véritable nature. L’affection qu’elle me portait a laissé place à une colère acide qui semble se transformer peu à peu en une froide indifférence teintée de mépris. Une réaction on ne peut plus humaine et somme toute logique, comme j’aurai pu le prévoir. J’espère sincèrement que Waam parviendra à m’oublier; le fait de garder en mémoire des souvenirs douloureux est notre apanage, pas celui de son peuple. Quoiqu’il en soit et malgré tout ce qui s’est passé entre nous, je ne lui dois plus rien. Ma promesse est tenue et j’estime que ma dette est remboursée ; Waam dispose aujourd’hui de tous les Dorros et Ulodos dont elle avait besoin et même d’un surplus que j’étudierai plus en détails si elle ne l’envoie pas chez elle. Elle ne semble cependant pas pressée de rentrer parmi les siens puisque cela fait déjà plus d’une semaine qu’elle aurait pu quitter notre cage. En demeurant ici, à chaque seconde, le risque qu’elle perde tout devient plus important : il suffirait d’un Ouragan de Portail, d’une seule Tempête d’Ether pour que tout ce qui a été construit disparaisse. Retour sur la plage pour tout le monde et remise à zéro générale. Je ne doute pas pour ma part de me retrouver avec quelques feuilles froissées dans les poches - les germes de mes journaux, de ceux de Realder et de Norman Ross, qui grandiront et fleuriront bien vite une fois gorgés d’Ether, l’une des seules choses que les Tempêtes ne parviennent pas à arracher à cette Réalité.
Je ne prétends pas savoir ce qui retient Fragment d’Etoile ici mais je suis certaine en revanche que sa présence ne m’apportera rien de bon. Rien par rapport à mes projets en tout cas. Tant qu’elle hantera ces terres, j’ai peu d’espoirs de pouvoir œuvrer sans craintes. Et j’ai un autre souci. Il n’y a qu’à observer Rohiro la dévorer des yeux pour comprendre qu’il a autre chose en tête que nos objectifs communs en ce moment. Mais qui suis-je pour le juger ? Aujourd’hui, mon cœur n’est peut-être bien qu’un savant mélange de chair et de métal barbelé mais j’aime à penser qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Je ne suis pas idiote, pas à ce point en tout cas : une partie de moi-même est heureuse pour Rohiro Takesha, heureuse de constater que malgré ce qui se passe, la vie peut encore faire feu de tout bois pour éclaircir cette Nuit au sein de laquelle nous sombrons peu à peu. Et pourtant ça ne change rien. C’est trop tard pour moi.
J’ai choisi d’écouter cette petite voix qui m’obsède, qui me susurre à l’oreille les idées les plus noires. Ici, au sein de mes journaux, je n’ai pas à craindre que l’on me juge et quand bien même ce serait le cas, tant mieux. Voici ce que mes doutes et mes peurs ont fait de moi, voilà ce qui reste de l’âme lorsqu’elle s’use et s’épuise à force de tourner en rond dans son bocal. Je prétends ne craindre aucun mal, ne pas être atteinte par quoique ce soit. Ma volonté de vouloir transpercer la Brume n’est pas une finalité, c’est le but auquel je me suis raccrochée pour pouvoir me complaire dans la rage et la souffrance, probablement parce qu’en fin de compte, je ne me sens vraiment vivante que dans la douleur. Mais serai-je véritablement heureuse lorsque les murs de cette prison s’écrouleront ? La Réalité que je désire rejoindre n’est peut-être pas celle qui empoisonne mes rêves finalement. Aurai-je le courage de m’arrêter une fois ces remparts abattus ?
Parce que l’un de ces revenants n’est autre que Yungvarr Ironbear, l’homme qui a choisi de redonner à Vybor sa gloire d’antan, l’homme qui m’a tendu la main par le passé, l’un des seuls à m’avoir connue sans me trahir, un être solide, droit et dont j’ai beaucoup appris. Je dois bien l’avouer, je me suis surprise à penser à autre chose qu’à mes soucis lorsque je l’ai croisé, dialoguant avec l’un de ces nouveaux-venus, un ancien major de l’armée française, Stiven Downie. Yungvarr était là, exposant ses réflexions à ce dernier, discutant de l’avenir de la ville de sa voix flegmatique et posée. Tout comme Oliko, mais pour de toutes autres raisons, je le considère probablement comme un ami, si c’est bien là le qualificatif qu’on donne à ceux auprès de qui la joie n’est pas seulement une illusion.
Je suis bien placée pour savoir que le bonheur est éphémère cela dit. C’est dans notre nature, celle de l’Homme, de penser que des concepts peuvent perdurer à travers le temps. Pour ma part, je suis déjà heureuse d’apprendre qu’il reste bien quelque chose de nous après notre mort. Et je ne parle pas de cette forme d’immortalité propre à Chernarus mais plutôt de la survie de l’âme, de l’esprit qui subsiste au-delà de son enveloppe de chair et d’os. Malgré ce que j’ai vu, malgré les images qui hantent mes rêves et les bribes de mes souvenirs, j’ai toujours un peu de mal à accepter le fait que nous ne soyons pas seulement un tas de matière organique pourrissante, destinée à nourrir une petite planète bleue perdue dans le Macronivers pour donner forme à d’autres corps voués au trépas.
Aussi inaltérable soit notre essence cependant, nous n’en sommes pas moins condamnés à commettre sans cesse les mêmes erreurs. Autant choisir de plonger dans la Brume, tout comme Real’, de se dissoudre dans l’Ether pour en terminer une bonne fois pour toute. Néanmoins, je reste persuadée que cela ne règlerait pas le problème. Il doit exister dans cette Infinité de Possibles, une Réalité au sein de laquelle Chernarus n’est plus qu’un désert dévoré par les rayons, purifié par le Feu Nucléaire - l’œuvre d’une Frisca un peu plus téméraire que celle qui écrit ces lignes actuellement. Mieux encore, il doit en exister une Autre au sein de laquelle Realder n’est jamais parti et travaille de concert avec Watson, Rohiro et… moi-même. Peut-être aurait-il même déjà trouvé une solution et dans ce cas, ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’il ne décide de disloquer un Plan ou deux, simplement pour montrer à des êtres comme Waam que les humains non plus ne doivent pas être pris à la légère, spécialement les plus rancuniers d’entre eux.
Mais je me trompe d’ennemi. Fragment d’Etoile n’y est pour rien et n’est d’ailleurs pas concernée par notre malheur. La seule chose que je pourrai lui reprocher, c’est d’avoir les moyens de jouer en notre faveur et de ne pas les utiliser. Pourquoi le ferait-elle d’ailleurs, puisqu’elle est persuadée que l’Homme ne vaut rien. Même si ce n’était pas le cas, elle refuserait de m’aider, maintenant qu’elle prétend connaitre ma véritable nature. L’affection qu’elle me portait a laissé place à une colère acide qui semble se transformer peu à peu en une froide indifférence teintée de mépris. Une réaction on ne peut plus humaine et somme toute logique, comme j’aurai pu le prévoir. J’espère sincèrement que Waam parviendra à m’oublier; le fait de garder en mémoire des souvenirs douloureux est notre apanage, pas celui de son peuple. Quoiqu’il en soit et malgré tout ce qui s’est passé entre nous, je ne lui dois plus rien. Ma promesse est tenue et j’estime que ma dette est remboursée ; Waam dispose aujourd’hui de tous les Dorros et Ulodos dont elle avait besoin et même d’un surplus que j’étudierai plus en détails si elle ne l’envoie pas chez elle. Elle ne semble cependant pas pressée de rentrer parmi les siens puisque cela fait déjà plus d’une semaine qu’elle aurait pu quitter notre cage. En demeurant ici, à chaque seconde, le risque qu’elle perde tout devient plus important : il suffirait d’un Ouragan de Portail, d’une seule Tempête d’Ether pour que tout ce qui a été construit disparaisse. Retour sur la plage pour tout le monde et remise à zéro générale. Je ne doute pas pour ma part de me retrouver avec quelques feuilles froissées dans les poches - les germes de mes journaux, de ceux de Realder et de Norman Ross, qui grandiront et fleuriront bien vite une fois gorgés d’Ether, l’une des seules choses que les Tempêtes ne parviennent pas à arracher à cette Réalité.
Je ne prétends pas savoir ce qui retient Fragment d’Etoile ici mais je suis certaine en revanche que sa présence ne m’apportera rien de bon. Rien par rapport à mes projets en tout cas. Tant qu’elle hantera ces terres, j’ai peu d’espoirs de pouvoir œuvrer sans craintes. Et j’ai un autre souci. Il n’y a qu’à observer Rohiro la dévorer des yeux pour comprendre qu’il a autre chose en tête que nos objectifs communs en ce moment. Mais qui suis-je pour le juger ? Aujourd’hui, mon cœur n’est peut-être bien qu’un savant mélange de chair et de métal barbelé mais j’aime à penser qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Je ne suis pas idiote, pas à ce point en tout cas : une partie de moi-même est heureuse pour Rohiro Takesha, heureuse de constater que malgré ce qui se passe, la vie peut encore faire feu de tout bois pour éclaircir cette Nuit au sein de laquelle nous sombrons peu à peu. Et pourtant ça ne change rien. C’est trop tard pour moi.
J’ai choisi d’écouter cette petite voix qui m’obsède, qui me susurre à l’oreille les idées les plus noires. Ici, au sein de mes journaux, je n’ai pas à craindre que l’on me juge et quand bien même ce serait le cas, tant mieux. Voici ce que mes doutes et mes peurs ont fait de moi, voilà ce qui reste de l’âme lorsqu’elle s’use et s’épuise à force de tourner en rond dans son bocal. Je prétends ne craindre aucun mal, ne pas être atteinte par quoique ce soit. Ma volonté de vouloir transpercer la Brume n’est pas une finalité, c’est le but auquel je me suis raccrochée pour pouvoir me complaire dans la rage et la souffrance, probablement parce qu’en fin de compte, je ne me sens vraiment vivante que dans la douleur. Mais serai-je véritablement heureuse lorsque les murs de cette prison s’écrouleront ? La Réalité que je désire rejoindre n’est peut-être pas celle qui empoisonne mes rêves finalement. Aurai-je le courage de m’arrêter une fois ces remparts abattus ?
- Realder
- Messages : 182
The Longer Road: Realder y voyait Les Champs Rouges de Personne, L’Oiseau en Cage et La Princesse Disparue. Et vous, qu’observez-vous dans les Etoiles ?
Mer 30 Aoû - 21:49
The Longer Road: Realder y voyait Les Champs Rouges de Personne, L’Oiseau en Cage et La Princesse Disparue. Et vous, qu’observez-vous dans les Étoiles ?
Olikotora a raison. Plus rien n’avance… ou si peu. Notre objectif premier est comme bloqué, mis en suspens. Pourtant, d’autres questions nous taraudent l’un comme l’autre, et sans aucun doute pourrions-nous répondre à la plupart d’entre elles. Mais elles n’ont pas la même saveur que la quête que nous avons choisie.
Watson n’a pas ma patience. Il ne sera sans doute pas capable d’attendre encore très longtemps avant de faire quelque chose d’inconsidéré, j’ai eu l’occasion de m’en apercevoir lorsque Waam et lui se sont retrouvés ensemble dans la même pièce – le petit chalet au sein duquel j’ai élu domicile à Vybor. Olikotora était à deux doigts de donner à la guerrière tombée du ciel un ticket pour Chernarus-plage. Nous n’avons pas beaucoup parlé de cette altercation par la suite, peut-être parce que ce n’était tout simplement pas le moment. Waam doit se douter que je n’aurai pas empêché Watson d’appuyer sur la détente. Après tout, nous avons tous deux les mêmes griefs contre elle, bien que je comprenne une certaine partie de son raisonnement. Comprendre quelque chose ne veut pas dire l’accepter cependant, et il est bien entendu que je n’ai que faire de l’avis de Fragment d’Etoile. Ses paroles pourraient paraître sages aux oreilles des plus crédules mais il n’en est rien. Elle prétend ne pas vouloir se mêler des affaires des humains, qu’elle considère comme de vulgaires poissons rouges dénués d’entendement. Ce discours, je le crains, n’est qu’à moitié vrai. Si notre sort lui importait si peu, elle aurait très bien pu choisir de nous aider à démolir la porte du bunker de Tisy afin d’accéder au Tunnel et à tous les jolis pétards qui s’y trouvent peut-être. Mais elle ne l’a pas fait. Pas plus qu’elle n’a aidé Oliko à comprendre le fonctionnement de l’antenne radar, pas plus qu’elle n’a tenté de contacter ses supérieurs.
Parce qu’elle a peur. Peur de leur dire que sa mission est un succès. Cela signifierait pour elle un retour à la maison, un effacement de tout ou partie de ses souvenirs et une nouvelle affectation. Et elle ne le souhaite pas. Il est également possible qu’elle ait une autre raison… Une seconde mission, qu’elle nous aurait cachée depuis le début ? Parfois, pour tenter de cerner une personne, je joue à un petit jeu. J’envisage le pire. Quel but odieux et atroce Waam pourrait-elle bien servir ? La destruction de l’espèce humaine ? Non. Non seulement ce serait donner trop de crédit aux humains, mais ce serait même probablement leur offrir la libération.
Voici la pensée qui peut parfois émerger de l’esprit retors d’une fille qu’on a trop souvent considéré comme un jouet et dont on s’est trop souvent servi: Pourquoi Waam et les siens ne seraient-ils pas finalement la cause de nos malheurs ? Le piège serait terriblement bien pensé : enfermés dans ce Cloaque, Fragment d’Etoile est envoyée ici pour nous surveiller, récupérer de précieuses informations concernant notre espèce et prendre des notes. Elle est peut-être notre Fléau, une créature qu’on ne peut ni tuer, ni torturer ni manipuler, la gardienne de prison parfaite, dénuée d’émotions derrière son masque de blonde extravertie. Les créateurs des Dorros et Ulodos eux-mêmes ne sont peut-être qu’une invention, à moins qu’ils tentent depuis le début de nous sortir d’ici… Il n’y a qu’un détail qui m’empêche de croire à cette hypothèse que mon esprit malade a échafaudé : Waam m’a proposé de la suivre par le passé, et j’ai refusé.
Je n’ai que très rarement ressenti la peur, la vraie.
Du fond de mes rêves, de mes vies passées ou de mes « moi » alternatifs, j’ai l’impression d’avoir tout vu, tout fait, d’avoir abattu à force d’efforts tous les obstacles qui se dressaient sur mon chemin, que ce soit seule ou avec l’aide des Arpenteurs, sans jamais vraiment comprendre ou ressentir quoique ce soit. Le sol sur lequel j’ai laissé ma trace aux cotés de Realder est gorgé de larmes, vallonné par les corps des dracosires que les Arpenteurs ont fait chuter de leurs aires. Un navire pourrait voguer sur le sang qu’ils ont - que nous avons - versé à travers le Multivers, toujours sous prétexte de le rendre meilleur.
Nous nous mentions à nous-même et je ne suis même pas certaine que notre vieille casserole rouillée puisse nous sortir d’ici aujourd’hui. Le Hochet des Frivolités blesse si profondément l’Ether… Pensions-nous vraiment dompter le Grand Vide, être les seuls à nous en servir à notre guise ? Comment avons-nous pu être si aveugles ?
Le Café des Arpenteurs ne me réconfortera pas ce soir, j’en suis persuadée. Aucun remède ne peut guérir ce sentiment. Je suis terrifiée.
Watson n’a pas ma patience. Il ne sera sans doute pas capable d’attendre encore très longtemps avant de faire quelque chose d’inconsidéré, j’ai eu l’occasion de m’en apercevoir lorsque Waam et lui se sont retrouvés ensemble dans la même pièce – le petit chalet au sein duquel j’ai élu domicile à Vybor. Olikotora était à deux doigts de donner à la guerrière tombée du ciel un ticket pour Chernarus-plage. Nous n’avons pas beaucoup parlé de cette altercation par la suite, peut-être parce que ce n’était tout simplement pas le moment. Waam doit se douter que je n’aurai pas empêché Watson d’appuyer sur la détente. Après tout, nous avons tous deux les mêmes griefs contre elle, bien que je comprenne une certaine partie de son raisonnement. Comprendre quelque chose ne veut pas dire l’accepter cependant, et il est bien entendu que je n’ai que faire de l’avis de Fragment d’Etoile. Ses paroles pourraient paraître sages aux oreilles des plus crédules mais il n’en est rien. Elle prétend ne pas vouloir se mêler des affaires des humains, qu’elle considère comme de vulgaires poissons rouges dénués d’entendement. Ce discours, je le crains, n’est qu’à moitié vrai. Si notre sort lui importait si peu, elle aurait très bien pu choisir de nous aider à démolir la porte du bunker de Tisy afin d’accéder au Tunnel et à tous les jolis pétards qui s’y trouvent peut-être. Mais elle ne l’a pas fait. Pas plus qu’elle n’a aidé Oliko à comprendre le fonctionnement de l’antenne radar, pas plus qu’elle n’a tenté de contacter ses supérieurs.
Parce qu’elle a peur. Peur de leur dire que sa mission est un succès. Cela signifierait pour elle un retour à la maison, un effacement de tout ou partie de ses souvenirs et une nouvelle affectation. Et elle ne le souhaite pas. Il est également possible qu’elle ait une autre raison… Une seconde mission, qu’elle nous aurait cachée depuis le début ? Parfois, pour tenter de cerner une personne, je joue à un petit jeu. J’envisage le pire. Quel but odieux et atroce Waam pourrait-elle bien servir ? La destruction de l’espèce humaine ? Non. Non seulement ce serait donner trop de crédit aux humains, mais ce serait même probablement leur offrir la libération.
Voici la pensée qui peut parfois émerger de l’esprit retors d’une fille qu’on a trop souvent considéré comme un jouet et dont on s’est trop souvent servi: Pourquoi Waam et les siens ne seraient-ils pas finalement la cause de nos malheurs ? Le piège serait terriblement bien pensé : enfermés dans ce Cloaque, Fragment d’Etoile est envoyée ici pour nous surveiller, récupérer de précieuses informations concernant notre espèce et prendre des notes. Elle est peut-être notre Fléau, une créature qu’on ne peut ni tuer, ni torturer ni manipuler, la gardienne de prison parfaite, dénuée d’émotions derrière son masque de blonde extravertie. Les créateurs des Dorros et Ulodos eux-mêmes ne sont peut-être qu’une invention, à moins qu’ils tentent depuis le début de nous sortir d’ici… Il n’y a qu’un détail qui m’empêche de croire à cette hypothèse que mon esprit malade a échafaudé : Waam m’a proposé de la suivre par le passé, et j’ai refusé.
Je n’ai que très rarement ressenti la peur, la vraie.
Du fond de mes rêves, de mes vies passées ou de mes « moi » alternatifs, j’ai l’impression d’avoir tout vu, tout fait, d’avoir abattu à force d’efforts tous les obstacles qui se dressaient sur mon chemin, que ce soit seule ou avec l’aide des Arpenteurs, sans jamais vraiment comprendre ou ressentir quoique ce soit. Le sol sur lequel j’ai laissé ma trace aux cotés de Realder est gorgé de larmes, vallonné par les corps des dracosires que les Arpenteurs ont fait chuter de leurs aires. Un navire pourrait voguer sur le sang qu’ils ont - que nous avons - versé à travers le Multivers, toujours sous prétexte de le rendre meilleur.
Nous nous mentions à nous-même et je ne suis même pas certaine que notre vieille casserole rouillée puisse nous sortir d’ici aujourd’hui. Le Hochet des Frivolités blesse si profondément l’Ether… Pensions-nous vraiment dompter le Grand Vide, être les seuls à nous en servir à notre guise ? Comment avons-nous pu être si aveugles ?
Le Café des Arpenteurs ne me réconfortera pas ce soir, j’en suis persuadée. Aucun remède ne peut guérir ce sentiment. Je suis terrifiée.
- Realder
- Messages : 182
The Longer Road: Au Sommet de la Haute Tour de Fer, Bortak, Sarevok et Necratim contemplent les Fragments du Passé.
Mer 6 Sep - 22:53
The Longer Road: Au Sommet de la Haute Tour de Fer, Bortak, Sarevok et Necratim contemplent les Fragments du Passé.
Nova Astroska est revenu(e). Un grain de sable de plus au sein de la machinerie, une petite miette d’espace et de temps que je ne puis retirer de l’équation. C’est une âme perdue, tout comme la mienne, qui occupe désormais un corps relativement semblable au mien. Je parlerai de Nova au féminin puisque sa forme physique est à présent celle d’une sculpture d’ivoire aux cheveux de jais. Aussi éclatante et désirable soit sa beauté cependant, elle a quelque chose de triste ; Nova porte bien son nom, qui lui sied bien mieux qu’auparavant. Aucune vie ne l’habite, le brasier ardent qui devrait la consumer est aujourd’hui silencieux. Sa nature est ainsi faite : son cœur a cessé de battre, tout comme le noyau d’une étoile morte.
J’accepterai Nova telle qu’elle est, mais je ne succomberai pas une seconde fois à son sanglant appel cependant. Afin de faire face aux évènements présents et futurs, j’ai besoin de garder l’esprit clair et ce n’est pas en trompant la Mort de cette manière que j’y parviendrai. Je ne suis même pas certaine que ce soit encore possible de toute façon. Entre le remède qu’Oliko m’a administré il y a déjà bien longtemps et ma propre nature plus que douteuse, je ne pense pas qu’une… transformation complète puisse avoir effectivement lieu. J’en suis confuse et désolée, mais je crains que Nova se trompe lorsqu’elle prétend que je fais encore partie des rangs de la Nuit. Mes pensées aussi sont peuplées de créatures fantastiques et bien que cela puisse encore paraitre puéril, je ne remets pas en cause leur existence. De mes yeux ou au sein de mes songes, j’ai contemplé assez de dragons, de goules et autres légendes pour ne pas être étonnée lorsque je suis confrontée à l’une d’entre elles. Et quand bien même aurais-je été aveugle, ce qui se passe actuellement en Chernarus entamerait probablement le plus terre-à-terre des esprits.
Nova… Elle prétend avoir parcouru la Brume Blanche pendant tout ce temps, à la recherche de mon très cher écrivain. Sa forme intangible l’aurait protégée en partie de la brulure causée par ce brouillard maudit et je dois bien avouer que je suis incapable de me convaincre qu’il s’agit de la vérité. Je sais qu’il est possible de lutter contre la Brume. Pour Realder - et moi-même - une rasade de Café permet de se jouer pendant quelques temps de son fractionnement. Impossible pour nous cependant de garder notre intégrité plus de quelques heures, à moins de disposer de sacs entiers de grains torréfiés. Nova a tenu bien plus longtemps mais malgré ses dires, elle n’en est pas ressortie indemne. Son âme déjà passablement assombrie semble accuser le coup ; elle est devenue plus froide, plus impulsive et probablement plus maligne qu’avant, succombant de ce fait entièrement à sa nature. Et pourtant, c’est un Mal que je connais, contrairement à celui que des êtres venus d’ailleurs sont probablement capable d’engendrer. Je préfère considérer Dame Astroska comme une alliée, un nouveau rempart derrière lequel m’abriter si les choses tournent en ma défaveur. Jusqu’au prochain Ouragan de Portail, qu’un je-ne-sais-quoi dans l’air me dit relativement proche, j’ai de quoi lui permettre d’assouvir ses désirs, en partie du moins. Qu’elle s’amuse à apposer sa marque sanglante sur Chernarus si cela lui chante… Je serai ravie de l’y aider tant que je pourrai compter sur l’effroi qu’elle inspire à ceux et celles qui croisent sa route. La peur engendre le mouvement. Elle pousse parfois ceux qui en sont victimes à commettre des erreurs et les erreurs engendrent le chaos.
Le chaos n’est pas un précipice. Le chaos est une échelle. Nombreux sont ceux qui échouent en tentant de la gravir et qui n’ont plus jamais l’occasion d’essayer. La chute les brise. Et certains ont l’occasion de la gravir, mais s’y refusent ; ils s’accrochent à leur réalité, ou aux Dieux - ou à l’amour. Illusions que tout cela. L’Echelle seule existe. L’Ascension est la seule réalité.
Personne ici-bas ne semble avoir pleinement compris la dualité de notre prison. D’aucuns se battent pour tirer leur épingle du jeu, pour retrouver de chers disparus ou pour satisfaire leurs pulsions, obéissant en cela à leurs plus bas instincts. Ces derniers sont prévisibles, limités dans leur compréhension, ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. D’autres ont une mission à accomplir, un but ou une voie toute tracée qu’ils suivent sans jamais s’en détourner. C’est peut-être le cas d’Olikotora, droit dans ses paroles comme dans ses actions. Celui de Rohiro Takesha et de Stiven Downie aussi. L’un cherche à retrouver une âme, non pour lui-même mais parce qu’il l’a promis. Le second protège, guide et apporte son aide à ceux qui en ont besoin. Ils sont tous les trois des exemples de loyauté sinon de vertu. Peut-être ont-ils une chance de s’en sortir en continuant à suivre leur code de conduite et leur honneur. Je doute pour ma part de parvenir à briser l’Epée de Damoclès qui plane au-dessus de nos têtes en m’encombrant de ces principes.
Le monde au sein duquel nous sommes enfermés n’a aucun avenir, nous y sommes bien trop à l’étroit. Et cette Réalité qui ne devrait pas être la nôtre ne mérite aucun respect. Je le croyais pourtant, il y a encore quelques mois de cela. Mais j’ai fini par me détourner de ces promesses. Nous courons peut-être tous après des chimères mais la première étape de notre périple ne nous amène qu’au croisement de deux voies. La première, la découverte de la raison de notre présence en ces lieux. Après tout, ce n’est que lorsque l’on dispose d’un objectif qu’on est capable d’avancer. Mais il existe un autre chemin, et c’est celui que j’ai choisi de suivre, il n’est nul besoin de le rappeler. Il y a toujours plusieurs solutions face à un problème et l’une d’entre elle consiste à le supprimer, non à le résoudre. Tel est mon but et tel devrait être celui de tous ceux que j’ai rencontré jusqu’alors : trouver un moyen rapide et efficace d’en terminer une bonne fois pour toute.
Les Hommes, les vampires, et même les Umites - sans parler d’autres êtres tombés des étoiles - sont cependant trop égoïstes ou solitaires pour accepter d’œuvrer ensemble, à moins que certains parmi eux n’aient d’autres intérêts qu’ils ne souhaitent pas partager. Si les Arpenteurs - tous sans exceptions - avaient été coincés ici avec moi, nul doute que nous serions déjà sortis, quand bien même auraient-ils été privés de leurs pouvoirs. Mais ce n’est malheureusement pas le cas et je ne peux compter que sur moi-même et sur quelques rares personnes présentes ici à mes côtés.
Ces idées qui reposent à présent sur ces pages, je m’en rends bien compte, sont toujours les mêmes depuis des jours, des semaines… des mois. J’aurai beau les tourner de quelque manière que ce soit, ça n’en est pas moins le même refrain qui apparait encore et encore au sein de mes journaux.
Cela n’a aucune importance. Je continuerai à émousser la lame de cette Réalité, dussé-je y passer l’éternité. Watson, très cher, tu as bien raison sur ce point : je me battrai pour moi. Je ne laisserai pas cette garce me mettre un genou à terre. Je n’abandonnerai jamais.
« Parce que si je ne le fais pas, qui le fera ? »
Nova Astroska est revenu(e). Un grain de sable de plus au sein de la machinerie, une petite miette d’espace et de temps que je ne puis retirer de l’équation. C’est une âme perdue, tout comme la mienne, qui occupe désormais un corps relativement semblable au mien. Je parlerai de Nova au féminin puisque sa forme physique est à présent celle d’une sculpture d’ivoire aux cheveux de jais. Aussi éclatante et désirable soit sa beauté cependant, elle a quelque chose de triste ; Nova porte bien son nom, qui lui sied bien mieux qu’auparavant. Aucune vie ne l’habite, le brasier ardent qui devrait la consumer est aujourd’hui silencieux. Sa nature est ainsi faite : son cœur a cessé de battre, tout comme le noyau d’une étoile morte.
J’accepterai Nova telle qu’elle est, mais je ne succomberai pas une seconde fois à son sanglant appel cependant. Afin de faire face aux évènements présents et futurs, j’ai besoin de garder l’esprit clair et ce n’est pas en trompant la Mort de cette manière que j’y parviendrai. Je ne suis même pas certaine que ce soit encore possible de toute façon. Entre le remède qu’Oliko m’a administré il y a déjà bien longtemps et ma propre nature plus que douteuse, je ne pense pas qu’une… transformation complète puisse avoir effectivement lieu. J’en suis confuse et désolée, mais je crains que Nova se trompe lorsqu’elle prétend que je fais encore partie des rangs de la Nuit. Mes pensées aussi sont peuplées de créatures fantastiques et bien que cela puisse encore paraitre puéril, je ne remets pas en cause leur existence. De mes yeux ou au sein de mes songes, j’ai contemplé assez de dragons, de goules et autres légendes pour ne pas être étonnée lorsque je suis confrontée à l’une d’entre elles. Et quand bien même aurais-je été aveugle, ce qui se passe actuellement en Chernarus entamerait probablement le plus terre-à-terre des esprits.
Nova… Elle prétend avoir parcouru la Brume Blanche pendant tout ce temps, à la recherche de mon très cher écrivain. Sa forme intangible l’aurait protégée en partie de la brulure causée par ce brouillard maudit et je dois bien avouer que je suis incapable de me convaincre qu’il s’agit de la vérité. Je sais qu’il est possible de lutter contre la Brume. Pour Realder - et moi-même - une rasade de Café permet de se jouer pendant quelques temps de son fractionnement. Impossible pour nous cependant de garder notre intégrité plus de quelques heures, à moins de disposer de sacs entiers de grains torréfiés. Nova a tenu bien plus longtemps mais malgré ses dires, elle n’en est pas ressortie indemne. Son âme déjà passablement assombrie semble accuser le coup ; elle est devenue plus froide, plus impulsive et probablement plus maligne qu’avant, succombant de ce fait entièrement à sa nature. Et pourtant, c’est un Mal que je connais, contrairement à celui que des êtres venus d’ailleurs sont probablement capable d’engendrer. Je préfère considérer Dame Astroska comme une alliée, un nouveau rempart derrière lequel m’abriter si les choses tournent en ma défaveur. Jusqu’au prochain Ouragan de Portail, qu’un je-ne-sais-quoi dans l’air me dit relativement proche, j’ai de quoi lui permettre d’assouvir ses désirs, en partie du moins. Qu’elle s’amuse à apposer sa marque sanglante sur Chernarus si cela lui chante… Je serai ravie de l’y aider tant que je pourrai compter sur l’effroi qu’elle inspire à ceux et celles qui croisent sa route. La peur engendre le mouvement. Elle pousse parfois ceux qui en sont victimes à commettre des erreurs et les erreurs engendrent le chaos.
Le chaos n’est pas un précipice. Le chaos est une échelle. Nombreux sont ceux qui échouent en tentant de la gravir et qui n’ont plus jamais l’occasion d’essayer. La chute les brise. Et certains ont l’occasion de la gravir, mais s’y refusent ; ils s’accrochent à leur réalité, ou aux Dieux - ou à l’amour. Illusions que tout cela. L’Echelle seule existe. L’Ascension est la seule réalité.
Personne ici-bas ne semble avoir pleinement compris la dualité de notre prison. D’aucuns se battent pour tirer leur épingle du jeu, pour retrouver de chers disparus ou pour satisfaire leurs pulsions, obéissant en cela à leurs plus bas instincts. Ces derniers sont prévisibles, limités dans leur compréhension, ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. D’autres ont une mission à accomplir, un but ou une voie toute tracée qu’ils suivent sans jamais s’en détourner. C’est peut-être le cas d’Olikotora, droit dans ses paroles comme dans ses actions. Celui de Rohiro Takesha et de Stiven Downie aussi. L’un cherche à retrouver une âme, non pour lui-même mais parce qu’il l’a promis. Le second protège, guide et apporte son aide à ceux qui en ont besoin. Ils sont tous les trois des exemples de loyauté sinon de vertu. Peut-être ont-ils une chance de s’en sortir en continuant à suivre leur code de conduite et leur honneur. Je doute pour ma part de parvenir à briser l’Epée de Damoclès qui plane au-dessus de nos têtes en m’encombrant de ces principes.
Le monde au sein duquel nous sommes enfermés n’a aucun avenir, nous y sommes bien trop à l’étroit. Et cette Réalité qui ne devrait pas être la nôtre ne mérite aucun respect. Je le croyais pourtant, il y a encore quelques mois de cela. Mais j’ai fini par me détourner de ces promesses. Nous courons peut-être tous après des chimères mais la première étape de notre périple ne nous amène qu’au croisement de deux voies. La première, la découverte de la raison de notre présence en ces lieux. Après tout, ce n’est que lorsque l’on dispose d’un objectif qu’on est capable d’avancer. Mais il existe un autre chemin, et c’est celui que j’ai choisi de suivre, il n’est nul besoin de le rappeler. Il y a toujours plusieurs solutions face à un problème et l’une d’entre elle consiste à le supprimer, non à le résoudre. Tel est mon but et tel devrait être celui de tous ceux que j’ai rencontré jusqu’alors : trouver un moyen rapide et efficace d’en terminer une bonne fois pour toute.
Les Hommes, les vampires, et même les Umites - sans parler d’autres êtres tombés des étoiles - sont cependant trop égoïstes ou solitaires pour accepter d’œuvrer ensemble, à moins que certains parmi eux n’aient d’autres intérêts qu’ils ne souhaitent pas partager. Si les Arpenteurs - tous sans exceptions - avaient été coincés ici avec moi, nul doute que nous serions déjà sortis, quand bien même auraient-ils été privés de leurs pouvoirs. Mais ce n’est malheureusement pas le cas et je ne peux compter que sur moi-même et sur quelques rares personnes présentes ici à mes côtés.
Ces idées qui reposent à présent sur ces pages, je m’en rends bien compte, sont toujours les mêmes depuis des jours, des semaines… des mois. J’aurai beau les tourner de quelque manière que ce soit, ça n’en est pas moins le même refrain qui apparait encore et encore au sein de mes journaux.
Cela n’a aucune importance. Je continuerai à émousser la lame de cette Réalité, dussé-je y passer l’éternité. Watson, très cher, tu as bien raison sur ce point : je me battrai pour moi. Je ne laisserai pas cette garce me mettre un genou à terre. Je n’abandonnerai jamais.
« Parce que si je ne le fais pas, qui le fera ? »
- Realder
- Messages : 182
Troisième Chanson: Conundrum
Jeu 14 Sep - 22:18
Troisième Chanson: Conundrum
La Brume est tumultueuse cette nuit. Ses volutes s’entremêlent autour de mon corps, me susurrent de douces paroles, m’invitent à traverser le Voile. « Je te connais » m’assure-t-elle. « Je puis te fournir les réponses que tu cherches, te dévoiler Pourquoi, Quand et Comment. N’as-tu jamais rêvé de faire ployer le Multivers selon ta volonté ? N’as-tu jamais souhaité le contrôler ? » Bien sûr que si.
Mais la Brume ne sait finalement rien de moi ; en vérité, elle n’a d’autre effet que de décupler la nature profonde de ce qui s’en approche ou de ce qui s’y aventure. C’est du moins mon cas et celui de Nova Astroska. Aujourd’hui cependant, je voudrais seulement stopper ces pensées, me plonger dans le silence, faire cesser cet ouragan qui gronde sans répit à l’intérieur de ma tête. Il faut que cela cesse, il faut que ça s’arrête !
Il ne se passe pas un jour sans que j’y pense. Personne en Chernarus ne semble comprendre cette douleur, cette obsession qui fait de moi ce que je suis. Sans elle, je perds ma raison d’être… Et les dernières petites miettes d’espace et de temps qui me permettaient d’assurer ma cohésion risquent de disparaitre d’ici peu. Olikotora est probablement le seul Ami qu’il me reste et le seul lien que j’ai encore avec mon passé. Lorsqu’il s’en sera allé, je n’aurais plus rien à quoi me raccrocher. Mais peut-être est-ce ce qui est prévu depuis le départ. Je me souviens de ma première rencontre avec Watson, il y a de cela bien des lunes, à Enclave de Plomb. Realder venait juste de partir pour ne jamais revenir mais je ne le savais pas encore. Dès lors, nous n’avons cessé de nous suivre mutuellement, même lorsque notre divergence d’opinions nous a fait chavirer dans la colère et l’amertume. Je t’ai aimé Oliko, et c’est peut-être toujours le cas. Là où Realder Descendres était froid et distant, tu t’es révélé chaleureux et bienveillant et tu as encaissé chacune de mes fourberies sans jamais te plaindre. D’autres que toi auraient choisi la vengeance.
Je suis consciente que ni les mots ni les écrits, ni même les vérités ne changeront les choses. Nous savons tous les deux, voire tous les quatre que c’est la seule solution, la seule chance de faire changer le cours de cette Réalité. Quelque chose s’est passé ce soir-là. Olikotora, Rohiro Takesha, Steven Downie et moi-même… Est-ce le hasard qui nous a rassemblé ou la promesse d’un avenir - lumineux ou sombre, quelle importance ? Une cinquième personne manquait-elle à l’appel ? Probablement : la Progéniture de l’Enfer qui nous tient lieu de secrétaire était aux abonnés absents. Et c’est tant mieux. A d’autres de lui expliquer le projet du docteur Watson. Sans doute n’est-ce pas juste et sans doute suis-je aveuglée par ma rage, mais je la tiens en partie pour responsable de ce qui va se dérouler. Waam a toujours prétendu ne pas vouloir se mêler des affaires des humains. Aujourd’hui, elle n’est rien de moins que le bras droit de Yungvarr Ironbear, l’homme à la tête du projet de reconstruction de Vybor, un allié de choix. Ses beaux discours et sa logique sont constellés d’incohérences, de choix douteux et d’excuses vaseuses. Et cependant, la voici qui poursuit sa route, sans un regard pour ceux qui souffrent ici-bas. Son inaction a lancé le compte-à-rebours. Lorsque le sablier sera vide, je me retrouverai seule, à moins d’un miracle. Mais peut-être que cela ne sera pas en vain. C’est le seul espoir qui me reste et c’est Oliko qui l’incarne cette fois-ci.
Je lui souhaite de réussir. Le scientifique au cœur d’or a maintes fois prouvé sa valeur et mérite de retrouver Anna, sa femme. Je n’oserais probablement jamais l’admettre, mais je serai heureuse pour lui s’il parvient à s’extirper de cet Enfer, même s’il ne nous apporte pas de solution. Oliko a déjà trop souffert de mes coups bas et de mes caprices et il ne devrait pas être enfermé ici. Si l’occasion lui en est donnée, j’espère sincèrement qu’il saisira sa chance plutôt que de risquer sa Liberté une nouvelle fois. Il a pris le temps de faire mûrir sa réflexion et de se préparer en conséquence, contrairement à Realder qui a foncé tête baissée dans le Grand Vide.
Si tout se déroule comme prévu, Olikotora me manquera énormément. Mais c’est un mal pour un bien ; l’un d’entre nous au moins réussira peut-être…là où tous les autres ont échoué ? Non, bien sûr que non. Seul mon cher écrivain s’est avancé dans la Brume à dessein. Les autres n’ont finalement pas cherché à comprendre la mécanique démentielle de cette partie du Macronivers. D’aucuns ont jugé bon de prendre la mer, pensant trouver une île ou un continent de l’autre côté. D’autres ont disparu au-delà de la limite, en voiture, en camion, à pied… Les derniers sont peut-être trop lâches pour assumer leurs actes. Qui sait combien de membres de la R.E.D, de Lost Riders, d’anciens agents de la Z.T.A se cachent en ce moment-même au fond des bois ou dans des caves, des grottes voire des bunkers souterrains ? Personne… Personne ne m’a jamais regardé en face pour me demander comment sortir de cet endroit, pour me lancer : « Qu’est-ce que je fous ici au fait ? ». Peut-être que Rohiro Takesha ou encore Steven Downie s’étaient déjà posés la question… Je ne peux pas les blâmer d’avoir eu autre chose à faire. Ces deux-là sont peut-être excusables, encore que je n’en sois pas certaine. Retrouver Realder était l’une de mes priorités jusqu’à ce que je découvre cette Barrière d’Ether. Dès lors, c’est une double quête que je me suis fixée et si je m’étais appelée Rohiro Takesha, cela aurait encore été le cas.
Finalement, c’est à croire qu’il n’y a que moi qui me morfonde ainsi. Vivre dans un aquarium pour l’éternité ne semble pas déranger qui que ce soit après tout. Fort bien. Chacune de ces petites étincelles de vie quasi-éternelles semble accepter son sort et par voie de fait, aucune d’entre elle n’a dû se poser cette question : que se passerait-il si un poisson un peu plus vorace que les autres venait à être placé dans le bocal ? Je me représente un groupe de poissons rouges après une nuit passée en compagnie d’un Piranha. L’expérience est enrichissante. Aujourd’hui, rien n’empêcherait quiconque de jouer au Piranha. Rien. Il suffit d’une lame, il suffit d’une balle pour renvoyer quelqu’un sur la plage. Une seule âme damnée peut répandre un vent de panique sur toutes les autres au sein de ce Purgatoire. Aucun policier de pacotille n’a les moyens de lutter contre ça. Même une ville barricadée peuplée de gens armés jusqu’aux dents ne peux résister à la volonté d’un seul Homme. Pas dans ce monde-ci. J’aimerais penser autrement. Et pourtant, ils verront bien. Les gentils petits survivants commenceront peut-être à s’intéresser aux frontières de Chernarus lorsqu’un psychopathe un peu moins idiot que les autres comprendra qu’il est immortel. Quant à ceux qui ne viennent pas d’ici, qu’ils s’amusent aux dépens de l’humanité. Un jour peut-être seront-ils dans le même cas.
J’ai fait ce que j’avais à faire. Il ne me reste plus qu’à observer le résultat. Si ce projet échoue, j’arrêterai mon Horloge.
La Brume est tumultueuse cette nuit. Ses volutes s’entremêlent autour de mon corps, me susurrent de douces paroles, m’invitent à traverser le Voile. « Je te connais » m’assure-t-elle. « Je puis te fournir les réponses que tu cherches, te dévoiler Pourquoi, Quand et Comment. N’as-tu jamais rêvé de faire ployer le Multivers selon ta volonté ? N’as-tu jamais souhaité le contrôler ? » Bien sûr que si.
Mais la Brume ne sait finalement rien de moi ; en vérité, elle n’a d’autre effet que de décupler la nature profonde de ce qui s’en approche ou de ce qui s’y aventure. C’est du moins mon cas et celui de Nova Astroska. Aujourd’hui cependant, je voudrais seulement stopper ces pensées, me plonger dans le silence, faire cesser cet ouragan qui gronde sans répit à l’intérieur de ma tête. Il faut que cela cesse, il faut que ça s’arrête !
Il ne se passe pas un jour sans que j’y pense. Personne en Chernarus ne semble comprendre cette douleur, cette obsession qui fait de moi ce que je suis. Sans elle, je perds ma raison d’être… Et les dernières petites miettes d’espace et de temps qui me permettaient d’assurer ma cohésion risquent de disparaitre d’ici peu. Olikotora est probablement le seul Ami qu’il me reste et le seul lien que j’ai encore avec mon passé. Lorsqu’il s’en sera allé, je n’aurais plus rien à quoi me raccrocher. Mais peut-être est-ce ce qui est prévu depuis le départ. Je me souviens de ma première rencontre avec Watson, il y a de cela bien des lunes, à Enclave de Plomb. Realder venait juste de partir pour ne jamais revenir mais je ne le savais pas encore. Dès lors, nous n’avons cessé de nous suivre mutuellement, même lorsque notre divergence d’opinions nous a fait chavirer dans la colère et l’amertume. Je t’ai aimé Oliko, et c’est peut-être toujours le cas. Là où Realder Descendres était froid et distant, tu t’es révélé chaleureux et bienveillant et tu as encaissé chacune de mes fourberies sans jamais te plaindre. D’autres que toi auraient choisi la vengeance.
Je suis consciente que ni les mots ni les écrits, ni même les vérités ne changeront les choses. Nous savons tous les deux, voire tous les quatre que c’est la seule solution, la seule chance de faire changer le cours de cette Réalité. Quelque chose s’est passé ce soir-là. Olikotora, Rohiro Takesha, Steven Downie et moi-même… Est-ce le hasard qui nous a rassemblé ou la promesse d’un avenir - lumineux ou sombre, quelle importance ? Une cinquième personne manquait-elle à l’appel ? Probablement : la Progéniture de l’Enfer qui nous tient lieu de secrétaire était aux abonnés absents. Et c’est tant mieux. A d’autres de lui expliquer le projet du docteur Watson. Sans doute n’est-ce pas juste et sans doute suis-je aveuglée par ma rage, mais je la tiens en partie pour responsable de ce qui va se dérouler. Waam a toujours prétendu ne pas vouloir se mêler des affaires des humains. Aujourd’hui, elle n’est rien de moins que le bras droit de Yungvarr Ironbear, l’homme à la tête du projet de reconstruction de Vybor, un allié de choix. Ses beaux discours et sa logique sont constellés d’incohérences, de choix douteux et d’excuses vaseuses. Et cependant, la voici qui poursuit sa route, sans un regard pour ceux qui souffrent ici-bas. Son inaction a lancé le compte-à-rebours. Lorsque le sablier sera vide, je me retrouverai seule, à moins d’un miracle. Mais peut-être que cela ne sera pas en vain. C’est le seul espoir qui me reste et c’est Oliko qui l’incarne cette fois-ci.
Je lui souhaite de réussir. Le scientifique au cœur d’or a maintes fois prouvé sa valeur et mérite de retrouver Anna, sa femme. Je n’oserais probablement jamais l’admettre, mais je serai heureuse pour lui s’il parvient à s’extirper de cet Enfer, même s’il ne nous apporte pas de solution. Oliko a déjà trop souffert de mes coups bas et de mes caprices et il ne devrait pas être enfermé ici. Si l’occasion lui en est donnée, j’espère sincèrement qu’il saisira sa chance plutôt que de risquer sa Liberté une nouvelle fois. Il a pris le temps de faire mûrir sa réflexion et de se préparer en conséquence, contrairement à Realder qui a foncé tête baissée dans le Grand Vide.
Si tout se déroule comme prévu, Olikotora me manquera énormément. Mais c’est un mal pour un bien ; l’un d’entre nous au moins réussira peut-être…là où tous les autres ont échoué ? Non, bien sûr que non. Seul mon cher écrivain s’est avancé dans la Brume à dessein. Les autres n’ont finalement pas cherché à comprendre la mécanique démentielle de cette partie du Macronivers. D’aucuns ont jugé bon de prendre la mer, pensant trouver une île ou un continent de l’autre côté. D’autres ont disparu au-delà de la limite, en voiture, en camion, à pied… Les derniers sont peut-être trop lâches pour assumer leurs actes. Qui sait combien de membres de la R.E.D, de Lost Riders, d’anciens agents de la Z.T.A se cachent en ce moment-même au fond des bois ou dans des caves, des grottes voire des bunkers souterrains ? Personne… Personne ne m’a jamais regardé en face pour me demander comment sortir de cet endroit, pour me lancer : « Qu’est-ce que je fous ici au fait ? ». Peut-être que Rohiro Takesha ou encore Steven Downie s’étaient déjà posés la question… Je ne peux pas les blâmer d’avoir eu autre chose à faire. Ces deux-là sont peut-être excusables, encore que je n’en sois pas certaine. Retrouver Realder était l’une de mes priorités jusqu’à ce que je découvre cette Barrière d’Ether. Dès lors, c’est une double quête que je me suis fixée et si je m’étais appelée Rohiro Takesha, cela aurait encore été le cas.
Finalement, c’est à croire qu’il n’y a que moi qui me morfonde ainsi. Vivre dans un aquarium pour l’éternité ne semble pas déranger qui que ce soit après tout. Fort bien. Chacune de ces petites étincelles de vie quasi-éternelles semble accepter son sort et par voie de fait, aucune d’entre elle n’a dû se poser cette question : que se passerait-il si un poisson un peu plus vorace que les autres venait à être placé dans le bocal ? Je me représente un groupe de poissons rouges après une nuit passée en compagnie d’un Piranha. L’expérience est enrichissante. Aujourd’hui, rien n’empêcherait quiconque de jouer au Piranha. Rien. Il suffit d’une lame, il suffit d’une balle pour renvoyer quelqu’un sur la plage. Une seule âme damnée peut répandre un vent de panique sur toutes les autres au sein de ce Purgatoire. Aucun policier de pacotille n’a les moyens de lutter contre ça. Même une ville barricadée peuplée de gens armés jusqu’aux dents ne peux résister à la volonté d’un seul Homme. Pas dans ce monde-ci. J’aimerais penser autrement. Et pourtant, ils verront bien. Les gentils petits survivants commenceront peut-être à s’intéresser aux frontières de Chernarus lorsqu’un psychopathe un peu moins idiot que les autres comprendra qu’il est immortel. Quant à ceux qui ne viennent pas d’ici, qu’ils s’amusent aux dépens de l’humanité. Un jour peut-être seront-ils dans le même cas.
J’ai fait ce que j’avais à faire. Il ne me reste plus qu’à observer le résultat. Si ce projet échoue, j’arrêterai mon Horloge.
- Realder
- Messages : 182
The Longer Road : Le Chef-d' Œuvre du Catalyseur
Jeu 28 Sep - 20:33
The Longer Road : Le Chef-d' Œuvre du Catalyseur
L’espace d’un instant, tout s’est arrêté. Le Chariot du Temps s’est écarté de son ornière et le silence est tombé sur Chernarus. Puis c’est le chant d’un léviathan à l’agonie qui a résonné par-delà les Brumes. Olikotora est parti. Et malgré tout ce que j’ai pu dire, malgré tout ce que j’ai pu faire, rien n’aurait pu me préparer à accepter le vide béant que je ressens déjà au plus profond de mon être. Je suis seule désormais. Seule face à mes choix, mes doutes, mes espoirs et mes craintes. Sans savoir qui je suis, d’où je viens et où je vais. C’est pour obtenir des réponses qu’Oliko a franchi le seuil mais maintenant qu’il est passé de l’autre côté du Voile, tout ce que j’espère, c’est qu’il puisse poursuivre son chemin et retrouver Anna. Ce n’est pas un hasard si Watson a reçu ce message, celui qui l’a entrainé sur cette voie ; je nourris l’espoir secret qu’il ait été choisi, que quelque chose lui ait finalement ouvert les portes de la Liberté. Il le mérite.
Voilà. C’est dit. Marqué à l’encre noire dans mes journaux comme au fer rouge. Au sein de cette Réalité, en cet instant précis, je t’aime, Oliko. Il n’y a rien d’autre à ajouter. Que cela soit réciproque ou non, ça ne change rien puisque nos vies ne peuvent être liées dans cet espace-temps. Tu reviendras peut-être en Chernarus, seul ou accompagné d’Anna, ou peut-être ne reviendras-tu jamais. Quoiqu’il en soit, je n’ai pas ma place au sein de ton histoire et tu n'en as pas dans la mienne. Je dois pour ma part retourner aux cotés de Realder, quoiqu’il m’en coûte. Waam dit vrai : je souhaite peut-être m’évader d’une enceinte au sein de laquelle je suis libre pour devenir une prisonnière hors de ces murs. Je n'ai jamais cru au Destin. Mais si je suis prête à tout abandonner, c'est parce que je suis convaincue que c'est ainsi que les choses doivent se dérouler pour moi. Et il devrait en être de même pour chacun et chacune d'entre nous. Parce que peu importe d'où nous venons, peu importe où nous allons et peu importe qui nous sommes. Humains, Umites, Vampires, Démons... Ce ne sont que des mots choisis pour catégoriser chacune de ces petites miettes d'espace et de temps qui vibrent et se déplacent au sein de la trame du Macronivers. Ce que nous appelons "âme" n'est en réalité qu'un concept abstrait qui n'a d'autre avantage que de nous permettre de mettre en évidence la futilité de notre corps. Aujourd'hui, peut-être pour la première fois depuis que je le connais, je crois comprendre Oliko. Un peu trop tard, il est vrai. Le docteur au béret rouge n'a jamais cessé de panser les plaies, de réparer les membres fracturés et d'étudier la vie sous toutes ses formes. Ce que je prenais pour une faiblesse n'était en réalité que l'action d'une âme dévouée envers les autres. C'est peut-être l'Amour dont parle Waam, le lien qui fait qu'une âme entre en harmonie avec les autres. Et ce soir, immergée dans la Brume, plus seule que jamais, je me rends compte que j'ai probablement contribué à briser cette dernière.
C'est la première fois que je m'expose ainsi intégralement aux vents tourmenteurs de l'Ether. Watson et Realder ont-ils ressenti la même chose en s'avançant pas après pas dans l'inconnu? Je ne saurai le dire. L'heure n'est cependant pas venue pour moi de m'offrir au Grand Vide... malheureusement. Même rongée par la tristesse et le remord, je ne peux m'empêcher de tricher avec la réalité et c'est bien sûr ce Café à l'arome cuivré qui me le permet, le même qu'Olikotora a du emporter avec lui de l'autre coté. Ce soir, si j'ai moi aussi traversé - temporairement - le Voile, ce n'est ni pour meurtrir mes chairs et mon esprit, ni pour tenter de comprendre de quoi il retourne. Ce soir, aussi surement que Realder l'aurait fait, c'est justement mon âme qui s'abreuve à ces rivières de pouvoir. La berge est glissante cependant, et sans doute me suffirait-il de l'oublier une seule seconde pour être emportée, déchirée par les courants acérés. La Brume est avare de sensations: lorsque je m'immerge dans la tourmente, mes sens s'engourdissent et s'il n'y avait pas cette lointaine brulure quelque part là où devrait se trouver mon cœur, je pourrai penser que je suis en train de m'y endormir. Mais je ne puis m'y tromper: même protégée par le Café des Arpenteurs, le Brouillard agit et réalise son œuvre peu à peu. Il écorche, il coupe, il ponce lentement mais surement ce qui devrait rester entier. Je continue d'observer l'horizon inexistant, peut-être dans l'espoir d'y apercevoir une ou plusieurs silhouettes fugaces. Au point où j'en suis, même celle d'Aubépine me soulagerait. Je serai au moins assurée que mes songes ne sont pas dénués de sens. Et s'il faut pour cela retourner à la source et abandonner tout espoir d'avoir jamais eu une vie à moi, et bien qu'il en soit ainsi.
Dans ma douleur, une infime parcelle de moi-même est heureuse. Même si Oliko a disparu, même si son âme s'est définitivement envolée de cet univers, je suis contente qu'il soit parti avant d'avoir vu Chernarus à feu et à sang. Parce que si cette Réalité suit son cours sans un petit coup de pouce, nul doute que c'est ce qui va se passer. Nova Astroska en sera l'élément déclencheur, à moins qu'elle ne disparaisse encore une fois sans crier gare. Son but est d'assujettir chacun des petits vers qui rampent encore sur l'Île des Morts. Je ne me lasse pas de constater le manque d'ambition et d'imagination de mes semblables. C'est toujours une histoire de pouvoir, d'emprise, de contrôle et de vengeance qui se cache derrière ces beaux discours et Nova ne déroge pas à la règle, aussi incroyables soient ses capacités. Visiblement, elle n'a rien compris. Que fera-t-elle lorsque son appétit aura été satisfait, lorsque la Chernarussie lui appartiendra? Même les conflits ne m'intéressent plus. La vie et la mort n'ont aucune saveur, alors pourquoi devrais-je choisir un camp? Il n'y aura ni victoire, ni défaite, tout comme les empires de jadis, dont le nom s'est perdu et ne sera plus jamais retrouvé. Je ne puis souffrir ces futilités plus longtemps alors je t'en prie...
"Tu es la clé de mon plan. Ne me déçois pas."
Voilà. C’est dit. Marqué à l’encre noire dans mes journaux comme au fer rouge. Au sein de cette Réalité, en cet instant précis, je t’aime, Oliko. Il n’y a rien d’autre à ajouter. Que cela soit réciproque ou non, ça ne change rien puisque nos vies ne peuvent être liées dans cet espace-temps. Tu reviendras peut-être en Chernarus, seul ou accompagné d’Anna, ou peut-être ne reviendras-tu jamais. Quoiqu’il en soit, je n’ai pas ma place au sein de ton histoire et tu n'en as pas dans la mienne. Je dois pour ma part retourner aux cotés de Realder, quoiqu’il m’en coûte. Waam dit vrai : je souhaite peut-être m’évader d’une enceinte au sein de laquelle je suis libre pour devenir une prisonnière hors de ces murs. Je n'ai jamais cru au Destin. Mais si je suis prête à tout abandonner, c'est parce que je suis convaincue que c'est ainsi que les choses doivent se dérouler pour moi. Et il devrait en être de même pour chacun et chacune d'entre nous. Parce que peu importe d'où nous venons, peu importe où nous allons et peu importe qui nous sommes. Humains, Umites, Vampires, Démons... Ce ne sont que des mots choisis pour catégoriser chacune de ces petites miettes d'espace et de temps qui vibrent et se déplacent au sein de la trame du Macronivers. Ce que nous appelons "âme" n'est en réalité qu'un concept abstrait qui n'a d'autre avantage que de nous permettre de mettre en évidence la futilité de notre corps. Aujourd'hui, peut-être pour la première fois depuis que je le connais, je crois comprendre Oliko. Un peu trop tard, il est vrai. Le docteur au béret rouge n'a jamais cessé de panser les plaies, de réparer les membres fracturés et d'étudier la vie sous toutes ses formes. Ce que je prenais pour une faiblesse n'était en réalité que l'action d'une âme dévouée envers les autres. C'est peut-être l'Amour dont parle Waam, le lien qui fait qu'une âme entre en harmonie avec les autres. Et ce soir, immergée dans la Brume, plus seule que jamais, je me rends compte que j'ai probablement contribué à briser cette dernière.
C'est la première fois que je m'expose ainsi intégralement aux vents tourmenteurs de l'Ether. Watson et Realder ont-ils ressenti la même chose en s'avançant pas après pas dans l'inconnu? Je ne saurai le dire. L'heure n'est cependant pas venue pour moi de m'offrir au Grand Vide... malheureusement. Même rongée par la tristesse et le remord, je ne peux m'empêcher de tricher avec la réalité et c'est bien sûr ce Café à l'arome cuivré qui me le permet, le même qu'Olikotora a du emporter avec lui de l'autre coté. Ce soir, si j'ai moi aussi traversé - temporairement - le Voile, ce n'est ni pour meurtrir mes chairs et mon esprit, ni pour tenter de comprendre de quoi il retourne. Ce soir, aussi surement que Realder l'aurait fait, c'est justement mon âme qui s'abreuve à ces rivières de pouvoir. La berge est glissante cependant, et sans doute me suffirait-il de l'oublier une seule seconde pour être emportée, déchirée par les courants acérés. La Brume est avare de sensations: lorsque je m'immerge dans la tourmente, mes sens s'engourdissent et s'il n'y avait pas cette lointaine brulure quelque part là où devrait se trouver mon cœur, je pourrai penser que je suis en train de m'y endormir. Mais je ne puis m'y tromper: même protégée par le Café des Arpenteurs, le Brouillard agit et réalise son œuvre peu à peu. Il écorche, il coupe, il ponce lentement mais surement ce qui devrait rester entier. Je continue d'observer l'horizon inexistant, peut-être dans l'espoir d'y apercevoir une ou plusieurs silhouettes fugaces. Au point où j'en suis, même celle d'Aubépine me soulagerait. Je serai au moins assurée que mes songes ne sont pas dénués de sens. Et s'il faut pour cela retourner à la source et abandonner tout espoir d'avoir jamais eu une vie à moi, et bien qu'il en soit ainsi.
Dans ma douleur, une infime parcelle de moi-même est heureuse. Même si Oliko a disparu, même si son âme s'est définitivement envolée de cet univers, je suis contente qu'il soit parti avant d'avoir vu Chernarus à feu et à sang. Parce que si cette Réalité suit son cours sans un petit coup de pouce, nul doute que c'est ce qui va se passer. Nova Astroska en sera l'élément déclencheur, à moins qu'elle ne disparaisse encore une fois sans crier gare. Son but est d'assujettir chacun des petits vers qui rampent encore sur l'Île des Morts. Je ne me lasse pas de constater le manque d'ambition et d'imagination de mes semblables. C'est toujours une histoire de pouvoir, d'emprise, de contrôle et de vengeance qui se cache derrière ces beaux discours et Nova ne déroge pas à la règle, aussi incroyables soient ses capacités. Visiblement, elle n'a rien compris. Que fera-t-elle lorsque son appétit aura été satisfait, lorsque la Chernarussie lui appartiendra? Même les conflits ne m'intéressent plus. La vie et la mort n'ont aucune saveur, alors pourquoi devrais-je choisir un camp? Il n'y aura ni victoire, ni défaite, tout comme les empires de jadis, dont le nom s'est perdu et ne sera plus jamais retrouvé. Je ne puis souffrir ces futilités plus longtemps alors je t'en prie...
"Tu es la clé de mon plan. Ne me déçois pas."
- Realder
- Messages : 182
Stasis : La Sacrifiée
Jeu 5 Oct - 21:36
Stasis : La Sacrifiée
Contrôler le temps… Maitriser l’espace entre chaque seconde pour l’arrêter, dénaturer son flux pour l’accélérer et l’inverser pour effacer l’histoire, réécrire l’avenir sans limite…
Contrôler l’espace… Modeler la Réalité pour s’en défaire, se jouer de la matière et de ses membranes pour plier le monde, annihiler les barrières pour arpenter le Multivers à son gré…
J’ai tout perdu. Des mois, des années passés à parcourir plaines et montagnes, à esquiver les balles et à les encaisser, à nouer des liens et à en briser d’autres, à aider et à manipuler, à donner et à corrompre, à détester et à aimer… Tout ça pour toi, Realder. Ta création s’est réveillée en Chernarus, blanche comme neige, nettoyée de ses tourments mais même en t’avançant dans les Brumes, tu as choisi de laisser ta marionnette préférée en cage alors que tu devais bien te douter qu’elle avait retrouvé une partie de ce que tu lui avais arraché. La dernière personne qui te connaissait vraiment est partie et me voici désormais seule.
Pendant tout ce temps, j’ai suivi ta voie, je me suis gavée d’Ether et noyée dans le Café des Arpenteurs afin de ne pas me disloquer sur place. C’est une belle Horloge que tu as construit, mon doux bourreau, et sans doute serais-tu fier d’apprendre qu’il s’agissait d’un travail d’orfèvre aux yeux d’Oliko… C’est aussi parce que cette mécanique contre nature me permet de me mouvoir que je ne crains plus la mort. En vérité, cette terre abandonnée par les Dieux sous le regard attentif des EBE dispose encore d’une particularité dont je ne me lasse pas : j’aime y mourir. Et lorsque je me réveille sur la plage, mon corps est semblable à celui de tout un chacun : celui d’un simple clone, parfaitement fonctionnel et surtout dénué de ta marque, à l’exception de cette petite Salamandre qui continue parfois de fixer l’éternité depuis mon épaule. Sans doute pour la même raison qui fait que Rohiro conserve son implant - lui au moins n’a pas été abandonné par sa gardienne - les changements s’opèrent par la suite, parfois au terme de quelques semaines et parfois au bout de longs mois. Je prends toujours garde d’en finir avant de sentir les pulsations de mon cœur diminuer, l’un des signes annonciateurs de ta malédiction. Crois-moi Real’… Olikotora a eu tort de te regretter : jusqu’à la dernière seconde, tu es sans doute resté le monstre que tu étais jadis. Mais je ne vaux pas mieux que toi et si j’ai besoin de ta chaleur, ce n’est peut-être pas seulement parce que je suis ton pantin aux yeux rouges.
Humaine ou pas, je n’ai cependant pas oublié d’en présenter tous les défauts. Jusqu’à maintenant, j’ai toujours pensé que j’avais un rôle à jouer dans cette histoire, que je serai forcément en première ligne le moment venu. Prisonnière de mon orgueil et de ma folie, j’ai voulu tromper Waam, j’ai méprisé le passé de tous ceux qui ne suivaient pas ma route, au point d’en oublier mes propres démons. Ce n’est que lorsque Watson m’a confié la photographie d’Anna que j’ai commencé à comprendre ce que je suis devenue. « Frannie est morte », c’est bien vrai, et mes grands discours n’y changeront rien. Si Waam, Rohiro, Steven Downie et Gitan décidaient de m’écarter, ils le pourraient à n’en pas douter. Sans doute aurais-je souhaité modifier le cours des choses, imposer ma signature et m’évader avec panache, comme tu savais si bien le faire. Tel était mon but jusqu’à présent, la raison pour laquelle je me battais, celle qui justifiait mes choix, mes erreurs… Séduite par ton souvenir, par tes écrits et par ton pouvoir, j’ai tout délaissé.
Aujourd’hui, la clepsydre est pleine. J’ai compris que je n’arriverai à rien et je me suis perdue dans ces engrenages avec mes chimères, laissant peu à peu ma folie gagner du terrain sur ma raison. Je ne veux plus qu’il en soit ainsi. Je ne veux plus que l’on me considère comme un être froid et sans cœur. Je ne veux plus vivre dans la culpabilité, en portant sur mon dos la déception de ceux qui m’entourent. Je ne réparerai pas le mal que j’ai causé, je ne remplacerai pas le cœur que j’ai brisé. Je ne peux pas contrôler le temps afin de revenir en arrière. Mais je peux faire en sorte de lui échapper. Je puis patienter éternellement à travers lui puisque son cours n’a pas d’effet en ces terres. Finalement, la Liberté que je recherche tant est peut-être à portée d’aiguille… Ne faut-il pas apprendre à nous découvrir nous-même avant de découvrir de plus vastes horizons ?
Je méditerai. J’arpenterai Chernarus jusqu’à me connaitre moi-même ou jusqu’à en avoir extrait chaque grain de café. Dans un cas comme dans l’autre, j’en aurai terminé avec mes tourments. Au même titre que l’Oubli, l’Immobilité est un refuge. Lorsque le tempo de la vie commence à ralentir, notre perception du temps change jusqu’à se dissiper complètement. Et c’est de cela dont j’ai besoin, un lieu hors du temps, un sanctuaire au sein duquel je pourrai me réfugier en patientant jusqu’à ce que l’on vienne me chercher… ou en attendant la fin.
Je ne cherche pas à me cacher face à mes erreurs. Et c’est pourquoi je n’adresserai pas de message aux Umites. J’ai tenu ma promesse en fournissant à Waam ce qu’elle désirait. Point final. Son combat n’est pas le mien et j’ai eu tort de la bousculer ainsi ; parce qu’en réalité, elle est désormais aussi perdue que moi. Elle s’est habituée à son enveloppe charnelle et agit désormais comme une humaine ou peu s’en faut. Je lui dois des excuses, ainsi qu’à tous ceux que j’ai déçus. Mais ce ne sont que des mots. Le plus dur reste à faire et je n’y arriverai peut-être pas : c’est ma raison d’être que j’abandonne, sans savoir si je parviendrai à en trouver une autre. Mais il n’y a pas de pardon sans sacrifice.
Aussi bête que cela puisse paraître, j’avais besoin de quelqu’un qui puisse m’écouter et me donner son avis, même lorsque je n’en faisais qu’à ma tête, et c’est Olikotora qui tenait ce rôle. Le Docteur - avec un grand D -, ce psychanalyste schizophrène également, lorsqu’il était encore là pour répondre à mes questions. Maintenant, plus personne n’y répondra, et surtout pas Waam qui en a déjà trop entendu.
Je ne sais plus depuis combien de temps je retranscris mes pensées dans mes journaux, sans me soucier du cours de mes journées et de mes nuits. Contrairement à nombre de « Survivants », les considérations matérielles ne m’attirent pas. A quoi bon souiller mes pages de chiffres et de listes, des choses que j’ai pu faire et des choses que je ferai ? J’ai déjà un registre pour ça, et peut-être sera-t-il bientôt donné en pâture aux flammes. Pourtant, ce soir, je suis convaincue qu’un évènement important s’est déroulé. Quelque chose que je ne peux comprendre. C’était il y a déjà quelques jours.
Un homme, ou quelque chose qui y ressemble m’a sommé de lui fournir des informations. Quelque chose à propos d’un transducteur radio - ou quoique que ce soit de ce genre-là. Je n’ai pas su tenir ma langue, peut-être parce que pour la première fois depuis des mois, voire des années, mon esprit ressentait de la tristesse pour la perte d’un ami…pour la perte d’Oliko. Ainsi, à peine quelques secondes après avoir prononcé « Tisy », me suis-je retrouvée sur la plage une nouvelle fois, depuis bien longtemps. Et mon épée, dernier souvenir d’une époque pas si lointaine durant laquelle je la maniais aux côtés d’une jolie guerrière tombée des étoiles, m’a rejoint dans le néant. Ce soir, j’ai perdu le dernier fragment de Tuz Kren Lein que j’avais encore en ma possession.
Le colosse tout de noir vêtu est revenu quelques jours plus tard et s’en est pris à Rohiro Takesha alors que nous étions pour une fois rassemblés dans l’auberge de Vany Vanky sans autre souhait que celui d’oublier quelques temps la ruine qu’est devenu ce monde. J’ai vu la chose ôter la vie de Waam alors qu’elle le menaçait, comme on écrase un moustique un peu trop téméraire. Berserk, puisque c’est apparemment le nom de code qu’utilise le sombre géant, a demandé quelque chose à Rohiro. Une fois sa mission réalisée - me semblait-il -, il s’est suicidé face à nous sans que personne n’ai le temps de réagir.
Je ne sais pas ce qu’est cette chose et je ne saurai percevoir ses motivations. Je suis cependant certaine qu’il s’agit d’un être dangereux qui ne reculera devant rien pour accomplir sa mission et qu’il semble suivre les traces d’Olikotora.
J’ai promis à ceux qui me l’ont demandé que je les aiderai à stopper cette menace et à en comprendre l’origine. Peut-être est-ce le premier pas vers un nouveau départ… Ou peut-être que Frisca entame aujourd’hui son dernier grand voyage.
Contrôler le temps… Maitriser l’espace entre chaque seconde pour l’arrêter, dénaturer son flux pour l’accélérer et l’inverser pour effacer l’histoire, réécrire l’avenir sans limite…
Contrôler l’espace… Modeler la Réalité pour s’en défaire, se jouer de la matière et de ses membranes pour plier le monde, annihiler les barrières pour arpenter le Multivers à son gré…
J’ai tout perdu. Des mois, des années passés à parcourir plaines et montagnes, à esquiver les balles et à les encaisser, à nouer des liens et à en briser d’autres, à aider et à manipuler, à donner et à corrompre, à détester et à aimer… Tout ça pour toi, Realder. Ta création s’est réveillée en Chernarus, blanche comme neige, nettoyée de ses tourments mais même en t’avançant dans les Brumes, tu as choisi de laisser ta marionnette préférée en cage alors que tu devais bien te douter qu’elle avait retrouvé une partie de ce que tu lui avais arraché. La dernière personne qui te connaissait vraiment est partie et me voici désormais seule.
Pendant tout ce temps, j’ai suivi ta voie, je me suis gavée d’Ether et noyée dans le Café des Arpenteurs afin de ne pas me disloquer sur place. C’est une belle Horloge que tu as construit, mon doux bourreau, et sans doute serais-tu fier d’apprendre qu’il s’agissait d’un travail d’orfèvre aux yeux d’Oliko… C’est aussi parce que cette mécanique contre nature me permet de me mouvoir que je ne crains plus la mort. En vérité, cette terre abandonnée par les Dieux sous le regard attentif des EBE dispose encore d’une particularité dont je ne me lasse pas : j’aime y mourir. Et lorsque je me réveille sur la plage, mon corps est semblable à celui de tout un chacun : celui d’un simple clone, parfaitement fonctionnel et surtout dénué de ta marque, à l’exception de cette petite Salamandre qui continue parfois de fixer l’éternité depuis mon épaule. Sans doute pour la même raison qui fait que Rohiro conserve son implant - lui au moins n’a pas été abandonné par sa gardienne - les changements s’opèrent par la suite, parfois au terme de quelques semaines et parfois au bout de longs mois. Je prends toujours garde d’en finir avant de sentir les pulsations de mon cœur diminuer, l’un des signes annonciateurs de ta malédiction. Crois-moi Real’… Olikotora a eu tort de te regretter : jusqu’à la dernière seconde, tu es sans doute resté le monstre que tu étais jadis. Mais je ne vaux pas mieux que toi et si j’ai besoin de ta chaleur, ce n’est peut-être pas seulement parce que je suis ton pantin aux yeux rouges.
Humaine ou pas, je n’ai cependant pas oublié d’en présenter tous les défauts. Jusqu’à maintenant, j’ai toujours pensé que j’avais un rôle à jouer dans cette histoire, que je serai forcément en première ligne le moment venu. Prisonnière de mon orgueil et de ma folie, j’ai voulu tromper Waam, j’ai méprisé le passé de tous ceux qui ne suivaient pas ma route, au point d’en oublier mes propres démons. Ce n’est que lorsque Watson m’a confié la photographie d’Anna que j’ai commencé à comprendre ce que je suis devenue. « Frannie est morte », c’est bien vrai, et mes grands discours n’y changeront rien. Si Waam, Rohiro, Steven Downie et Gitan décidaient de m’écarter, ils le pourraient à n’en pas douter. Sans doute aurais-je souhaité modifier le cours des choses, imposer ma signature et m’évader avec panache, comme tu savais si bien le faire. Tel était mon but jusqu’à présent, la raison pour laquelle je me battais, celle qui justifiait mes choix, mes erreurs… Séduite par ton souvenir, par tes écrits et par ton pouvoir, j’ai tout délaissé.
Aujourd’hui, la clepsydre est pleine. J’ai compris que je n’arriverai à rien et je me suis perdue dans ces engrenages avec mes chimères, laissant peu à peu ma folie gagner du terrain sur ma raison. Je ne veux plus qu’il en soit ainsi. Je ne veux plus que l’on me considère comme un être froid et sans cœur. Je ne veux plus vivre dans la culpabilité, en portant sur mon dos la déception de ceux qui m’entourent. Je ne réparerai pas le mal que j’ai causé, je ne remplacerai pas le cœur que j’ai brisé. Je ne peux pas contrôler le temps afin de revenir en arrière. Mais je peux faire en sorte de lui échapper. Je puis patienter éternellement à travers lui puisque son cours n’a pas d’effet en ces terres. Finalement, la Liberté que je recherche tant est peut-être à portée d’aiguille… Ne faut-il pas apprendre à nous découvrir nous-même avant de découvrir de plus vastes horizons ?
Je méditerai. J’arpenterai Chernarus jusqu’à me connaitre moi-même ou jusqu’à en avoir extrait chaque grain de café. Dans un cas comme dans l’autre, j’en aurai terminé avec mes tourments. Au même titre que l’Oubli, l’Immobilité est un refuge. Lorsque le tempo de la vie commence à ralentir, notre perception du temps change jusqu’à se dissiper complètement. Et c’est de cela dont j’ai besoin, un lieu hors du temps, un sanctuaire au sein duquel je pourrai me réfugier en patientant jusqu’à ce que l’on vienne me chercher… ou en attendant la fin.
Je ne cherche pas à me cacher face à mes erreurs. Et c’est pourquoi je n’adresserai pas de message aux Umites. J’ai tenu ma promesse en fournissant à Waam ce qu’elle désirait. Point final. Son combat n’est pas le mien et j’ai eu tort de la bousculer ainsi ; parce qu’en réalité, elle est désormais aussi perdue que moi. Elle s’est habituée à son enveloppe charnelle et agit désormais comme une humaine ou peu s’en faut. Je lui dois des excuses, ainsi qu’à tous ceux que j’ai déçus. Mais ce ne sont que des mots. Le plus dur reste à faire et je n’y arriverai peut-être pas : c’est ma raison d’être que j’abandonne, sans savoir si je parviendrai à en trouver une autre. Mais il n’y a pas de pardon sans sacrifice.
Aussi bête que cela puisse paraître, j’avais besoin de quelqu’un qui puisse m’écouter et me donner son avis, même lorsque je n’en faisais qu’à ma tête, et c’est Olikotora qui tenait ce rôle. Le Docteur - avec un grand D -, ce psychanalyste schizophrène également, lorsqu’il était encore là pour répondre à mes questions. Maintenant, plus personne n’y répondra, et surtout pas Waam qui en a déjà trop entendu.
Je ne sais plus depuis combien de temps je retranscris mes pensées dans mes journaux, sans me soucier du cours de mes journées et de mes nuits. Contrairement à nombre de « Survivants », les considérations matérielles ne m’attirent pas. A quoi bon souiller mes pages de chiffres et de listes, des choses que j’ai pu faire et des choses que je ferai ? J’ai déjà un registre pour ça, et peut-être sera-t-il bientôt donné en pâture aux flammes. Pourtant, ce soir, je suis convaincue qu’un évènement important s’est déroulé. Quelque chose que je ne peux comprendre. C’était il y a déjà quelques jours.
Un homme, ou quelque chose qui y ressemble m’a sommé de lui fournir des informations. Quelque chose à propos d’un transducteur radio - ou quoique que ce soit de ce genre-là. Je n’ai pas su tenir ma langue, peut-être parce que pour la première fois depuis des mois, voire des années, mon esprit ressentait de la tristesse pour la perte d’un ami…pour la perte d’Oliko. Ainsi, à peine quelques secondes après avoir prononcé « Tisy », me suis-je retrouvée sur la plage une nouvelle fois, depuis bien longtemps. Et mon épée, dernier souvenir d’une époque pas si lointaine durant laquelle je la maniais aux côtés d’une jolie guerrière tombée des étoiles, m’a rejoint dans le néant. Ce soir, j’ai perdu le dernier fragment de Tuz Kren Lein que j’avais encore en ma possession.
Le colosse tout de noir vêtu est revenu quelques jours plus tard et s’en est pris à Rohiro Takesha alors que nous étions pour une fois rassemblés dans l’auberge de Vany Vanky sans autre souhait que celui d’oublier quelques temps la ruine qu’est devenu ce monde. J’ai vu la chose ôter la vie de Waam alors qu’elle le menaçait, comme on écrase un moustique un peu trop téméraire. Berserk, puisque c’est apparemment le nom de code qu’utilise le sombre géant, a demandé quelque chose à Rohiro. Une fois sa mission réalisée - me semblait-il -, il s’est suicidé face à nous sans que personne n’ai le temps de réagir.
Je ne sais pas ce qu’est cette chose et je ne saurai percevoir ses motivations. Je suis cependant certaine qu’il s’agit d’un être dangereux qui ne reculera devant rien pour accomplir sa mission et qu’il semble suivre les traces d’Olikotora.
J’ai promis à ceux qui me l’ont demandé que je les aiderai à stopper cette menace et à en comprendre l’origine. Peut-être est-ce le premier pas vers un nouveau départ… Ou peut-être que Frisca entame aujourd’hui son dernier grand voyage.
- Realder
- Messages : 182
Stasis : Tempus edax rerum
Jeu 19 Oct - 21:05
Stasis : Tempus edax rerum
Je, je, je… Toujours moi et mon égo. Abandonner son « moi » intérieur, c’est pourtant s’abandonner soi-même, et j’aurais tôt fait de franchir la Barrière tissée d’Eternité si je souhaitais en finir au plus vite. Mais ce n’est pas ce qu’Olikotora aurait voulu, pas plus que Realder sans doute. Et pourtant, je comprends Gitan et le major Downie lorsqu’ils se perdent dans leurs pensées et qu’ils écoutent les promesses de ce Brouillard miroitant. Qui suis-je pour m’octroyer le droit de fondre en larmes, de me complaire dans la mélancolie et d’ignorer le malheur de mon prochain ? Gitan a perdu son frère, Steven ses compagnons d’armes et son humanité. Ils ne se lamentent pas sur leur sort et agissent en toute connaissance de cause.
Mais c’est trop dur, trop dur ! Partout où je vais, mes souvenirs m’assaillent… Ils me rappellent ce que j’ai fait, tous les coups bas, toutes mes erreurs, et toutes les souffrances que d’autres ont enduré par ma faute. J’aimerais me racheter, laver ces souillures quitte à les payer par le sang, effacer ma dette, retourner en arrière pour recommencer une nouvelle vie, prendre un nouveau départ…
Depuis que j’ai ouvert pour la première fois les yeux sur la côte Chernarussienne, je n’ai cessé de considérer cet endroit comme une prison. Mais aussi surement qu’on ne peut tuer ce qui est mort, il n’est pas possible d’emprisonner ce qui est déjà enchainé.
Suis-je sincère avec moi-même et avec ceux qui croisent ma route ? Dois-je me sentir coupable d’un tel égocentrisme ? Mes écrits sont noyés de « Moi » et de « Je » et bien que cela soit le principe même d’un journal, je me remets en cause chaque jour sans pour autant accepter de changer de voie. Ici, j’ai le temps de réfléchir, le temps d’étudier chaque détail de ma personnalité et à plus forte raison, de tout ce qui se trouve autour de moi, de tout ce qui me fait exister. Je tente de démêler le vrai du faux, ce que je pense et ce qui est, ce que je vois et ce que je sais. Pourtant, malgré tout ce que j’ai traversé, mon discernement n’a pas varié d’un iota. Derrière mes belles paroles et mes grands airs, derrière mes éclats de colère et mes sanglots, derrière mes rires et ma froide indifférence, je ne parviens toujours pas à comprendre ce que je fais encore ici.
Je ne sais que trop bien sur quel chemin je m’engage en suivant ces pensées. D’ici peu, je me lamenterai sur ma condition, je maudirai la Brume et ce qu’elle m’a pris, je menacerai Chernarus et le Macronivers tout entier pour finir par énoncer des promesses que je ne tiendrai jamais. Il n’y a que quelques vérités dont je suis certaine.
J’ai peur. Peur de constater un jour que je ne suis qu’un personnage d’une histoire écrite et terminée depuis longtemps, sans autre fonction que de suivre une ligne gravée, jusqu’à la dernière page. Je n’ai jamais considéré que le Destin puisse exister, et plutôt être anéantie si tel devait être le cas. Mais depuis ce jour à marquer d’une pierre noire, depuis que l’annonce est tombée, quelque chose s’est brisé. Mes souvenirs d’avant le Jour Z sont flous pour la plupart ou bien nimbés d’un halo furieux. Ils me racontent au moins deux histoires qui n’ont pu coexister et dont je me souviens néanmoins à ma manière. Celle d’une fille somme toute relativement normale et celle d’une Marionnette - au sens littéral du terme - destinée à servir les desseins des Arpenteurs et de l’un d’entre eux plus particulièrement. Realder Descendres est le seul maillon qui puisse encore relier ces deux Réalités et celle dans laquelle je suis coincée. J’ai cependant récupéré assez de souvenirs et de sensations pour raconter la trame de mon histoire à quiconque souhaiterait l’entendre. Mais je ne suis pas dupe : non seulement ça ne m’avancera à rien, mais ceux qui acceptent encore de m’adresser la parole se détourneront de moi. Parce qu’après tout, seule la folie pourrait expliquer cette existence apocryphe et contre nature.
Tout cela n’aurait pas dû arriver. Poupée de chair, de sang, d’os et de métal gavée de Vide ou simple mortelle en proie au doute, il est inconcevable pour un Arpenteur ou sa suite d’être bloqué de la sorte. Bien entendu, j’ai eu le temps d’envisager la possibilité que tout cela ne soit qu’un long rêve, pour finir par me réveiller un jour sur un lit d’hôpital dans une blancheur immaculée, séparée du reste du monde par une camisole de force ou par quelques neuroleptiques. Si tel est le cas, j’aurai au moins trouvé la réponse à mes questions et peut-être pourrai-je partir en paix. Mais puisque mes yeux s’ouvrent chaque jour sur les terres de Chernarus - lorsque je parviens à les fermer - je ne peux qu’émettre de vagues suppositions et m’adapter en fonction de ce que je crois savoir.
Je… Nous ne savons quasiment rien de la raison de notre présence ici, mais ce sont bien sûr des mots que je répète inlassablement. Des esprits placés au sein de corps hôtes, des enveloppes charnelles clonées qui, selon les caprices de l’âme qu’ils renferment, se modifient ou demeurent inchangées. C’est à peu près tout ce que je sais pour le moment. Depuis combien de temps ? Je me souviens de cet incroyable sentiment d’exaltation que j’ai ressenti lorsque j’ai compris pour la première fois que nous pouvions tromper la mort et jouer avec elle. J’étais si naïve... A combien de couchers de soleil vais-je encore assister avant de ressentir à nouveau le plaisir d’avoir découvert quelque chose, avant de percer un nouveau mystère ? La moindre avancée requièrera-t-elle toujours de sacrifier un ami en l’envoyant dans les Brumes ?
Tout est peut-être faux : notre passé et notre avenir ont peut-être déjà été écrits par quelque obscur auteur dont les motivations nous paraitraient inconcevables si seulement elles pouvaient nous être énoncées. Mais là encore, l’éternel problème surgit. Les suppositions ne permettent pas d’avancer et ont parfois tendance à nous proposer des chemins semés d’embuches pour aboutir finalement dans un cul-de-sac.
Ne serait-ce pas là la mise en abîme la plus retorse de tous les temps ? Persuadés de connaitre nos origines, nous jouons le rôle de ce que nous croyons être au plus profond de nous-même, au point de rendre réelles des choses qui ne devraient pas l’être. Qu’en serait-il si nous apprenions que tout ce qui nous caractérise, que tout ce qui nous définit n’est que du vent ? J’ai déjà rédigé ce genre de réflexions par le passé. Preuve que rien n’a changé depuis.
Pourtant, des évènements se sont bels et bien déroulés… L’arrivée de Waam, la disparition de Ded, de Bogdan Keyrt, des Lost Riders et de la R.E.D, la mort de Roger Troutmann, la rencontre de Rohiro et le départ de Watson… Et plus récemment le retour de Nova Astroska et de son fardeau sur Chernarus, le choix de Gitanos et la quête de Stiven Downie. Ainsi que l’apparition de cette chose, de cette dissonance dans l’Ether, de cette entité dans le corps d’un clone, le B.E.R.S.E.R.K. Un nombre incalculable de péripéties mais aucune réponse digne de ce nom.
Et aujourd’hui, je suis fatiguée. J’estime avoir fait mon temps en Chernarus. Toutes ces pages que j’ai pu écrire n’aideront personne, elles témoigneront simplement de la futilité de mes efforts. Peut-être est-il temps que je lâche prise, comme j’ai pu le rédiger la dernière fois que j’ai tenu mon journal en mains.
Je ne sais pas ce qui m’attend. Pour le moment, tout m’est égal. Je commencerai sans doute par effacer tranquillement les traces de ma vie à Vybor. De toute manière, le coin est devenu de moins en moins fréquentable avec la Vermine du Vide qui s’y aventure de plus en plus souvent et notre protecteur, Steven Downie, qui y patrouille de moins en moins. Je demeurerai probablement à Frontière d’Acier, le temps qu’on m’oublie un peu. Puis je prendrai peut-être la route vers ces lieux que je n’ai plus traversé depuis longtemps. Novodmitrosk, Berezino, Zelenogorsk… Je longerai peut-être la côte et sans doute m’arrêterai-je quelques temps près de Berezhki, à Enclave de Plomb.
Je ne quitterai pas Chernarus en m’aventurant dans l’Ether, et je ne tenterai rien non plus du côté de la mer. Pour la simple et bonne raison que je ne quitterai pas ce Purgatoire. D’autres que moi s’y sont déjà attelés.
Tout ce que je veux pour le moment, c’est la paix. Voici bien une chose dont rien ni personne ne pourra me priver si je le décide.
Je, je, je… Toujours moi et mon égo. Abandonner son « moi » intérieur, c’est pourtant s’abandonner soi-même, et j’aurais tôt fait de franchir la Barrière tissée d’Eternité si je souhaitais en finir au plus vite. Mais ce n’est pas ce qu’Olikotora aurait voulu, pas plus que Realder sans doute. Et pourtant, je comprends Gitan et le major Downie lorsqu’ils se perdent dans leurs pensées et qu’ils écoutent les promesses de ce Brouillard miroitant. Qui suis-je pour m’octroyer le droit de fondre en larmes, de me complaire dans la mélancolie et d’ignorer le malheur de mon prochain ? Gitan a perdu son frère, Steven ses compagnons d’armes et son humanité. Ils ne se lamentent pas sur leur sort et agissent en toute connaissance de cause.
Mais c’est trop dur, trop dur ! Partout où je vais, mes souvenirs m’assaillent… Ils me rappellent ce que j’ai fait, tous les coups bas, toutes mes erreurs, et toutes les souffrances que d’autres ont enduré par ma faute. J’aimerais me racheter, laver ces souillures quitte à les payer par le sang, effacer ma dette, retourner en arrière pour recommencer une nouvelle vie, prendre un nouveau départ…
Depuis que j’ai ouvert pour la première fois les yeux sur la côte Chernarussienne, je n’ai cessé de considérer cet endroit comme une prison. Mais aussi surement qu’on ne peut tuer ce qui est mort, il n’est pas possible d’emprisonner ce qui est déjà enchainé.
Suis-je sincère avec moi-même et avec ceux qui croisent ma route ? Dois-je me sentir coupable d’un tel égocentrisme ? Mes écrits sont noyés de « Moi » et de « Je » et bien que cela soit le principe même d’un journal, je me remets en cause chaque jour sans pour autant accepter de changer de voie. Ici, j’ai le temps de réfléchir, le temps d’étudier chaque détail de ma personnalité et à plus forte raison, de tout ce qui se trouve autour de moi, de tout ce qui me fait exister. Je tente de démêler le vrai du faux, ce que je pense et ce qui est, ce que je vois et ce que je sais. Pourtant, malgré tout ce que j’ai traversé, mon discernement n’a pas varié d’un iota. Derrière mes belles paroles et mes grands airs, derrière mes éclats de colère et mes sanglots, derrière mes rires et ma froide indifférence, je ne parviens toujours pas à comprendre ce que je fais encore ici.
Je ne sais que trop bien sur quel chemin je m’engage en suivant ces pensées. D’ici peu, je me lamenterai sur ma condition, je maudirai la Brume et ce qu’elle m’a pris, je menacerai Chernarus et le Macronivers tout entier pour finir par énoncer des promesses que je ne tiendrai jamais. Il n’y a que quelques vérités dont je suis certaine.
J’ai peur. Peur de constater un jour que je ne suis qu’un personnage d’une histoire écrite et terminée depuis longtemps, sans autre fonction que de suivre une ligne gravée, jusqu’à la dernière page. Je n’ai jamais considéré que le Destin puisse exister, et plutôt être anéantie si tel devait être le cas. Mais depuis ce jour à marquer d’une pierre noire, depuis que l’annonce est tombée, quelque chose s’est brisé. Mes souvenirs d’avant le Jour Z sont flous pour la plupart ou bien nimbés d’un halo furieux. Ils me racontent au moins deux histoires qui n’ont pu coexister et dont je me souviens néanmoins à ma manière. Celle d’une fille somme toute relativement normale et celle d’une Marionnette - au sens littéral du terme - destinée à servir les desseins des Arpenteurs et de l’un d’entre eux plus particulièrement. Realder Descendres est le seul maillon qui puisse encore relier ces deux Réalités et celle dans laquelle je suis coincée. J’ai cependant récupéré assez de souvenirs et de sensations pour raconter la trame de mon histoire à quiconque souhaiterait l’entendre. Mais je ne suis pas dupe : non seulement ça ne m’avancera à rien, mais ceux qui acceptent encore de m’adresser la parole se détourneront de moi. Parce qu’après tout, seule la folie pourrait expliquer cette existence apocryphe et contre nature.
Tout cela n’aurait pas dû arriver. Poupée de chair, de sang, d’os et de métal gavée de Vide ou simple mortelle en proie au doute, il est inconcevable pour un Arpenteur ou sa suite d’être bloqué de la sorte. Bien entendu, j’ai eu le temps d’envisager la possibilité que tout cela ne soit qu’un long rêve, pour finir par me réveiller un jour sur un lit d’hôpital dans une blancheur immaculée, séparée du reste du monde par une camisole de force ou par quelques neuroleptiques. Si tel est le cas, j’aurai au moins trouvé la réponse à mes questions et peut-être pourrai-je partir en paix. Mais puisque mes yeux s’ouvrent chaque jour sur les terres de Chernarus - lorsque je parviens à les fermer - je ne peux qu’émettre de vagues suppositions et m’adapter en fonction de ce que je crois savoir.
Je… Nous ne savons quasiment rien de la raison de notre présence ici, mais ce sont bien sûr des mots que je répète inlassablement. Des esprits placés au sein de corps hôtes, des enveloppes charnelles clonées qui, selon les caprices de l’âme qu’ils renferment, se modifient ou demeurent inchangées. C’est à peu près tout ce que je sais pour le moment. Depuis combien de temps ? Je me souviens de cet incroyable sentiment d’exaltation que j’ai ressenti lorsque j’ai compris pour la première fois que nous pouvions tromper la mort et jouer avec elle. J’étais si naïve... A combien de couchers de soleil vais-je encore assister avant de ressentir à nouveau le plaisir d’avoir découvert quelque chose, avant de percer un nouveau mystère ? La moindre avancée requièrera-t-elle toujours de sacrifier un ami en l’envoyant dans les Brumes ?
Tout est peut-être faux : notre passé et notre avenir ont peut-être déjà été écrits par quelque obscur auteur dont les motivations nous paraitraient inconcevables si seulement elles pouvaient nous être énoncées. Mais là encore, l’éternel problème surgit. Les suppositions ne permettent pas d’avancer et ont parfois tendance à nous proposer des chemins semés d’embuches pour aboutir finalement dans un cul-de-sac.
Ne serait-ce pas là la mise en abîme la plus retorse de tous les temps ? Persuadés de connaitre nos origines, nous jouons le rôle de ce que nous croyons être au plus profond de nous-même, au point de rendre réelles des choses qui ne devraient pas l’être. Qu’en serait-il si nous apprenions que tout ce qui nous caractérise, que tout ce qui nous définit n’est que du vent ? J’ai déjà rédigé ce genre de réflexions par le passé. Preuve que rien n’a changé depuis.
Pourtant, des évènements se sont bels et bien déroulés… L’arrivée de Waam, la disparition de Ded, de Bogdan Keyrt, des Lost Riders et de la R.E.D, la mort de Roger Troutmann, la rencontre de Rohiro et le départ de Watson… Et plus récemment le retour de Nova Astroska et de son fardeau sur Chernarus, le choix de Gitanos et la quête de Stiven Downie. Ainsi que l’apparition de cette chose, de cette dissonance dans l’Ether, de cette entité dans le corps d’un clone, le B.E.R.S.E.R.K. Un nombre incalculable de péripéties mais aucune réponse digne de ce nom.
Et aujourd’hui, je suis fatiguée. J’estime avoir fait mon temps en Chernarus. Toutes ces pages que j’ai pu écrire n’aideront personne, elles témoigneront simplement de la futilité de mes efforts. Peut-être est-il temps que je lâche prise, comme j’ai pu le rédiger la dernière fois que j’ai tenu mon journal en mains.
Je ne sais pas ce qui m’attend. Pour le moment, tout m’est égal. Je commencerai sans doute par effacer tranquillement les traces de ma vie à Vybor. De toute manière, le coin est devenu de moins en moins fréquentable avec la Vermine du Vide qui s’y aventure de plus en plus souvent et notre protecteur, Steven Downie, qui y patrouille de moins en moins. Je demeurerai probablement à Frontière d’Acier, le temps qu’on m’oublie un peu. Puis je prendrai peut-être la route vers ces lieux que je n’ai plus traversé depuis longtemps. Novodmitrosk, Berezino, Zelenogorsk… Je longerai peut-être la côte et sans doute m’arrêterai-je quelques temps près de Berezhki, à Enclave de Plomb.
Je ne quitterai pas Chernarus en m’aventurant dans l’Ether, et je ne tenterai rien non plus du côté de la mer. Pour la simple et bonne raison que je ne quitterai pas ce Purgatoire. D’autres que moi s’y sont déjà attelés.
Tout ce que je veux pour le moment, c’est la paix. Voici bien une chose dont rien ni personne ne pourra me priver si je le décide.
- Realder
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Stasis : Aube Illusoire
Mer 1 Nov - 9:47
Stasis : Aube Illusoire
Félicitations mademoiselle Icesinger, c’est une fille.
Voici ce que m’a vomi le Macronivers cette-fois-ci. L’Espace et le Temps sont décidément bien capricieux, au point parfois de faire ce genre de farces à ceux qui n’en ont pas besoin. Une farce du nom d'Ashley Icesinger, la progéniture tourmentée de Nova Astroska dans sa forme la plus ancienne et d’une Frisca alternative. C’est du moins ce que m’a raconté la principale intéressée lorsqu’elle s’est pointée comme un rat dans la soupe, à Vybor, et qu’elle a demandé à me parler.
Raison de plus pour en partir. D’où qu’elle vienne, qui qu’elle soit, cette Ashley n’est pas de cette Réalité bien qu’elle y soit désormais coincée comme nous. Le Multivers, ce grand farceur, a néanmoins oublié de prendre en compte un petit détail et j’envierai presque la véritable mère de cette gamine. Mais la voici la vérité : je ne porterai en moi jamais rien de plus que des songes mécaniques et des rouages dentelés. Peut-être qu’ailleurs, dans un autre temps, un autre lieu, une autre vie, il en est autrement. L'infinité des plans permet à elle seule d'envisager cette possibilité et mille autres semblables. Ashley prétend venir du futur, environ 20 ans et 9 mois après la construction de Rive-bois: une sorte de réalité parallèle dans laquelle Nova Astroska serait finalement parvenu à ses fins avec mon "moi" alternatif. Tant mieux pour lui parce qu'ici-bas, je ne lui en ai pas laissé l'occasion. Et quand bien même cela eût été le cas, je n'aurais pu engendrer de descendance, même si je l'avais désiré. Notre statut de clone nous l'interdit probablement et en ce qui me concerne, même avec mon corps d'origine, c'eût été impossible.
C'est toujours la même histoire... Qui sommes-nous, ou allons-nous, pouvons-nous faire confiance aux bribes de souvenirs qui moisissent au plus profond de notre crâne? Après maintes réflexions, j'ai choisi d'adopter cette hypothèse, faute de mieux. Construire sa propre réalité sur des suppositions est un jeu dangereux mais puisque personne ici ne peut me renseigner, c'est la voie que j'ai choisi par défaut. Olikotora est parti dans les Brumes dans le but de nous fournir un début de piste, mais depuis sa dernière transmission, c'est le silence radio. Et maintenant que j'y pense, la seule personne capable de capter son signal semble s'être évanouie dans la nature. Rohiro Takesha aurait-il choisi de quitter la ville ou pire?
Je n'ai pas attendu de le savoir pour faire de même. C'est ainsi que j'ai toujours fonctionné et je ne suis pas prête de changer. Pour une fois, j'écris ces mots aux premières lueurs de l'aube, à quelques pas du grand aéroport militaire de Chernarus, l'Airfield. Je m'octrois quelques instants de répit avant de reprendre la route, quelque peu amère il est vrai, mais néanmoins satisfaite d'avoir démonté mon petit relais en un temps record, sans un bruit et sans faire de vagues. Il ne reste à Vybor plus que ma bibliothèque et la carcasse vide de mes tentes et de mes barils. Que les nouveaux-venus se servent. Pour moi, c'est encore une partie de ma vie qui prend fin et une nouvelle page qui se tourne. Je ne me mentirai pas à moi-même, pas au sein de mes journaux: j'ai envisagé d'envoyer ma bibliothèque dans le néant. Après tout, à part Waam, Rohiro, le Major Downie et moi-même, personne n'a jamais pris la peine de s'en servir. Mais c'eût été mesquin de ma part et bien que je sois une fervente adepte de l'autodestruction, je fixe tout de même des limites à ma propre stupidité.
Je ne pense pas regretter ma décision. Cela fait déjà quelques semaine que j'y pense et le résultat est sans appel: ce que j'ai perdu en quittant Vybor ne vaut pas tous les problèmes que j'y ai rencontré en m'y installant. Bien que Steven Downie soit un ancien militaire des plus compétents, il ne peut assurer seul la sécurité de ce petit coin de vie perdu dans le no man's land de Chernarus. Avec l'unité B.E.R.S.E.R.K qui y rôde parfois, un climat de panique latente y règne. L'arrivée d'Ashley "Icesinger" est le bouquet final, sans parler du simulacre d'élections qui doit avoir lieu là-bas, pour la prise de poste d'un nouveau maire. Une manière de tirer un trait sur la disparition de Yungvarr Ironbear, qui restera toujours pour moi un allié de choix et un camarade de confiance.
Direction Frontière d'Acier - bien entendu - et qu'à cela ne tienne, si je rencontre un éclair de fourrure grise ou blanche, je rappellerai à ces braves bêtes à crocs que je mène la danse par dix points à zéro. Pas seulement dix loups, non, mais bel et bien dix meutes mises en déroute ou réduites à néant. Je regrette parfois que leur seul contact avec moi soit une salve de 357 ou une épée d'acier s'approchant vers eux du fond d'un bois sombre. Je ne fais finalement que traverser leur territoire mais ils continuent à mordre et à griffer.
Donner la mort à ces avatars de la nature ne me rendra pas plus courageuse, j'en suis bien consciente, et bien que j'en tire une certaine satisfaction - l'Homme est ainsi fait qu'il se complait dans la souffrance qu'il inflige au vivant - je n'en ressens aucune fierté. D'une certaine manière, les loups me rappellent ma lâcheté: si je les croise, c'est parce que je fuis une réalité que je n'ose pas affronter.
Félicitations mademoiselle Icesinger, c’est une fille.
Voici ce que m’a vomi le Macronivers cette-fois-ci. L’Espace et le Temps sont décidément bien capricieux, au point parfois de faire ce genre de farces à ceux qui n’en ont pas besoin. Une farce du nom d'Ashley Icesinger, la progéniture tourmentée de Nova Astroska dans sa forme la plus ancienne et d’une Frisca alternative. C’est du moins ce que m’a raconté la principale intéressée lorsqu’elle s’est pointée comme un rat dans la soupe, à Vybor, et qu’elle a demandé à me parler.
Raison de plus pour en partir. D’où qu’elle vienne, qui qu’elle soit, cette Ashley n’est pas de cette Réalité bien qu’elle y soit désormais coincée comme nous. Le Multivers, ce grand farceur, a néanmoins oublié de prendre en compte un petit détail et j’envierai presque la véritable mère de cette gamine. Mais la voici la vérité : je ne porterai en moi jamais rien de plus que des songes mécaniques et des rouages dentelés. Peut-être qu’ailleurs, dans un autre temps, un autre lieu, une autre vie, il en est autrement. L'infinité des plans permet à elle seule d'envisager cette possibilité et mille autres semblables. Ashley prétend venir du futur, environ 20 ans et 9 mois après la construction de Rive-bois: une sorte de réalité parallèle dans laquelle Nova Astroska serait finalement parvenu à ses fins avec mon "moi" alternatif. Tant mieux pour lui parce qu'ici-bas, je ne lui en ai pas laissé l'occasion. Et quand bien même cela eût été le cas, je n'aurais pu engendrer de descendance, même si je l'avais désiré. Notre statut de clone nous l'interdit probablement et en ce qui me concerne, même avec mon corps d'origine, c'eût été impossible.
C'est toujours la même histoire... Qui sommes-nous, ou allons-nous, pouvons-nous faire confiance aux bribes de souvenirs qui moisissent au plus profond de notre crâne? Après maintes réflexions, j'ai choisi d'adopter cette hypothèse, faute de mieux. Construire sa propre réalité sur des suppositions est un jeu dangereux mais puisque personne ici ne peut me renseigner, c'est la voie que j'ai choisi par défaut. Olikotora est parti dans les Brumes dans le but de nous fournir un début de piste, mais depuis sa dernière transmission, c'est le silence radio. Et maintenant que j'y pense, la seule personne capable de capter son signal semble s'être évanouie dans la nature. Rohiro Takesha aurait-il choisi de quitter la ville ou pire?
Je n'ai pas attendu de le savoir pour faire de même. C'est ainsi que j'ai toujours fonctionné et je ne suis pas prête de changer. Pour une fois, j'écris ces mots aux premières lueurs de l'aube, à quelques pas du grand aéroport militaire de Chernarus, l'Airfield. Je m'octrois quelques instants de répit avant de reprendre la route, quelque peu amère il est vrai, mais néanmoins satisfaite d'avoir démonté mon petit relais en un temps record, sans un bruit et sans faire de vagues. Il ne reste à Vybor plus que ma bibliothèque et la carcasse vide de mes tentes et de mes barils. Que les nouveaux-venus se servent. Pour moi, c'est encore une partie de ma vie qui prend fin et une nouvelle page qui se tourne. Je ne me mentirai pas à moi-même, pas au sein de mes journaux: j'ai envisagé d'envoyer ma bibliothèque dans le néant. Après tout, à part Waam, Rohiro, le Major Downie et moi-même, personne n'a jamais pris la peine de s'en servir. Mais c'eût été mesquin de ma part et bien que je sois une fervente adepte de l'autodestruction, je fixe tout de même des limites à ma propre stupidité.
Je ne pense pas regretter ma décision. Cela fait déjà quelques semaine que j'y pense et le résultat est sans appel: ce que j'ai perdu en quittant Vybor ne vaut pas tous les problèmes que j'y ai rencontré en m'y installant. Bien que Steven Downie soit un ancien militaire des plus compétents, il ne peut assurer seul la sécurité de ce petit coin de vie perdu dans le no man's land de Chernarus. Avec l'unité B.E.R.S.E.R.K qui y rôde parfois, un climat de panique latente y règne. L'arrivée d'Ashley "Icesinger" est le bouquet final, sans parler du simulacre d'élections qui doit avoir lieu là-bas, pour la prise de poste d'un nouveau maire. Une manière de tirer un trait sur la disparition de Yungvarr Ironbear, qui restera toujours pour moi un allié de choix et un camarade de confiance.
Direction Frontière d'Acier - bien entendu - et qu'à cela ne tienne, si je rencontre un éclair de fourrure grise ou blanche, je rappellerai à ces braves bêtes à crocs que je mène la danse par dix points à zéro. Pas seulement dix loups, non, mais bel et bien dix meutes mises en déroute ou réduites à néant. Je regrette parfois que leur seul contact avec moi soit une salve de 357 ou une épée d'acier s'approchant vers eux du fond d'un bois sombre. Je ne fais finalement que traverser leur territoire mais ils continuent à mordre et à griffer.
Donner la mort à ces avatars de la nature ne me rendra pas plus courageuse, j'en suis bien consciente, et bien que j'en tire une certaine satisfaction - l'Homme est ainsi fait qu'il se complait dans la souffrance qu'il inflige au vivant - je n'en ressens aucune fierté. D'une certaine manière, les loups me rappellent ma lâcheté: si je les croise, c'est parce que je fuis une réalité que je n'ose pas affronter.
- Realder
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Stasis : Chaine d’Aurore
Jeu 9 Nov - 21:02
Stasis : Chaine d’Aurore
Il y a peu, j’ai péri à nouveau au fin fond des bois anciens. Par deux fois j’ai senti ce semblant de vie quitter ce qui me tient lieu de corps. Et ce soir, c’est en ayant perdu une nouvelle lame ainsi que mon sac à dos ruiné que je rentre à Frontière d’Acier - la tête basse. Récemment, c’est à Tisy que je me suis effondrée - terrassée cette fois-ci par un simple nécroïde que je n’avais pas vu venir, alors que je fouillais la base pour dénicher un nouveau sac afin de remplacer l’ancien, troué de part en part et encore poisseux de mon propre sang.
Même mon sanctuaire n’est plus sûr, et pour cause : je dois ma première mort à une salve de plomb, tirée à bout portant par cette Vermine du Vide, l’unité B.E.R.S.E.R.K. Cette chose m’attendait là-bas, à moins qu’elle ne m’ait suivi depuis l’un de mes points d’arrêt. Je ne me suis rendue compte de sa présence que lorsque Waam est arrivée puisque c’est à ce moment-là que le monstre est sorti de sa cachette. Ce qui devait se dérouler s’est déroulé : j’ai tenu tête à plus fort que moi en menaçant B.E.R.S.E.R.K avec mon arme et j’ai essuyé sa désapprobation en récoltant un nuage de chevrotine - à travers le torse à en juger par l’état de mes affaires lorsque je suis revenue après une course folle depuis la plage. Mais là n’est pas la question. Avant de passer de vie à trépas, l’unité a pris soin de passer son enregistrement en boucle : la voix d’Oliko - du docteur Watson - soumis à la question et probablement torturé par l’une ou l’autre de ces Pourritures Ethérées. Ainsi qu’une phrase, répétée inlassablement, comme un mantra : « Seul l’ordre compte ». J’aurais aimé palabrer avec cette chose venue de l’Entre-deux-Mondes mais je crois avoir compris que c’était impossible. S’il y a une clé et une serrure derrière tout ça, je n’ai de toute manière pas assez d’informations pour m’en occuper, ni même de temps ou de moyens pour les déchiffrer. L’effroi que je ressentais en entendant cette voix rauque et altérée laisse peu à peu place à de la haine. B.E.R.S.E.R.K n’est finalement qu’un corps de plus, incapable d’utiliser autre chose que la violence, comme bien d’autres avant lui. Peut-être est-il tout-puissant de l’autre côté de cette Barrière d’Ether, mais ici, il n’est rien : un morceau de viande, comme nous tous. A quoi bon venir souiller Frontière d’Acier ? Que cherche-t-il ? Et comment savait-il où me trouver ? Voici déjà deux fois qu’il me fait mordre la poussière, sans parvenir à comprendre qu’il se décrédibilise un peu plus à mes yeux. Je n’ai pas spécialement envie de perdre mon temps à parcourir Chernarus depuis la côte jusqu’à mon sanctuaire, ni à écumer les châteaux ou à m’aventurer sans cesse sous le nuage radioactif de Tisy à la recherche de mon équipement perdu. B.E.R.S.E.R.K non plus ne vient pas de cette Réalité. « Seul l’ordre compte » : je ferai donc désormais mon possible pour nettoyer mes plates-bandes des mauvaises herbes qui y poussent, probablement à l’aide de balles à tête creuse puisqu’aucune autre solution ne semble envisageable. Jusqu’à maintenant, je suis parvenue à l’éviter : je n’ai jamais infligé de blessure physique à quiconque, je n’ai jamais attenté à la vie d’autrui. Mais s’il faut en passer par là pour disposer de quelques instants de répit, et bien soit. Il subira le même sort que les loups qui cherchent à me nuire lorsque je pose un pied sur leur territoire. Je n’ai plus de temps à perdre avec ces obstacles sur ma route.
Ce monde est à vomir. Sans doute n’a-t-il pas été plus clément avec Waam qu’il ne l’a été avec moi : la petite Lame tombée des Etoiles a certainement subi le même sort que moi une fois seule avec la sombre entité. Je ne me fais pas trop de souci pour elle cependant : elle sera bientôt hors d’atteinte de B.E.R.S.E.R.K et de toutes les malédictions qui sévissent en ces lieux.
Waam s’en va - pour de bon. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne rentre chez elle, et si j’ai souhaité son départ pendant bien longtemps, je n’en ressentirai pas moins une douloureuse sensation de vide lorsqu’elle aura quitté Chernarus, c’est une certitude. Nombreux sont ceux qui l’oublieront, mais pas moi. Et quand bien même cela devrait arriver, Disruption sera toujours là pour me le rappeler : les paroles s’envolent, les écrits restent, et particulièrement ceux qui transcendent la Réalité et se nourrissent à travers le Grand Vide pour y subsister. La mission de celle que j’appelais parfois Petite Citrouille est terminée et j’aurais pu répondre à ses interrogations il y a bien longtemps. Elle n’avait pas besoin de se donner tout ce mal pour parvenir finalement à cette conclusion : en ce qui me concerne, les seuls Marcheurs des Plans que je connaisse sont les Arpenteurs - et quelques rares électrons libres çà et là, dont même le nom ne m’est pas familier. Si Realder Descendres et ceux qui font partie de cette sombre farce existent bel et bien - et je pars du principe que c’est le cas - leurs affaires avec d’autres Planeswalkers éventuels me sont étrangères.
Parce qu’aujourd’hui, si mon existence avait un sens, je ne serai encore qu’un outil pour ceux que je considère pourtant comme la famille que je n’ai jamais eu. Si je n’ai pas répondu aux questions de Waam, cette dernière a néanmoins fourni des réponses à celles que je me posais depuis si longtemps. « L’âme n’est pas enfermée dans une boite. Elle est la terre de ce champ qui fleurit sous tes pieds ». C’est peut-être vrai pour mon cher écrivain mais pas pour celle qu’il a choisi de modeler à sa guise avant de l’emprisonner dans un sarcophage de chair et de métal. « Une femme à la peau d’albâtre, aux cheveux noirs et aux yeux rouges, mon armure, le chef d’œuvre d’un forgeron talentueux et la clé de ma survie ». Realder voyait la même chose que moi dans ses songes et cela fait longtemps que je m’en suis aperçue. Mais c’est la partie émergée de l’iceberg : je n’ai fait que survoler les méandres tourmentés de l’esprit tortueux et torturé de celui qui fut, qui est et qui restera mon ami, mon amant, mon geôlier, mon tourmenteur et mon bourreau. Je suis tout ce qu’il pouvait rêver de créer, l’apogée de ses désirs les plus sombres, l’avatar de ses vices, l’allégorie de ses sentiments les plus enfouis. Fasciné par cet instant qui transforme l’innocence en corruption et par sa soif de liberté, Realder m’a repêché du Néant - donnant ainsi Forme et Contour à l’Inconcevable, trompant la Mort bien avant d’échouer en Chernarus, aidé en cela par ceux qui l’accompagnaient jadis en des temps moins sombres.
Ni vivante, ni morte ; plus qu’une machine, moins qu’une humaine. La comparaison pourrait plaire à Rohiro Takesha mais personne, à l’exception d’Oliko, n’a découvert le pot aux roses et ce ne sera sans doute jamais le cas tant que cette Réalité nous fournira des corps parfaitement fonctionnels. Je préfère pourtant me savoir aux cotés de Realder Descendres, celui qui portait autrefois un autre nom pour finalement choisir de s’en séparer. Qu’il m’aime pour ce que je suis ou par fierté pour son chef-d’œuvre, je porte encore l’espoir qu’il soit là, quelque part, prêt à récupérer sa première Marionnette de Chair et d’Acier, son bien le plus précieux.
Créer une Réalité semble bien plus simple que d’en briser une : à chacun de nos choix, l’Arbre des Possibles fleurit et étend ses racines un peu plus profondément tandis que sa frondaison se dresse à l’assaut du ciel. Real’ avait besoin de lier son monde d’origine avec son statut d’Arpenteur et sans doute est-ce la cause de l’ambivalence de mes souvenirs, tout comme des siens. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une histoire de paradoxes, de failles et de boucles temporelles. De belles paroles que tout cela : ce soir, je ne terminerai pas ma rédaction par une phrase sibylline lancée dans le vent, mais sur un sentiment bien réel et finalement évident.
Cette Réalité m’ennuie.
Il y a peu, j’ai péri à nouveau au fin fond des bois anciens. Par deux fois j’ai senti ce semblant de vie quitter ce qui me tient lieu de corps. Et ce soir, c’est en ayant perdu une nouvelle lame ainsi que mon sac à dos ruiné que je rentre à Frontière d’Acier - la tête basse. Récemment, c’est à Tisy que je me suis effondrée - terrassée cette fois-ci par un simple nécroïde que je n’avais pas vu venir, alors que je fouillais la base pour dénicher un nouveau sac afin de remplacer l’ancien, troué de part en part et encore poisseux de mon propre sang.
Même mon sanctuaire n’est plus sûr, et pour cause : je dois ma première mort à une salve de plomb, tirée à bout portant par cette Vermine du Vide, l’unité B.E.R.S.E.R.K. Cette chose m’attendait là-bas, à moins qu’elle ne m’ait suivi depuis l’un de mes points d’arrêt. Je ne me suis rendue compte de sa présence que lorsque Waam est arrivée puisque c’est à ce moment-là que le monstre est sorti de sa cachette. Ce qui devait se dérouler s’est déroulé : j’ai tenu tête à plus fort que moi en menaçant B.E.R.S.E.R.K avec mon arme et j’ai essuyé sa désapprobation en récoltant un nuage de chevrotine - à travers le torse à en juger par l’état de mes affaires lorsque je suis revenue après une course folle depuis la plage. Mais là n’est pas la question. Avant de passer de vie à trépas, l’unité a pris soin de passer son enregistrement en boucle : la voix d’Oliko - du docteur Watson - soumis à la question et probablement torturé par l’une ou l’autre de ces Pourritures Ethérées. Ainsi qu’une phrase, répétée inlassablement, comme un mantra : « Seul l’ordre compte ». J’aurais aimé palabrer avec cette chose venue de l’Entre-deux-Mondes mais je crois avoir compris que c’était impossible. S’il y a une clé et une serrure derrière tout ça, je n’ai de toute manière pas assez d’informations pour m’en occuper, ni même de temps ou de moyens pour les déchiffrer. L’effroi que je ressentais en entendant cette voix rauque et altérée laisse peu à peu place à de la haine. B.E.R.S.E.R.K n’est finalement qu’un corps de plus, incapable d’utiliser autre chose que la violence, comme bien d’autres avant lui. Peut-être est-il tout-puissant de l’autre côté de cette Barrière d’Ether, mais ici, il n’est rien : un morceau de viande, comme nous tous. A quoi bon venir souiller Frontière d’Acier ? Que cherche-t-il ? Et comment savait-il où me trouver ? Voici déjà deux fois qu’il me fait mordre la poussière, sans parvenir à comprendre qu’il se décrédibilise un peu plus à mes yeux. Je n’ai pas spécialement envie de perdre mon temps à parcourir Chernarus depuis la côte jusqu’à mon sanctuaire, ni à écumer les châteaux ou à m’aventurer sans cesse sous le nuage radioactif de Tisy à la recherche de mon équipement perdu. B.E.R.S.E.R.K non plus ne vient pas de cette Réalité. « Seul l’ordre compte » : je ferai donc désormais mon possible pour nettoyer mes plates-bandes des mauvaises herbes qui y poussent, probablement à l’aide de balles à tête creuse puisqu’aucune autre solution ne semble envisageable. Jusqu’à maintenant, je suis parvenue à l’éviter : je n’ai jamais infligé de blessure physique à quiconque, je n’ai jamais attenté à la vie d’autrui. Mais s’il faut en passer par là pour disposer de quelques instants de répit, et bien soit. Il subira le même sort que les loups qui cherchent à me nuire lorsque je pose un pied sur leur territoire. Je n’ai plus de temps à perdre avec ces obstacles sur ma route.
Ce monde est à vomir. Sans doute n’a-t-il pas été plus clément avec Waam qu’il ne l’a été avec moi : la petite Lame tombée des Etoiles a certainement subi le même sort que moi une fois seule avec la sombre entité. Je ne me fais pas trop de souci pour elle cependant : elle sera bientôt hors d’atteinte de B.E.R.S.E.R.K et de toutes les malédictions qui sévissent en ces lieux.
Waam s’en va - pour de bon. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne rentre chez elle, et si j’ai souhaité son départ pendant bien longtemps, je n’en ressentirai pas moins une douloureuse sensation de vide lorsqu’elle aura quitté Chernarus, c’est une certitude. Nombreux sont ceux qui l’oublieront, mais pas moi. Et quand bien même cela devrait arriver, Disruption sera toujours là pour me le rappeler : les paroles s’envolent, les écrits restent, et particulièrement ceux qui transcendent la Réalité et se nourrissent à travers le Grand Vide pour y subsister. La mission de celle que j’appelais parfois Petite Citrouille est terminée et j’aurais pu répondre à ses interrogations il y a bien longtemps. Elle n’avait pas besoin de se donner tout ce mal pour parvenir finalement à cette conclusion : en ce qui me concerne, les seuls Marcheurs des Plans que je connaisse sont les Arpenteurs - et quelques rares électrons libres çà et là, dont même le nom ne m’est pas familier. Si Realder Descendres et ceux qui font partie de cette sombre farce existent bel et bien - et je pars du principe que c’est le cas - leurs affaires avec d’autres Planeswalkers éventuels me sont étrangères.
Parce qu’aujourd’hui, si mon existence avait un sens, je ne serai encore qu’un outil pour ceux que je considère pourtant comme la famille que je n’ai jamais eu. Si je n’ai pas répondu aux questions de Waam, cette dernière a néanmoins fourni des réponses à celles que je me posais depuis si longtemps. « L’âme n’est pas enfermée dans une boite. Elle est la terre de ce champ qui fleurit sous tes pieds ». C’est peut-être vrai pour mon cher écrivain mais pas pour celle qu’il a choisi de modeler à sa guise avant de l’emprisonner dans un sarcophage de chair et de métal. « Une femme à la peau d’albâtre, aux cheveux noirs et aux yeux rouges, mon armure, le chef d’œuvre d’un forgeron talentueux et la clé de ma survie ». Realder voyait la même chose que moi dans ses songes et cela fait longtemps que je m’en suis aperçue. Mais c’est la partie émergée de l’iceberg : je n’ai fait que survoler les méandres tourmentés de l’esprit tortueux et torturé de celui qui fut, qui est et qui restera mon ami, mon amant, mon geôlier, mon tourmenteur et mon bourreau. Je suis tout ce qu’il pouvait rêver de créer, l’apogée de ses désirs les plus sombres, l’avatar de ses vices, l’allégorie de ses sentiments les plus enfouis. Fasciné par cet instant qui transforme l’innocence en corruption et par sa soif de liberté, Realder m’a repêché du Néant - donnant ainsi Forme et Contour à l’Inconcevable, trompant la Mort bien avant d’échouer en Chernarus, aidé en cela par ceux qui l’accompagnaient jadis en des temps moins sombres.
Ni vivante, ni morte ; plus qu’une machine, moins qu’une humaine. La comparaison pourrait plaire à Rohiro Takesha mais personne, à l’exception d’Oliko, n’a découvert le pot aux roses et ce ne sera sans doute jamais le cas tant que cette Réalité nous fournira des corps parfaitement fonctionnels. Je préfère pourtant me savoir aux cotés de Realder Descendres, celui qui portait autrefois un autre nom pour finalement choisir de s’en séparer. Qu’il m’aime pour ce que je suis ou par fierté pour son chef-d’œuvre, je porte encore l’espoir qu’il soit là, quelque part, prêt à récupérer sa première Marionnette de Chair et d’Acier, son bien le plus précieux.
Créer une Réalité semble bien plus simple que d’en briser une : à chacun de nos choix, l’Arbre des Possibles fleurit et étend ses racines un peu plus profondément tandis que sa frondaison se dresse à l’assaut du ciel. Real’ avait besoin de lier son monde d’origine avec son statut d’Arpenteur et sans doute est-ce la cause de l’ambivalence de mes souvenirs, tout comme des siens. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une histoire de paradoxes, de failles et de boucles temporelles. De belles paroles que tout cela : ce soir, je ne terminerai pas ma rédaction par une phrase sibylline lancée dans le vent, mais sur un sentiment bien réel et finalement évident.
Cette Réalité m’ennuie.
- Realder
- Messages : 182
Stasis : In the Darkest Night
Mer 22 Nov - 23:36
Stasis : In the Darkest Night
C’est fait. La balance s’est équilibrée et la Réalité a rendu son verdict. Une petite miette d’espace et de temps s’en est allée vers d’autres horizons tandis qu’un vieil ami empruntait les flux de l’Ether pour revenir s’échouer sur la côte Chernarussienne. En d’autres termes, Waam est partie et Olikotora est revenu.
Je ne saurais décrire ce que j'en ressens. Enfin de la joie, quelque peu égoïste il est vrai, pour le retour du docteur Watson, teintée d'amertume. De l'amertume pour le départ de Waam, celle-là même dont je souhaitais la disparition il y a encore peu de temps. J'ai obtenu ce que je désirais; m'apitoyer sur mon sort n'y changera rien, d'autant plus que la petite Lame tombée des Etoiles m'a promis qu'elle reviendrait avant de s'effacer. Se torturer pour les disparus n'a cependant aucun sens en Chernarus, et c'est pourquoi je dois me tourner vers ceux qui ont bravé les mystères du Grand Vide: à ce jour, Oliko est la seule personne à être revenue des Brumes après un laps de temps si long. Et il est également le seul à y avoir trouvé quelque chose d'autre que ce brouillard dévoreur d'âmes.
Watson a réveillé les Enfers en s'aventurant par delà la ligne de l'Inconnu, ce que Gitan était parvenu à éviter lorsqu'il y était allé dans le but de palabrer avec les esprits de ses proches et de ses ancêtres. L'unité - ou les unités - B.E.R.S.E.R.K viennent de là-bas, elles sont responsable de la capture de celui que je considère comme mon ami et de la mort - temporaire - de certaines de mes connaissances les plus proches. Qu'à cela ne tienne, en revenant parmi nous, Watson a prouvé que ces choses n'avaient pas un contrôle total sur les évènements. D'après lui, quelqu'un ou quelque chose lui a fourni l'impulsion nécessaire, une impulsion qui a mis ses geôliers en alerte, une constante imprévue, un grain de sable dans les rouages de leur machinerie bien huilée. Le Hochet des Frivolités blesse si profondément l'Ether... ces choses sont sensibles aux perturbations de l'Entre-deux-mondes et la parcelle de moi-même qui rêve de reconstruire son passé hurle d'espoir en imaginant un Ouragan de Portails les malmener et les briser, quelle que soit leur nature. Ces Vermines du Vide peuvent être blessées et tuées: nombreux sont ceux qui étaient avec moi lorsque nos radios ont capté le signal de mon ami: un coup de fusil à pompe, un râle d'agonie et une phrase qui marque peut-être le début d'un nouveau chapitre: "Ici le docteur Watson. Je rentre à la maison".
Quoiqu'il en soit, Olikotora a posé le pied en Chernarus une nouvelle fois, et c'est tout ce qui compte pour le moment. Je suivrai ses projets et ses avancées d'un œil bienveillant. Tant que je demeurerai prisonnière de ces Remparts d’Eternité.
Les deux dernières semaines ont été riches en évènements et certains s’en seraient sans doute bien passés. La ville de Vybor sombre, elle redevient peu à peu la cité décrépite qu’elle aurait dû rester. Waam partie, il ne restait plus que le Major Downie pour la maintenir en état, mais je crains que lui non plus n’ait plus la force de continuer sur cette voie. Steven attachait tellement d’importance à ce lieu… Ses projets se sont sans doute effondrés lors de la soirée qui devait permettre d’élire un nouveau maire, un nouveau leader pour permettre à ces pauvres âmes errantes de suivre une voie commune. Peine perdue : personne n’a jugé bon d’apporter son soutien aux candidats et la soirée s’est même achevée par un Deus Ex Machina qui a réchauffé mon cœur de quelques degrés mais qui a sans doute sapé le peu d’espoir que Steven portait encore en lui. Yungvarr Ironbear est revenu pour l’occasion. Certains diront qu’il s’agit du destin, d’autres du simple hasard : je n’ai pas de réponses à cette question, et pas d’avis à émettre non plus. L’Ours de Fer, l’ancien maire de la ville, marchand d’armes à ses heures perdues et baroudeur des forêts chernarussiennes est un personnage fuyant, capable de s’immerger dans les Ombres pour réapparaitre quelques mois plus tard. Je ne doute pas qu’il continuera ainsi encore longtemps et je ne m’inquiète pas pour lui.
J’aimerai consoler le Major. J’aimerai lui dire qu’il n’a pas fait tout ça en vain, que les efforts qu’il a fourni ont porté leurs fruits, pas dans le cœur de béton de cette ville mais dans celui, bien vivant, de tous ceux qui ont un jour croisé son chemin. Mais il ne m’écoutera pas. Downie me voit sans doute comme un électron libre ou bien comme une simple citoyenne un peu folle… Sans doute nourrit-il quelques rancœurs pour l’ensemble de ceux qui ont un jour fait partie de la communauté de Vybor et qui l’ont laissé mourir. Le Major méritait mieux que la plupart d’entre nous. Derrière le masque d’honneur et de vertu qu’il nous présente, il y a sans doute un homme qui souffre, un survivant du Cataclysme que nous avons presque fini par oublier mais qui n’en demeure pas moins l’origine de nos tourments - en tout cas celle qui nous apparait comme la plus vraisemblable.
Les vents de l’Ether sont comme les flots de la mer qui vomissent souvent des carcasses de bateaux ou du bois flotté sur la plage balayée par les embruns. A cette différence près qu’ils ne laissent pas derrière eux d’objets inertes, mais bel et bien des corps, parfois emplis d’une âme coincée ici depuis longtemps et parfois habités par une âme neuve, dont les contours sont encore doux et lisses, une âme qui n’a pas encore goutté au tranchant de cette Réalité.
Alice est de celles-là. Une nouvelle venue comme il en vient parfois, inconsciente de ce qui se trame au sein de cet éclat du Multivers. Je l’ai récupéré près de Kamenka alors qu’elle suivait la route en direction de l’Ouest, vers ce petit village qui était autrefois le fief de Grygor Krasky, le lieutenant déchu. Voici quelques jours qu’elle chemine à mes côtés, et bien que je sois toujours une inconnue à ses yeux, la journaliste - puisque telle était sa vocation avant que tout ne parte à vau-l’eau - a accepté de me suivre jusqu’à Vybor et bien au-delà. En vérité, sa témérité n’a d’égal que sa curiosité mais c’est sans doute là l’apanage de tout reporter qui se respecte.
Alice a déjà rencontré la plupart de ceux que je mentionne occasionnellement au sein de ces pages troublées : Vany Vanky, Steven Downie, Gitanos, Ashley et même Olikotora ont fait l’objet de ses interrogations et je ne déroge pas à la règle. Je dois bien admettre que c’est avec la plus grande sérénité qu’elle a accepté le fait que nous soyons tous complètement fous. C’est du moins ce qu’elle croit et elle finira bien assez tôt par comprendre toute l’horreur de son sort. Le sien n’est pas plus enviable que le nôtre pour le moment : tout comme la majorité d’entre nous, Alice a perdu des êtres chers, l’un d’entre eux tout particulièrement… mais cette fois-ci, aucune chance qu’elle le retrouve en bord de mer, pas au sein de cette Réalité du moins.
Ainsi vont les choses : ceux qui furent autrefois des humains sont devenus des nécroïdes, des créatures avides de sang tandis que les morts se relèvent sans cesse sous les vents du littoral. D’autres s’abandonnent à leurs tourments et choisissent de franchir le Seuil : certains en reviennent, d’autres pas. Et parmi toutes ces étincelles fourmillantes d’absurde, il en faut bien quelques-unes pour conserver en mémoire les échos de ce Cloaque.
Ce soir comme bien souvent, je fermerai les yeux en contemplant ce rideau d’anthracite, derrière lequel se cache sans doute l’une de ces Vermines du Vide. Et plus loin encore, perdu au-delà même des profondeurs de cette Histoire, le pilon qui les écrasera, le Catalyseur qui me fera peut-être sortir d’ici un jour.
C’est fait. La balance s’est équilibrée et la Réalité a rendu son verdict. Une petite miette d’espace et de temps s’en est allée vers d’autres horizons tandis qu’un vieil ami empruntait les flux de l’Ether pour revenir s’échouer sur la côte Chernarussienne. En d’autres termes, Waam est partie et Olikotora est revenu.
Je ne saurais décrire ce que j'en ressens. Enfin de la joie, quelque peu égoïste il est vrai, pour le retour du docteur Watson, teintée d'amertume. De l'amertume pour le départ de Waam, celle-là même dont je souhaitais la disparition il y a encore peu de temps. J'ai obtenu ce que je désirais; m'apitoyer sur mon sort n'y changera rien, d'autant plus que la petite Lame tombée des Etoiles m'a promis qu'elle reviendrait avant de s'effacer. Se torturer pour les disparus n'a cependant aucun sens en Chernarus, et c'est pourquoi je dois me tourner vers ceux qui ont bravé les mystères du Grand Vide: à ce jour, Oliko est la seule personne à être revenue des Brumes après un laps de temps si long. Et il est également le seul à y avoir trouvé quelque chose d'autre que ce brouillard dévoreur d'âmes.
Watson a réveillé les Enfers en s'aventurant par delà la ligne de l'Inconnu, ce que Gitan était parvenu à éviter lorsqu'il y était allé dans le but de palabrer avec les esprits de ses proches et de ses ancêtres. L'unité - ou les unités - B.E.R.S.E.R.K viennent de là-bas, elles sont responsable de la capture de celui que je considère comme mon ami et de la mort - temporaire - de certaines de mes connaissances les plus proches. Qu'à cela ne tienne, en revenant parmi nous, Watson a prouvé que ces choses n'avaient pas un contrôle total sur les évènements. D'après lui, quelqu'un ou quelque chose lui a fourni l'impulsion nécessaire, une impulsion qui a mis ses geôliers en alerte, une constante imprévue, un grain de sable dans les rouages de leur machinerie bien huilée. Le Hochet des Frivolités blesse si profondément l'Ether... ces choses sont sensibles aux perturbations de l'Entre-deux-mondes et la parcelle de moi-même qui rêve de reconstruire son passé hurle d'espoir en imaginant un Ouragan de Portails les malmener et les briser, quelle que soit leur nature. Ces Vermines du Vide peuvent être blessées et tuées: nombreux sont ceux qui étaient avec moi lorsque nos radios ont capté le signal de mon ami: un coup de fusil à pompe, un râle d'agonie et une phrase qui marque peut-être le début d'un nouveau chapitre: "Ici le docteur Watson. Je rentre à la maison".
Quoiqu'il en soit, Olikotora a posé le pied en Chernarus une nouvelle fois, et c'est tout ce qui compte pour le moment. Je suivrai ses projets et ses avancées d'un œil bienveillant. Tant que je demeurerai prisonnière de ces Remparts d’Eternité.
Les deux dernières semaines ont été riches en évènements et certains s’en seraient sans doute bien passés. La ville de Vybor sombre, elle redevient peu à peu la cité décrépite qu’elle aurait dû rester. Waam partie, il ne restait plus que le Major Downie pour la maintenir en état, mais je crains que lui non plus n’ait plus la force de continuer sur cette voie. Steven attachait tellement d’importance à ce lieu… Ses projets se sont sans doute effondrés lors de la soirée qui devait permettre d’élire un nouveau maire, un nouveau leader pour permettre à ces pauvres âmes errantes de suivre une voie commune. Peine perdue : personne n’a jugé bon d’apporter son soutien aux candidats et la soirée s’est même achevée par un Deus Ex Machina qui a réchauffé mon cœur de quelques degrés mais qui a sans doute sapé le peu d’espoir que Steven portait encore en lui. Yungvarr Ironbear est revenu pour l’occasion. Certains diront qu’il s’agit du destin, d’autres du simple hasard : je n’ai pas de réponses à cette question, et pas d’avis à émettre non plus. L’Ours de Fer, l’ancien maire de la ville, marchand d’armes à ses heures perdues et baroudeur des forêts chernarussiennes est un personnage fuyant, capable de s’immerger dans les Ombres pour réapparaitre quelques mois plus tard. Je ne doute pas qu’il continuera ainsi encore longtemps et je ne m’inquiète pas pour lui.
J’aimerai consoler le Major. J’aimerai lui dire qu’il n’a pas fait tout ça en vain, que les efforts qu’il a fourni ont porté leurs fruits, pas dans le cœur de béton de cette ville mais dans celui, bien vivant, de tous ceux qui ont un jour croisé son chemin. Mais il ne m’écoutera pas. Downie me voit sans doute comme un électron libre ou bien comme une simple citoyenne un peu folle… Sans doute nourrit-il quelques rancœurs pour l’ensemble de ceux qui ont un jour fait partie de la communauté de Vybor et qui l’ont laissé mourir. Le Major méritait mieux que la plupart d’entre nous. Derrière le masque d’honneur et de vertu qu’il nous présente, il y a sans doute un homme qui souffre, un survivant du Cataclysme que nous avons presque fini par oublier mais qui n’en demeure pas moins l’origine de nos tourments - en tout cas celle qui nous apparait comme la plus vraisemblable.
Les vents de l’Ether sont comme les flots de la mer qui vomissent souvent des carcasses de bateaux ou du bois flotté sur la plage balayée par les embruns. A cette différence près qu’ils ne laissent pas derrière eux d’objets inertes, mais bel et bien des corps, parfois emplis d’une âme coincée ici depuis longtemps et parfois habités par une âme neuve, dont les contours sont encore doux et lisses, une âme qui n’a pas encore goutté au tranchant de cette Réalité.
Alice est de celles-là. Une nouvelle venue comme il en vient parfois, inconsciente de ce qui se trame au sein de cet éclat du Multivers. Je l’ai récupéré près de Kamenka alors qu’elle suivait la route en direction de l’Ouest, vers ce petit village qui était autrefois le fief de Grygor Krasky, le lieutenant déchu. Voici quelques jours qu’elle chemine à mes côtés, et bien que je sois toujours une inconnue à ses yeux, la journaliste - puisque telle était sa vocation avant que tout ne parte à vau-l’eau - a accepté de me suivre jusqu’à Vybor et bien au-delà. En vérité, sa témérité n’a d’égal que sa curiosité mais c’est sans doute là l’apanage de tout reporter qui se respecte.
Alice a déjà rencontré la plupart de ceux que je mentionne occasionnellement au sein de ces pages troublées : Vany Vanky, Steven Downie, Gitanos, Ashley et même Olikotora ont fait l’objet de ses interrogations et je ne déroge pas à la règle. Je dois bien admettre que c’est avec la plus grande sérénité qu’elle a accepté le fait que nous soyons tous complètement fous. C’est du moins ce qu’elle croit et elle finira bien assez tôt par comprendre toute l’horreur de son sort. Le sien n’est pas plus enviable que le nôtre pour le moment : tout comme la majorité d’entre nous, Alice a perdu des êtres chers, l’un d’entre eux tout particulièrement… mais cette fois-ci, aucune chance qu’elle le retrouve en bord de mer, pas au sein de cette Réalité du moins.
Ainsi vont les choses : ceux qui furent autrefois des humains sont devenus des nécroïdes, des créatures avides de sang tandis que les morts se relèvent sans cesse sous les vents du littoral. D’autres s’abandonnent à leurs tourments et choisissent de franchir le Seuil : certains en reviennent, d’autres pas. Et parmi toutes ces étincelles fourmillantes d’absurde, il en faut bien quelques-unes pour conserver en mémoire les échos de ce Cloaque.
Ce soir comme bien souvent, je fermerai les yeux en contemplant ce rideau d’anthracite, derrière lequel se cache sans doute l’une de ces Vermines du Vide. Et plus loin encore, perdu au-delà même des profondeurs de cette Histoire, le pilon qui les écrasera, le Catalyseur qui me fera peut-être sortir d’ici un jour.
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